
Raphaël Monticelli 30 juin ►
Bernard Noël 2 juillet►
Raphaël Monticelli 4 juillet ►
Bernard Noël 6 juillet ►
Cher Bernard Noël,
Voilà bien le fond de l’aventure de Bernadette : elle a pris le risque, dites-vous, de faire appel à l’émotion de l’Autre.
Je trouve très intéressant que cet appel, cette "invention d’un territoire expressif" trouve son origine non dans sa décision souveraine, mais dans l’émotion provoquée en elle par l’autre. Que le choix ne soit pas arbitraire, comme vous le soulignez, et ne soit pas non plus un effet de sa seule volonté.
La "forme" de cet "appel" m’a retenu aussi : sur un bandeau du journal "Le Monde" du jour précis où elle s’adresse à lui, lui demande réponse, et donne sa raison. Y-a-t-il quelque chose qui se joue dans ce choix d’écrire sur un journal, ou n’est-ce que paramètre secondaire, pure anecdote ?
J’aime ce que vous dites sur la dialectique du "JE" et du "TU". Cet espace où un "JE" peut à tout instant être autre, s’appelle sans doute poésie. Mais quelque chose me pose problème : l’aspect "littéraire’" que tout cela prendra. Vous dites :"chance donnée à 1000 d’écrire UN texte". La démarche est belle et la performance de grande valeur, mais jusqu’à quel point Bernadette pourra-t-elle se cantonner "au rôle ingrat d’organisatrice des correspondances" sans nuire à l’efficacité de l’objet qu’elle va produire ? Ce sera vraisemblablement sans incidence sur l’exposition ; mais sur le livre ?
Notre échange servira d’ouverture à ce livre. Quelle approche proposer de cette diversité cahotique ? Sans doute ce livre de type nouveau -aux mille auteurs- déterminera-t-il une forme inédite de lecture. Comment se construit, face à un tel croisement d’écritures, la figure -et le statut- du lecteur ? Cet autre "Je/Tu"...
Quelques mots sur Opalka : j’ai eu, après avoir vu son exposition au musée d’art moderne de la Ville de Paris, des doutes quant à la véridicité et à la crédibilité de son décompte. J’avais en effet compris qu’il en était arrivé à 1 milliard, ce qui était matriellement tout à fait impossible... Si le décompte devait ne pas être vrai, si certaines séries de nombres n’avaient pas été effectivement tracées (parce que le temps aurait "manqué" par exemple), nous serions bien dans l’arbitraire.
Voilà bien, vous avez raison, un problème qui réclame débat : quelle attention, quelle humilité, il faut pour ne rien imposer à l’oeuvre que l’on fait ! Pour ne pas la "forcer". Pour laisser monter, grossir et naître sa nécessité !