RAPHAËL MONTICELLI
Ce texte, dédié à Marcel Alocco, date de 1977. Il a été publié en 1988 aux éditions Voix Richard Meier dans Lisières Arlequin, où il fait suite à un texte de Michel Butor.
Oui la représentation
l’autre disait balzar sul palcoscenico
des représentations
Ce soir on n’improvise que
la déchirure
(Mais à vrai dire le canevas tient bon)
Et face à ça
Est-ce toi Marguerite ou encore
Beatrice criait l’autre bondissant aussi bien en entrant qu’en sortant
bal
balzando
sur le devant de la scène sautant en toile de fond
s’agite la toile retournée
( Mais il y avait, en plus des loges et de l’orchestre,
quelques places en coulisses où de nombreux
privilégiés, dos au décor, voyait l’envers de l’action)
Alors l’image
Si la faim viens viens si viens ma faim si Arlequin si
Arlecchino sfamarsi non può
tra fame e fama
la représentation, le brouillage… cousu de fil blanc
C’est retourner la toile sans en renverser une seule goutte
(Ne disait-on pas que les muses sont filles de mémoire
N’oublie-t-on pas jusqu’à leurs noms)
Alors la toile
tendue de souffle
Débordant d’images
Pliée aux inscriptions, soumise aux traces parée
Pour la déchirure
Toile
(Nous sommes pas tels mais crânes perforés où
le monde s’engouffre
c’est la fame di Arlecchino o
Beatrice o amore o pane o morte o fame)
Et de nombreux privilégiés, dos à l’action, regardent
l’envers du décor
Est-il plus curieuse invention que cette peau d’artifice
que ce simulacre de mur
né de la réduction des vides dans l’entrelacs des fils
Capillaire
Poreuse
nouable froissable pliable voile tente où le
monde s’engouffre étendard tambour drap où le monde
s’engouffre fame amore morte
Et l’autre sur le devant de la scène – devant un
Monde d’artifice criait Beatrice balzando o che fame
o che fame
Est-il seulement besoin d’une incision ?
Quatre doigts posés sur le côté face à toi le
Pouce au verso tu tiens tu tends tu tires
Chant des fils rompus dans l’écartèlement de la toile
Bruissement d’images enfuies
Chant dont la hauteur se règle sur l’écartement des bras
Pauses au terme de l’extension
Ponctuation comme un souffle en suspens
Ci gît la déchirure limite effacée de l’espace odeur
de poussière dans le crissement du tissu
Longue patience jusqu’à ces derniers gestes où la
prise ne peut plus se faire à pleines mains mais du
médium de l’index et du pouce
Alors la toile crâne ou gouffre écartelé
Pauvre tissu du pauvre
Qui des morceaux épars fait toile
(Et ma peau retenue
que des boursouflures pâles coutures)
j’ai mis au monde en désordre sur mon corps
strimbello et salticchio
Oui les représentations
Elles vont balzando sul palcoscenico de la
Représentation
Carrefours imprévus cousus sur l’épiderme de la terre
Echangeurs pour de soudaines sautes de temps
Alors la couleur
(…)