Fioretti pour le peintre Armand Scholtès
avec les murmures de Saint François d’Assise
1986
Laudatu sii, mi Signore, per sora luna e le stelle ;
In celo le hai formate clarite e pretiose e belle.*
elle
est l’image
première de toute
la mystérieuse
humilité
je simplement
retiens
le souffle à peine du
papier déchiré
c’est un oiseau
(* Voici une part du bonheur : regarder la lune, les étoiles ; simplement les voir : belles, précieuses, lumineuses ; et savoir que tu es né de la même matière qu’elles)
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Laudatu sii, mi Signore, per frate ventu
E per aere, e nubilu, e serenu, e onne tempu,
Per le quale a le tue creature dai sustentamentu.*
la douceur dans la feuille
s’éteint le printemps
nous revient l’écorce
à nouveau sent la montée
des sucs de la terre
le printemps nous revient
c’est une troublante
image
dans
l’eau d’une
source
cachée
c’est
ce qui
(* Voici une autre part du bonheur : sentir, par tout le corps, le vent, l’air et le nuage ; goûter le temps qu’il fait, quel qu’il soit ; savoir que ta vie, comme toute vie, s’alimente à ces sources-là.)
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Laudatu sii, mi Signore, per sor’acqua,
La quale è multu utile, e umile, e pretiosa e casta.
tu
avances
bras ballants
paumes tournées vers
l’avant
je
cherche sans
savoir si
je
serai quand je
saurai
dire
(* Voici encore une part du bonheur : tu vois l’eau qui coule, ou s’apaise, tu l’entends, tu l’absorbes, tu sais qu’elle retrouve en toi la même fluidité et les mêmes retenues. Et elle t’éblouit, utile, humble, précieuse et pure).
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Laudatu sii, mi Signore, per frate focu,
Per lu quale inallumini la nocte,
Et illu è bellu, e jocundu, e robustissimu, e forte.*
tu
dis ce que dit
le vent
qui naît
l’eau
qui sourd
la feuille
qui
fuit
papier
déchiré
que
ramassé
(* Voici une part supplémentaire du bonheur : un feu naît pour éclairer la nuit. Il est beau, joyeux, robuste et fort. Tu sais que ta vie se consume de la même ardeur).
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Laudatu sii, mi Signore, per sora nostra matre terra,
La quale ne sustenta e guverna,
E produce diversi fructi, e coloriti fiori, et erba.*
or des humbles
tremblante minceur
de la canisse
éclat du ciment
aux reflets d’argent
et de plomb
écorce du platane les bords de ses brisures
dessinent des jours inconnus
entre les doigts
des arbres
le
ciel
splendeur de la feuille
de chêne
piquée de temps
paillettes ternies
de la rouille
feuille quand
le temps fait son oeuvre
il ne reste plus
d’elle
que
les
nervures
mots d
échirés
m
ot dé
mot tenu
la
re re
rete
rete
nue
le mot
le mot r
re
rete
te
nu
(* Voici la terre, la part la plus profonde du bonheur : tu t’en nourris, et tu te confondras avec elle, dans l’explosion des fruits, des couleurs et des herbes.)
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Laudati sii, mi Signore, per sora nostra morte corporale,
Da la quale nullu omu vivente po scampare.
Guai a quilli che morrano in le peccata mortali.*
miroir
tremblant
au bord des sources
c’est lu
l’hu
l’humilité
c’est l’humi
lité
l’humble
l’humble
non l’humilié
(* Voici la part ultime du bonheur : se savoir mortel, et en vivre)