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BRIBES, VOLUME 5, CLVII

Première publication : 17 décembre 2008

Clefs : citations , monde , art

Moi cocon moi momie fuseau en moi-même enseveli transpirant mes propres ruines oiseaux fondus dans l’eau du ciel aile engoncée dans les cascades j’implore en vain leur retour AOI Qu’avait-il dit ? Oui... Qu’est-ce qu’il avait dit, ce sémiologue ? Que l’avant-garde, dans l’histoire de l’art, c’est tout mouvement qui cherche à donner du sens à l’insignifiance ? Oui. Il avait dit ça. Et il avait raison, sans aucun doute. Nous sommes, ajoutait l’autre, des décennies avant, la génération des petits bouts de papier déchirés. Lui aussi avait raison. Nous sommes les adeptes du moindre déchet, les rédempteurs des tickets de métro. Nous sommes les décolleurs d’affiches, les récupérateurs des gouttes de pluie et des gorgées de bière. Nous sommes les admirateurs des accrocs. Nous sommes les explorateurs des lambeaux de conversation. Mais tout l’art n’est il pas, qu’il soit d’avant garde ou non, une continue mise en forme des restes ? Jus végétaux, minéraux écrasés, charbons. Et toutes nos entreprises ont-elles un autre objectif -ou un autre effet- que de donner sens à cette insignifiance : notre vie. Il n’avait ainsi jamais réfléchi et avancé qu’à partir des insignifiances. Personne n’était plus étranger que lui aux grandes idées et aux grands mouvements. Il n’était attentif qu’aux qualités du petit, à l’or poussière des humbles. Rien n’était plus profondément ancré en lui. Un admirable poète regarde l’aiguille du Midi... Et il dit qu’il y voit "une perle dans un écrin de nacre". Un autre, pas moins admirable, modèle du premier, se retrouve au pied du Mont Blanc, devant la Mer de Glace, et dit n’avoir aucune imagination et ne voir là que poussière grise. Feu d’artifice du vol des hirondelles dans un agencement que l’on dirait aléatoire, mais dont on sait bien que chacun des mouvements suit des paramètres très précis qui en le dessinant permettent de se les figurer ou de les deviner, chacun étant à son tour dicté par d’autres paramètres encore, d’autres forces, d’autres mouvement... Le vol des insectes est le premier d’entre eux, les hirondelles ne poursuivent que lui en piaillant ; il est lui même soumis aux aléas de l’air, aux insoupçonnables variations de pression hors de portée de nos sens, et qui dépendent des écarts de température, des jeux complexes du soleil à travers les couches de l’atmosphère, de la nage des nuages, de la lointaine et imperceptible diffusion des vapeurs... Je ne sais pas si le battement d’une aile de papillon ici peut changer le cours des choses en Chine, mais il est certain que l’état du Gulf Stream détermine la chorégraphie des hirondelles. AOI

©Editions de l'Amourier, tous droits réservés

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