WERNER LAMBERSY
Ou Le bazar de Werner
Né en 1941 à Anvers, Werner Lambersy est mort le 18 octobre 2021.
En 2014 il m’avait envoyé un recueil de plus de 400 aphorismes, calembours, proverbes, et autres calembredaine, Le Chêne de Dodone, ou le bazar de Werner.
Je n’ai retrouvé ce titre dans aucune de ses bibliographies, et les amis communs que j’ai interrogés ne savent rien de ce recueil.
Quatre-cents phases qui seront mises en ligne jusqu’en novembre 2022, à raison d’une trentaine par mois.
Je ne sais s’il aurait accepté cette proposition. Je supprimerai ce recueil du site si un.e ami.e proche me donne des raisons de le faire, ou s’il apparaît qu’un éditeur refuse qu’il apparaisse ici.
Naissance et mort sont deux miroirs face à face pour donner l’illusion de l’infini.
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La réunion de Yalta ressemble un concours de pets : voyez la tête qu’ils font !
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Si au pied de la Croix, il y avait eu un petit chien, ma mère aurait cru au Christ.
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On sait ce qu’on perd à la traduction, mais parle-t-on de ce que le texte y gagne ?
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Lu sur la carte d’un luxe imbécile : « Caruso de fromages ».
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Sans la couverture des paupières, les morts ont soudain froid aux yeux.
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Des profondeurs féminines, à l’écume masculine, combien de monstres géants.
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Après avoir détruit ses poèmes, Hopkins note « Temps gris. Bel après-midi ».
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Pour fêter le Saint Esprit, on l’entoura d’un feu d’artifice qui détruisit l’église.
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Avantage d’un journal commencé tard : on peut supposer qu’il ne sera pas long.
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Dans le poème et le saut à l’élastique : il faut mesurer la longueur de la corde.
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Calder : ma poésie est faite d’éléments qui s’opposent et finissent par s’arranger.
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Souvent la littérature ne sert qu’à détourner la tête pour ne pas voir juste devant.
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Les remords et les dieux donnent de l’importance à nos plaisirs les plus secrets.
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Les mémoires et le jambon se servent coupés fin pour garder tout leur bouquet.
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Les passions tuent sans nécessité mais donnent un sens à ce qui s’en passait.
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J’appelle mirabilia ceux que j’aime et dont j’use sans permission pour un temps.
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Rien ne remplace le néant qui me réclame ! Que les mots comblent la distance.
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Joubert : il ne faut pas s’exprimer comme on sent, mais comme on se souvient.
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Quand on a lu un seul poème, on a lu beaucoup de livres et deviné ce qui reste.
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Salomon : pour les bavards, qu’on les scie en deux dans la longueur, et qu’on
prenne le temps comme ils ont pris le nôtre ;
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Pour les menteurs, qu’on les coupe par la taille ; que les pieds aillent dans un
sens et les mains dans un autre ;
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Qu’on garde l’estrapade pour tous ceux qui prétendent détenir la vérité !
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L’union sacrée, c’est le Sacré Cœur de Montmartre sur le Sacré Cul de Pigalle.
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Je suis minéral, végétal et animal ; fait d’une âme dont l’univers est l’estomac.
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Nous nous obstinons à (sur)vivre pour nous persuader et convaincre d’exister.
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L’arbre de l’Eden, dans lequel nous avons taillé flûtes et violons, à quoi aura
servi d’en faire des potences et des bûchers ?
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Les artisans de la paix font des traités ; les artistes de la paix font de la prison.
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Ceux qui ont mis des chaises dans les églises ne croyaient pas en Dieu : ce sont
les même qui éteignent avant de faire l’amour.
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Aucun chat d’aveugle : pourtant, ils y voient mieux la nuit que les chiens.