MICHAËL GLÜCK
juillet - décembre 1964
le café s’est blotti place des aquarelles
soleil décapité bleuets de mes yeux bleus
et mon rire en crécelle
j’habitais le quartier de la mélancolie
épilepsie lunaire et stupide raison
d’alcool sonore et d’asphodèle
***
sueur
à leurs seins rougeoyaient
des piqûres d’oursins
le sommeil
s’endormait sur les hanches
***
l’arbre glisse
entre les roseaux
aveugle le vent
mord la poussière
***
la tête auréolée de lichens et d’oranges
je marchais
primitif
le soleil dans ma chair
à nos lèvres mangeaient d’éternelles mésanges
***
à fleur de peau
le soleil fuit
les anémones en troupeau
***
ils me crucifieront sur des croix de bambou
le soleil dans mes mains comme un clou légendaire
vase décapité
planète provisoire
je meurs d’un impossible évanouissement
***
habille toi
de plumes
de cuivre
de sable
la charrue creuse les roseaux
la forge refroidit
les ponts se penchent
sur les dunes
***
des oiseaux chantent sous mes ongles
poissons des lunes étourdies
le temps sans ressort
tombe
le monde fait la roue
***
le sable et le sel vacillent
le vent peigne
l’hippocampe
l’horizon fait l’aumône
l’araignée étend
ses toiles de sodium
ô pluies
des voyageurs son naufrage
***
le lit de Jesmina sera couvert de palmes
va blesse tes sabots mon cheval va la lune
de printemps descend le mouchoir des nuages
va blesse tes sabots va mon cheval l’oiseau
effleure ta crinière
Le lit de Jesmina sera comme un radeau
va blesse tes sabots mon cheval va l’écume
déchirée l’océan sera couvert de palmes
Le lit de Jesmina va blesse tes sabots
noyés
***
dans les jardins je vous lirai
Apollinaire
j’emporterai
de vos yeux calligrammes
le souvenir d’un pont qui se noie dans la Seine
et je serai
soleil de craie
à vos chevilles
dans les matins
tirés par des péniches
je vous ai vu mourir
des Modigliani
***
Ispahan ma grand’ ville aux senteurs de pastèque
ma coque de palmier mon navire éperdu
je danse les prénoms sonores de tes rues
mes bracelets de cuivre emportent l’arabesque
un palais de lotus interdit le ciel