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LIVRE 1 : INTRUSIONS, V

Clefs : peuples , monde , langue

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Ici. Les oiseaux y ont fait leur nid. Les hommes, lassés du ciel, n’y posent qu’à peine leurs regards
Fixés à l’horizon comme :                                les petits êtres ont dérangé l’ordre des choses. Ils ont (sans raison ?) assailli d’antiques citadelles que le soleil ronge depuis des millénaires. Ils avaient aperçu au fond de certains horizons l’ombre de lunes inconnues et tentaient d’en retarder la chute. Leur industrie n’a d’égal que leur génie, et leur ténacité, souvent mise à l’épreuve par des cataclysmes créateurs de silences, se renforce de leur propre mort.

Les amoncellements de générations faisaient, chaque fois, gagner à la nouvelle un peu de hauteur, tandis que s’éloignait toujours plus la terre dont ils ne connaissaient plus la saveur et la densité que par des rêves faussement naïfs où ils reconstituaient le sol à leur image, quittes à l’inverser.

Ils étaient ainsi parvenus à ces régions peuplées d’oiseaux sans nids, dans les couches raréfiées de l’air. Errant en somme dans leur propre multitude et ne pouvant découvrir, en fait de profondeur des choses que leur propre épaisseur.

Où qu’ils posent désormais leurs pas ce n’est que sur eux, les vieux continents sont prisonniers dans les mailles de leur tissu vivant, et dans les profondeurs de l’eau (que d’océans jadis les avaient effrayés pour leurs propriétés inconcevables, capables à la fois de supporter et d’engloutir les corps, de demeurer et se mouvoir, d’apaiser ou exciter les douleurs) comme dans les espaces où le corps ne peut pas servir de mesure (en avaient-ils pourtant rêvé de ces espaces infinis... et sans jamais parvenir à s’en approcher même vaguement) ils ont tendu des filets au réel qui est venu s’y assagir. Petits êtres qui se balancent aux mouvements alanguis du vent, frissonnant comme des brins d’herbes, et ancrés comme des arbres au corps de la terre, ils s’unissent en des rocs vivants, tout à la fois végétaux fragiles et constructions indestructibles, petits êtres doubles jusque dans leur configuration... C’est en projetant sur le monde ce faux et instable équilibre de leur apparence qu’ils se sont mis à rêver l’ordre des choses et la sérénité des transformations sans fin.

  AOI

 

©Editions de l'Amourier, tous droits réservés

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