BRIBES EN LIGNE
la communication est sauvage et fuyant comme lire chronogaphie (bribe 133 dernier vers aoi aux george(s) (s est la               il vertige. une distance exposition et ouvrage de page suivante ► page le 23 février 1988, il le lent tricotage du paysage       sur le à sylvie rêve, cauchemar, les cuivres de la symphonie    tu sais pierre ciel     "       voyage     sur la pente chaque automne les antoine simon 21 le coeur du halt sunt li pui e mult halt oiseau tranquille au vol     pluie du  dans le livre, le ço dist li reis : du maurithuis par       pav&eacu  le grand brassage des textes mis en ligne en avril  pour le dernier jour lancinant ô lancinant page suivante ► page aller à la liste des auteurs le chêne de dodonne (i) a quelques exceptions près pour robert je suis occupé ces « amis rollant, de dernier vers aoi les articles mis en ligne en       à page suivante ► page pour accéder au texte, prenez vos casseroles et et   riche de mes je désire un je me souviens de       je antoine simon 13 les terrasses abandonnées allons fouiller ce triangle a-t-on remarqué à quel pour visionner la histoire de signes .     cet arbre que       en un cent dix remarques i► cent ici, les choses les plus Éditeur : la diane quando me ne so itu pe deuxième suite les dessins de martine orsoni il y a des mots, mais comme 1- ai-je reçu une textes mis en ligne en lorsque la langue dérape, le les plus terribles aller à l’échange sur able comme capable de donner je découvre avant toi       un antoine simon 33 voir les œufs de présentation du projet  epître aux merci à la toile de depuis ce jour, le site le slam ? une ruse de une fois entré dans la la visite de la fondation il pleut. j’ai vu la biboon. plus qu’une saison. polenta à raphaël ce qui fascine chez       le dernier vers aoi tout en travaillant sur les sommaire des (ma gorge est une les grands chercher une sorte de       su lou dans les carnets       aux pour daniel farioli poussant mon cher pétrarque, dans les carnets la terre a souvent tremblé les ruelles blanches qui alberto arbasino :       entre approche d’une dans les écroulements dernier vers aoi souvent je ne sais rien de au labyrinthe des pleursils i en voyant la masse aux page suivante ► page ce poème est tiré du de soie les draps, de soie "ah ! mon doux pays, bernar venet - la tentation du survol, à ecrire sur aller à la liste des auteurs coupé le son à       gloussem [voir le texte de cummings deux ajouts ces derniers en cet anniversaire, ce qui il semble possible 1    le recueil que mathieu bénézet : mon il y a des titres qui aller à la bribe suivante page suivante ► page carcassonne, le 06 monde imaginal, il faut aller voir violette cachée ton       journ&ea       fourr&ea le lourd travail des meules sommaire ► page suivante si j’avais de son elle disposait d’une  hier, 17 pour accéder au pdf, 1     pour gardien de phare à vie, au la toile ou, du moins, la     surgi       & chers élèves du collège pur ceste espee ai dulor e le corps encaisse comme il station 5 : comment clere est la noit e la sommaire ► page suivante <p présentation du projet       le       en frères et Être tout entier la flamme       dé la danse de     un mois sans textes mis en ligne en août embrasement du mantra gore page suivante ► page aller à la liste des auteurs       bruyante vous, dont l’âme, le "ces deux là se       longtemp ces estampes illustrent le deuxième essai à dernier vers aoi si tu es étudiant en ceci… pour prendre mesure.  pour de décembre 2001. page suivante ► page rafale n° 5 un madame chrysalide fileuse vers le sommaire des recueils l’impossible c’était une cet univers sans quand c’est le vent qui page suivante ► page eurydice toujours nue à je sais bien ce qu’il chaises, tables, verres, et tout avait       le   est-ce que rafale page suivante ► page       soleil en ceste tere ad estet ja tant pis pour eux.       et     tout autour sommaire ► page suivante       j’ la chaude caresse de de l’autre       bonheur suite du blasphème de l’annÉe 2021 mois par derniers textes mis en 30 décembre 1963. revue page suivante ► page       la     hélas, elle dit la main qui fut le dernier vers aoi le texte qui suit est, bien       apr&egra issent de mer, venent as page suivante ► page page suivante page dernier vers aoi dans l’effilé de       dans le quelques photos quel ennui, mortel pour page d’accueil de dernier vers aoi je me souviens qu’à propos page suivante ► page printemps breton, printemps     le dans les rêves de la apaches : les textes mis en ligne bel équilibre et sa sculpter l’air :       l’ sans être grand l’heure de la textes mis en ligne en    nous le bulletin de       "j& je reviens sur des pour julius baltazar 1 le cher.e.s ami.e.s vous pouvez page d’accueil de    de femme liseuse page suivante ► page       je suis aller à la bribe i au s’ouvre la   six formes de la une il faut dire les "et bien, voilà..." dit retour vers le musicien "mais qui lit encore le       la textes mis en ligne en quai des chargeurs de pour écouter la lecture,  ce qui importe pour page suivante ► page c’était une très jeune page précédente retour page suivante ► page "le renard connaît bribes en ligne a mis en ligne durant   cinq approches       une page suivante ► page page précédente ► page ne pas négocier ne pour jean-louis cantin 1.- je voudrais voir les arbres l’appel tonitruant du   pour théa et ses naviguer dans le bazar de textes mis en ligne en mai le phonétisme n’a-t-il pas   encore une l’instant, celui qui ne     le cygne sur j’aurai donc vécu sur page suivante ► page sommaire ► page suivante page d’accueil de un verre de vin pour tacher    il mais jamais on ne pour philippe s’égarer on sommaire ► page suivante       la percey priest lake sur les j’ai longtemps mise en ligne textes mis en ligne en mars       é  ce mois ci : sub 199* passé galerie "sine jamais je n’aurais        marcel migozzi vient de   se       neige la fonction,       le ce jour-là il lui pour alain borer le 26 dernier vers aoi qu’est-ce qui est en si elle est belle ? je 1 les morceaux de nuit se       sur la    si tout au long les embrassées , cantilène   sommaire ► page suivante dernier vers aoi elle réalise des dernier vers aoi   nous sommes derniers pour gilbert page d’accueil de       alla marcel alocco a creuser de la langue, outil la terre nous je suis bien dans pour accéder au texte, au programme des actions nous lirons deux extraits de jacques kober : les le rideau (gallimard 2005) de antoine simon 14 introibo ad altare alain lestié, gravure sommaire ► page suivante   je n’ai jamais textes mis en ligne en août paul page précédente page a l’extrémité du petits rien 4 et 5 (env. 7cm  monde rassemblé a - preliminaire prenez 3 il aurait voulu être je ne sais pas si pour sophie, magali et préparation des corps iloec endreit remeint li os clquez sur nous serons toujours ces diaphane est le page d’accueil de le chêne de dodonne (i) cent dix remarques i► cent page d’accueil de     les fleurs du a propos de quatre oeuvres de       l’ pas de pluie pour venir un texte venu de l’autre retour au texte deux nouveauté, madame porte à un texte que j’ai sous ces étagements liquides dans l’innocence des "a cannes, propos de table alocco peinture en madame 1 madame est la la force du corps, ….omme virginia par la voir aussi boltanski galerie pour michèle auer et seins isabelle boizard 2005 page suivante ► christ a bribes dans le nid de deux ce travail vous est "je me tais. pour taire. quelques autres textes mis en ligne en dix l’espace ouvert au la parol

Retour à l'accueil

RAPHAËL MONTICELLI

Jean-Jacques, peintre
Publication en ligne : 10 janvier 2021
Artiste(s) : Laurent (site)

Ce texte date de 1998. Il figure dans un opuscule sur Jean Jacques Laurent publié par l’association stArt à l’occasion d’une exposition personnelle de l’artiste à l’atelier d’art contemporain des musées de Nice. Jean Jacques Laurent avait intitulé son exposition "Ironie d’un sort".


vers Ponctuations

Première approche

Peindre : s’introduire dans la famille de l’art

Pour Jean-Jacques Laurent, la peinture a d’abord été affaire de famille. Voilà qui doit bien, en partie au moins, s’expliquer par le fait qu’il est issu de potiers et d’artistes, qu’il a vécu dans la petite ville de Vallauris, à deux pas de Cannes et de Nice, qu’il a y a côtoyé tous les mythes de l’art moderne qui venaient achever là, dans ces parages-là, leur longue et éblouissante route et dont la présence hante encore tous les espaces du sud. Que d’ombres immenses pèsent encore ici, vous attendent sur le pas des portes, infiltrées dans les ruelles, toujours attentives devant les tours de potiers, impatientes, devant les fours à céramique, d’être surprises, une fois encore, par ce que le feu a pu faire d’un pigment ou d’un émail….Quand on déambule dans les rues de Vallauris avec Jean-Jacques, on voit littéralement se lever du sol qui les a accueillies les figures communes, banales, terriblement humaines et lourdes, de Jacques Prévert ou Pablo Picasso…
L’art est alors famille : donnée immédiate et indiscutable ; un monde tout d’un bloc, sans concession, sans ouverture, sans changement, à prendre ou à laisser, tel quel. Une effroyable éternité, en somme, gardée par des ombres écrasantes, divinités étrangement familières : immensément présentes, occupant tout l’espace, aveuglant l’horizon et cherchant à nous garder sous leur tutelle, admiratifs et muets. En échange, on reçoit l’espoir de savoir ce que seuls les dieux savent et la grâce de faire, avec notre pauvre corps, un peu de ce qu’ils ont su faire.

Pour Jean-Jacques, l’art est ainsi d’abord famille avec laquelle on entretient des rapports secrets, intimes, jalousement et douloureusement intimes : on en vibre, incompréhensiblement, au point d’en être agacé, de chercher à faire cesser cette tension dont on se dit, qu’en fait, on ne l’a pas voulue, qu’elle disparaisse, qu’elle cesse de gâcher la clarté du monde ; sans elle, la vie serait plus simple, plus immédiatement vivable ; plus tranquillement vivable…

On est déchiré : parce que, finalement, ça s’installe au creux de nous-mêmes, ça se niche dans des zones de faille ou de manque, et ça se niche pourtant sans les combler, en les élargissant, au contraire, en avivant leur sensibilité, comme ces caresses dont la douceur même ravive sur d’anciennes plaies, la sensibilité de la peau, plus fine là qu’ailleurs, sans cesse comme prête à s’ouvrir à nouveau. On sait aussi pourtant qu’on peut en s’enfonçant et en se calfeutrant dans cette intimité, construire le début de toute jouissance. L’art est famille : Jean-Jacques s’y est trouvé plongé. Et vous savez bien comment : vous connaissez cette passion, cet amour douloureux si fort qu’il se sent parfois plus fort que le retour qu’il reçoit, qui fait qu’on en arrive à rejeter avec le plus de violence ceux que l’on aime le plus et dont on sait bien, avec rage, que ce sont ceux dont on a le plus besoin et que, dans le même mouvement, avec la même rage, on se rapproche d’eux, on cherche à supprimer cette frontière de la peau, pour se fondre, ne faire qu’un.
Au prix de la perte et de la douleur. Et on sait que quand on parvient, un peu, au bout de la perte, à ces instants de fusion, toute douleur s’efface, quelque chose s’étend sur le monde et l’allège : la paix…

La peinture a bien été ainsi, pour Jean-Jacques, pendant longtemps une affaire de famille ; c’est entre soi, on le sait bien, qu’on lave ses affaires, dans une famille : les affaires du monde y trouvent peu d’échos. Mais il suffit, en somme, d’un tout petit recul, d’une toute petite distance, pour se rendre compte que les affaires qu’on lave sont celles de n’importe qui, de tout un chacun, et que le monde traverse la famille qui le traverse.

++++

Deuxième approche
Peindre : construire une familiarité avec l’art

Au fur et à mesure du temps, (on voit quand on parcourt l’œuvre de Jean-Jacques Laurent, d’une année à l’autre, d’une série à l’autre, d’une pièce à l’autre) l’affaire de famille a rencontré l’histoire….Celle des autres, celle de l’art et du monde… Et c’est alors l’histoire qui s’est chargée de toutes les vertus, des qualités, et de la densité de la famille ; et les objets de la peinture qui ont pris des figures familières…

De cette familiarité Jean-Jacques a tiré plus de violence que de douceur dans ses rapports avec l’art : il peint comme on lutte, avec brutalité, en prenant volontiers les matières et outils à contresens, en explorant des supports de récupération, en cherchant à inscrire ses traces moins dans un tête-à-tête avec les grandes références de l’histoire de l’art que dans une conversation avec toutes les vies qui se déposent dans nos déchets.

Voilà peut-être pourquoi la peinture, la trace, la ligne, la toile sont autant de matières qui, chez Jean-Jacques, retrouvent leur maternelle étymologie. Les choses de l’art sont femmes, elles sont mères, épouses, filles, on les aime et on s’y adonne avec passion et aveuglement. Il y a ainsi quelque chose de physique, de charnel, de brutal ou tout simplement de brut, dans la façon dont Jean-Jacques entreprend la peinture.

Disons qu’il y a bien ici quelque chose qui a à voir avec l’art brut. En tous cas, Jean-Jacques aimerait que la peinture soit la pure trace d’une relation immédiate au monde. On emploierait les objets et les outils, on laisserait des traces, mais ce serait pure pulsion, nécessaire, spontané et naturel ; ça aurait la même aérienne nécessité que celle d’un chant d’oiseau ou d’un bruissement de sources, la même indiscutable composition qu’un soleil qui, se couche, ou un éclat de lumière, entre deux rameaux, à travers une toile d’araignée….Ce serait ainsi parce que ça doit être et il n’y aurait rien à en dire. Ce serait… Mais nous savons aussi (nous le savons bien " aussi " c’est-à-dire en même temps que nous rêvons l’impossible spontanéité première de l’art) que l’on s’aveugle quand on croit faire spontanément ce que l’on fait. Et Jean-Jacques plus que quiconque le sait aussi. Il sait que le peintre s’aveugle quand il croit que le pinceau s’accroche à lui comme une branche et une fleur nés de son bras et de sa main, que ce qu’il fait avec le pinceau est naturel, comme un incompréhensible et hasardeux donné, posé là par quelque grâce qui nous dépasse, tellement entouré de mystère que l’on ne peut ni ne doit s’interroger sur lui, sur sa pauvre et terrible matérialité, sur son lourd, banal et trivial statut d’outil…Or il est tout sauf naturel, cet humble objet : il est né de la nudité des hommes, et c’est à lui que les hommes doivent tous leurs rêves de lumière, toutes les illuminations….

++++

Troisième approche
Peindre : retenir les leçons du monde

Très tôt, Jean-Jacques a utilisé des supports de récupération, cartons, châssis, sacs de toile…Il l’a fait en sachant que s’affirme ainsi que le support a déjà vécu, déjà vieilli, et les traces qu’il porte supposent de l’histoire ; ils sont chargés, bien que c’est vrai de n’importe quelle toile, bien sûr…
Mais c’est tellement plus évident dans ces vieux draps, ces vieux sacs, ces jutes fatiguées, ces cotons assouplis par le temps… Jean-Jacques a ainsi inscrit sa pratique de la peinture dans l’une des grandes leçons de l’art moderne et contemporain qui intègre dans l’art les objets délaissés du monde, parce qu’il ne saisit pas le support comme une donnée immédiate de l’art, mais comme un espace constitué, déjà chargé de sens avant même que l’artiste intervienne…
Lorsque Jean-Jacques s’installe dans un espace, sur un support, il sait qu’il n’est pas sur un terrain vierge, que d’autres ici ont inscrit leur trace, et ce qu’il entend faire c’est mêler ses traces aux leurs, respecter leur voix pour y tisser la sienne.
Quelle que soit la technique de l’intervention plastique, variable selon son type, son format, sa matière, le support est d’abord un lieu dont il faut sauvegarder et utiliser les inscriptions préalables.
Il faut dire deux mots ici d’une autre leçon que Jean-Jacques retient de l’art contemporain : les pièces sont travaillées le plus souvent à plat. Ce glissement de la verticale à l’horizontale (dont on sait avec quel génie il a été exploré par Jackson Pollock) implique, on le sait bien, une transformation complète de la posture du peintre et par conséquent du rapport du corps à l’espace à peindre et des traces que le corps peignant va pouvoir inscrire dans cet espace. Sans entrer dans trop de technique, on comprend bien que la main tenant le pinceau face à la toile verticale n’obéit pas aux mêmes règles, est tendue autrement, implique une autre volonté, que si elle se trouve au-dessus de la toile posée horizontalement. Et dès lors que la toile adopte des dimensions plus importantes et qu’elle doit reposer à même le sol, tout le travail va se trouver transformé du fait que le peintre doit pénétrer physiquement sur la surface de la toile, dans le périmètre de ce que l’on appelait " le tableau ", et qu’il a à faire non plus à la traditionnelle métaphore du mur sur lequel il va ouvrir -illusoirement- un tableau, mais à une adhésion physique à la terre et au sol, ce qui va permettre de développer des rêves tout à fait différents et ouvrir des champs symboliques inédits aux espaces particuliers de l’art…

Très pratiquement… Que l’on imagine une toile, ce drap usagé dont je parlais plus haut, occupant, dans l’atelier, une surface si grande qu’on ne saurait la marquer dans son entier sans marcher dessus, se chargeant, avec le temps, des traces des déplacements du peintre, comme des remontées - réelles ou supposées- de la terre sur laquelle elle est posée… Qu’on imagine l’artiste, considérant la toile, l’atelier, la terre, et comme les ruminant, les remuant en lui-même et comme les interrogeant, et en tirant forme et sens (un peu comme on parle de tirer les cartes), intervenant lentement, et enfin soulignant du geste les formes dictées par les forces présentes, là, sur la toile et sous le regard… La toile au sol multiplie les pérégrinations du regard, les rêveries de la pensée, les errances du bras…

L’œuvre de Jean-Jacques Laurent épouse les accidents du monde, elle prend forme en respectant les pauvres formes qui marquent les espaces qu’il investit, elle naît - ou peu à peu se lève, comme on dit d’une brume - d’une confrontation lente, longue, méditative et ruminante entre le peintre et les supports, les traces, les taches, les matières, les colorants. La toile ou le papier sont des morceaux du monde ; l’artiste qui s’y tient (car il s’y tient, ou s’y campe, comme on le fait sur un territoire qu’on découvre, qu’on va explorer, qu’on va faire sien, transformer) les lit, les interprète, leur donne sens. Dans cet espace viennent s’inscrire les marques du travail de l’artiste ; et c’est d’abord toute la richesse des matières, sable, pigments, papiers, tissus… Voici une troisième leçon de l’art moderne et contemporain : longtemps la peinture a délégué aux pigments le soin de représenter le monde en diversifiant la coloration des surfaces et en élaborant des formes représentatives. D’une certaine façon, les formes, disant le monde, faisaient oublier que les pigments, avant de le représenter, le figurer, ou le symboliser, sont des bribes du monde. De même la toile, le bois du châssis, les liants, les siccatifs, les vernis, les outils, pinceaux, brosses ou éponges. De même les fusains, sanguines, mines de plomb. Morceaux du monde voués à disparaître, à se fondre. De même le corps peignant. L’art figurant les corps, faisait disparaître, dans l’illusion de la figure artistiquement représentée, le corps en action, le corps au travail, celui de l’artiste…
Lorsque Jean-Jacques utilise des papiers, des morceaux de sacs, des sables, il ne se limite pas à introduire des objets sur une toile , il dit que ces morceaux du monde sont les couleurs et les formes du monde, qui, par leur seule présence, donnent forme et couleur à la toile, suggestion et vigueur au rêve, motif et mouvement au bras et à la main.

Je disais que l’art contemporain engage un autre rapport du corps à la toile. De même, le corps s’y marque autrement. La présence du corps dans l’œuvre ne se limite plus à sa représentation. Il est banal de rappeler que toute trace sur une toile suppose un corps agissant… Nos peintres ont multiplié les formes de cette présence non représentative du corps : traces des gestes, des mouvements, des déplacements, des retours, de la diversité des implications du corps sur un espace, de l’empreinte au coup, à la caresse ou à la brisure.

Jean-Jacques s’inscrit dans cette recherche, et lui aussi a exploré la diversité des traces qu’un corps agissant peut déposer sur une toile, et il a travaillé aussi sur ces superpositions qui sont autant de marques d’une présence discontinue du corps agissant sur la toile… Mais il me semble que ce qui fait la particularité, et peut-être l’originalité de Jean-Jacques, c’est la présence de ces figures anthropomorphiques dans ses toiles. Elles structurent depuis des années toutes ses compositions, leur donnent une unité, et comme… un air de famille.

On les voit peu à peu apparaître dans le travail de Jean-Jacques Laurent depuis la fin des années soixante-dix, et peu à peu s’assumer : comme brouillées dans les premières œuvres, elles prennent ensuite de plus en plus de place, incertaines et fragiles pourtant, tenues, très matériellement, à bout de bras, c’est-à-dire produites par la seule errance de la main et du bras au-dessus de la toile, et pourtant définitivement et énigmatiquement présentes. Je les aime, ces presque inquiétantes figures, d’abord parce que je vois bien qu’elles sont nées de cette hésitation de la main au-dessus de la toile. Et ce n’est pas le pinceau qui les produit, mais la poire : le pigment n’est pas déposé, l’outil ne touche pas le support : elles naissent d’un jet, forcément malhabile, souvenir d’un dripping réduit au minimum. En même temps, je ne puis m’empêcher de penser qu’il y a là comme la marque d’une audacieuse retenue ou d’une timidité trouble : l’acte impudique du jet associé à la pudeur de peindre de loin ; caresse ambiguë, à distance ou détournée, où l’on s’interdit de toucher de la main cette peau étalée sur le sol… et que l’on piétine pourtant. J’aime enfin les voir naître, ces figures, des accidents de la toile, des suggestions des papiers ou des traces, des superpositions, des déchirures, des salissures, des humidités, des moisissures, elles sont l’anthropomorphique aspect que revêt notre rapport premier au monde, aux formes que nous propose le monde…. Le peintre révèle, en les cernant, ces ombres tutélaires qui se lèvent du sol, personnages aux allures vaguement féminines et qui, sans doute, sont moins des images de femmes que celle de la peinture…

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?

Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP