MICHAËL GLÜCK
entre Saint Priest et Montpellier
vers la première série : Cordes tendues le long des murs
vers la deuxième série : À Cadenet ►
motifs de cœur sur l’oreiller
la lampe de chevet est posée sur la chaise
entre le lit et le violoncelle
et ce platane qui s’ouvre à la pensée
voilà
un vers glané d’un poète persan
livre ouvert au hasard
avant de baisser les paupières
expérience du simple
j’entends
ma respiration fatiguée
tandis que je pose
les mots sur la page
platane qui s’ouvre à la pensée
comment
demain
regarderai-je l’allée des arbres
Saint-Priest, le 27/11/02
++++
le Rutebeuf Clichy-sous-bois
objets et comédie
les mots
objets d’une autre langue
ce beau trouble d’être
en autre langue traduit
ainsi désapproprié
énoncé au plus juste
les mots sont
et ne sont plus
les miens
ainsi redistribués
restitués
à la figure tremblante
d’une communauté
Montreuil, le 05/12/02
++++
je pose
les dents
dans un mouchoir
je ne mords pas la nuit
la nuit envahit la bouche
Clichy-sous-bois, le 05/12/02
++++
la langue c’est ça
qui déplace les yeux
la langue c’est ça
qui désaxe les yeux
qui les arrache à l’intérieur
pour les tourner vers l’extérieur
la langue c’est ça
ce qui arrache les yeux
ce qui arrache les oreilles
on a beau se raconter des histoires
on est mort
ça musique de langues
de Corman à Kermann
Clichy-sous-bois, le 06/12/02
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de l’humanité
ne s’arrête pas
de l’humanité
s’effondre
de l’humanité
n’arrête pas de s’effondrer
et tient
tient
de l’humanité tient
peu mais tient
qu’à un fil de rien tient
si bas
tout
tient à plus rien
tient dans le rien
oui
de l’humanité
Clichy-sous-bois, le 06/12/02
A Daniel Lemahieu
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laisser la nuit
tomber dans la bouche
étrangement loin
les mots
flottent
entre deux silences
les mots
ton visage
plus que les mots
ton visage
absent de mes mains
Lyon, le 21/02/03
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les heures
seulement ponctuée par
ce qui dans le jour
m’oblige à parler
passer les mots à d’autres
m’en déposséder
ici je désapprends
à parler
quelques mots encore
demeurent
font logis dans la voix
quelques mots encore
tiennent debout
Lyon, le 21/02/03
++++
l’infini
patiente
noyau de silence et d’absence
cela seul
ce désert vers lequel
inscrire une trace
pour l’effacer
ni signature
ni pas
qui marche
a cessé de marcher
sans date ni lieu, mais 2003
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derrière la fumée de la cigarette
visage ruiné
par le tabac et l’alcool
elle arpente la place
vaguant sur ses talons
devant la gare
va et tourne sur elle-même
arpente
en attente ou
en vacance
elle déambule
porte le vide en elle
une autre vieille
fardée
maintenant l’accompagne
elles parlent
leurs lèvres pincées
agitent des mots
elles se ressemblent
et nous ressemblent
Montpellier, le 19/12/02