MICHAËL GLÜCK
par six fois la Grande Ourse
les chevaux calmes à ma tempe
ont accordé leurs sabots
les troubadours dans une église
tiraient la lune sous les cartes
et les arlequins catalans
caressaient le dos des guitares
les figues brunissaient
la chevelure des filles
le ciel a dégrafé
leur corsage de jonc
petits couteaux sous les aisselles
***
ombre d’un enfant
gravée sur le mur
plus violente que la cendre
les doigts se sont fermés sur un vol d’hirondelles
les lépreux du Japon agitent leurs crécelles
brûlés sont les jardins sur la route de Sienne
brûlée la cathédrale
les rues d’Hiroshima
sourire d’un instant-libellule
soleil d’Hokusai et volcans
soierie pâle et vivace aux chevilles légères
la porteuse de d’eau va Hondo Fuji-Yama
porter les arbres nains au canton des lingères
et les filles nageant entre les madrépores
sont restés sous les eaux un filet sur les yeux
crématoire en plein air
Varsovie japonaise aux maisons de papier
***
futur amnésique
le soleil tiré par quatre fourmis
quitte les jacinthes de la chair
***
ruban distrait de la mémoire
au jardin
les jets d’eau sont venus s’asseoir
sur la crinière de chevaux
jamais je n’aurais tant joué
à chat perché dans les nuages
entre les fleurs et les chiens morts
***
vieille crécelle
la parole
un visage indécis
***
la mort est si facile
linceul dents vertèbres
solfèges
mes doigts dans tes cheveux
cherchent des oiseaux morts
***
clavier des dentelles
des grillons paresseux s’étonnent de mourir
au creux de nos épaules
la lune me tranche la gorge
les citrons ne sont
qu’un souvenir d’hypnose
***
dans les allées de soie brune la nuit
la trahison a l’odeur de ton corps
la caresse des pins les parfums de résine
s’enroulent aux sabots de la rivière
***
la paix des encensoirs s’endort sous les prières
au miroir
silencieux
le temps oublie l’iris
au cadran du voyage
qui berce les couchants
le vent courbe un visage
***
soleil roux rossignol couchant
pris dans le prisme de ma voix
sable de l’une sous mon pas
Lorca ressuscité plain chant
Le fusil fleurit sur la branche
le crime est noir sur l’olivier
les fruits sont morts d’un goût d’acier
au pays d’Isabelle Blanche
romancero couleur de sang
rose blessée sur un sourire
Federico
Julian est mort
les caniveaux sont pleins d’oiseaux
***
on entendra la mer
les chevaux et la peur
ton corps de cuivre
ta crinière est en feu
et la fontaine est morte
grand sommeil
et je retournerai
vers les feuillets de l’ancolie
***
Tout s’insurge et dit
la désespérance
l’étoile et les pianos inquiets
la solitude des oliviers
***
le ciel après l’été
perd la mémoire
le regard fugitif
déchire les mots
il faudra partir
sans dire
que l’on aima
***
l’enfant
ferme un rosier
et laisse mourir
l’oiseau blessé
***
elle avait les yeux noirs
et chaque soir penchait
la lune de cytise
vers le jour mort
sur la roue
***
je fus
marionnette de mes théâtres
puis je pris peur
des rideaux de ma chambre
***
un réverbère tremblait
dans la brume
sous un pont
un désespéré
buvait le fleuve
le matin cahotait
sur les pavés mouillés
***
un bec de gaz brûle
au coin d’une rue infâme
pour un peintre ivre mort
un joueur d’orgue de barbarie
s’éteint avec sa complainte
***