1-
On lit. C’est un poème ? Une prose ? On ne sait plus. Une présence, oui. On s’interrompt. On est soudain loin dans le ciel. Ou le corps. On revient sur ses pas. On relit. On va aveugle dans la grande nuit des pages. Ou du monde. Autour cela n’a pas plus de nom que de couleur. Ou tous et toutes. On s’égare. Se perd. On a peur, parfois. On remonte. On est vivant.
2-
Dans un poème, la poésie, c’est quand l’étoffe des mots se déchire. Les pierres du chemin se perdent sous celles, plus impérieuses de la montagne. C’est quand se dérobent, les pas…Non que l’on tombe vraiment mais c’est quand l’on titube. Et boite. Quand soudain on a du mal à respirer parce que l’air que l’on avale est si froid que l’on ne peut plus déglutir. Que la bouche reste ouverte au son froid de l’air qui passe et ouvre quelques fenêtres au cœur qui sommeillait. Laisser entrer l’air. Reprendre souffle. Et rythme. Sauter hors fascination et se vouer à nouveau au discontinu des mots et au cortège que l’on se doit à soi-même. À l’attention que l’on se doit quand on monte et que les mains parfois s’y mettent. Jusqu’à reprendre pied dans le jour. Petit mais qu’on nous prête encore. Fidèle comme cette lumière qui a besoin de tous les mots des poètes pour porter son miel jusqu’à nous.
3-
On approche de la frontière. Le colporteur de vent, mon ami, sait qu’il va lui falloir ruser. Résister. Non se jeter sur. Mais tenir la bonne distance. Celle du rôdeur de crêtes. Qui se penche ici, chancelle là. Avant de tomber. À genoux. Comme on tombe quand on est amoureux. Avant de se relever. Et dans la marche qui s’en suit saluer du coin des yeux le passage du cœur. Cela suffit pour une joie !
Comme on tombe amoureux est paru aux éditions L’attentive dirigées par Eliane Kirscher avec des peintures de Maria Desmée à 19 exemplaires en 2006.