Patrick Quillier
Tristan Cabral parle de Jan Palach
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Aux temps tumultueux d’une jeunesse
cristalline, on prit comme une injonction
de justice à jamais l’immolation
de Jan Palach sur l’autel des révoltes,
ô Jan Palach que l’on a tant pleuré
et tant admiré.
C’était en janvier,
à Prague, et c’était bien loin des jardins
d’Amilcar. La mémoire nous redit,
sans le secours de Proust ni de Bergson,
toutes les paroles prononcées là
par Tristan Cabral, témoin, sacerdote,
témoin devant l’éthique indéniable
sous le ciel étoilé et dans le cœur,
sacerdote pour un oratorio
de la fraternité dans la lignée
des grands prédicateurs.
Il nous parlait,
Tristan Cabral, en veilleur de silence,
de ces pays qui s’endorment debout :
« Là, d’étranges femmes seules y passent
les mystères. J’y ai longtemps vécu
de lentes agonies et je veillais
les morts avec des armes blanches. Je
sais des pays qui s’endorment debout,
où des aveugles marchent vers de fausses
fontaines. Souvent des étudiants jouent
à tirer au sort celui qui ira
seul se brûler sur le pavé des places.
Je sais des pays qui s’enterrent en
silence. Les yeux éteints des loups y
laissent des échardes. Des villes y
sont rangées sous les eaux les plus profondes
des fleuves. Des visages viennent s’y
heurter dans mon dernier visage. Alors
de grands enfants très tristes plus vieux que
le malheur brûlent avant de mourir
leurs vêtements d’hiver… Praha, janvier
1969, après
le suicide de Jan Palach par le
feu. »
Recueillis, nous écoutions Tristan
comme des enfants écoutent leur père
dans le cercle ardent de l’initiation.
Et l’écoutant ainsi parler de Jan
Palach, nous savions que nous écoutions
la plus belle des écoutes du monde.