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MICHEL BUTOR

Trois années de révolution poétique
© Michel Butor
Publication en ligne : 11 août 2009
Ecrivain(s) : Butor (site)

pour Michèle Gazier

1) le parnassien

 La lettre du 24 mai 1870 à Théodore de Banville est le premier art poétique de Rimbaud. La façon dont elle est publiée habituellement ne permet guère d’en percevoir l’importance. En effet, conformément aux divisions de genre du XIXème siècle, on donne d’un côté les trois poèmes (celui nommé plus tard Sensation, Ophélie et Credo in unam), de l’autre ce qu’on estime proprement épistolaire :

  “Cher Maître,
nous sommes au mois d’amour, j’ai dix-sept ans.”


 Rimbaud, né le 20 octobre 54, n’a donc pas encore 16 ans. Il essaie de se vieillir pour qu’on le prenne au sérieux. Rimbaud a dû découvrir Banville par les livres que lui a prêtés son professeur Izambard arrivé à Charleville au début de 70, cinq mois plus tôt, certainement Gringoire pour la composition du devoir dont il a donné le sujet en février ou avril : Discours de Charles d’Orléans à Louis XI , probablement le premier Parnasse contemporain, une partie du second, et les Cariatides, dans lesquelles se trouvent des poèmes suivis de très près par le collégien qui imagine que Banville est pour l’instant le grand poète français, le “pape”. Hugo est toujours en exil, immense masse qui bouche l’horizon. Banville est un intermédiaire. Les poèmes qu’il lui envoie sont de superbes pastiches de Hugo selon Banville. Il y avait bien d’autres voies pour explorer les filons de l’exilé. Rimbaud en essaiera plusieurs.

 “L’âge des espérances et des chimères, comme on dit, -et voici que je me suis mis, enfant touché par le doigt de la Muse, pardon si c’est banal, - à dire mes bonnes croyances, mes espérances, mes sensations, toutes ces choses des poètes - moi j’appelle cela du printemps.
 Que si je vous envoie quelques-uns de ces vers, et cela en passant par Alph. Lemerre, le bon éditeur, - c’est que j’aime tous les poètes, tous les bons Parnassiens, -puisque le poète est un Parnassien, -épris de la beauté idéale ; c’est que j’aime en vous, bien naïvement, un descendant de Ronsard, un frère de nos maîtres de 1830, un vrai romantique, un vrai poète. Voilà pourquoi. -C’est bête, n’est-ce pas, mais enfin ?...”


 Remarquable l’utilisation du mot “bon” qui revient trois fois en ce début de lettre. Rimbaud, dans l’année qui suivra, se mettra à dire ses “mauvaises croyances”, prendra le personnage du “méchant” qu’on lui a certainement imposé, mais le mot “bon” et toute sa famille : “bonté”, “bonheur” conservera un extraordinaire pouvoir, et le titre de La bonne chanson est certainement une des raisons qui l’ont attiré du côté de Verlaine.

  “Dans deux ans, un an peut-être, je serai à Paris. -Anch’io, messieurs du journal, je serai Parnassien ! -Je ne sais ce que j’ai là... qui veut monter... - Je vous jure, cher Maître, d’adorer toujours les deux déesses : Muse et Liberté.”

 “Anch’io”
, c’est, selon Vasari le mot du jeune Corrège devant la Sainte Cécile de Raphaël, s’écriant : “et moi aussi je suis peintre !” Rimbaud a vu ce qu’on écrivait dans le Parnasse contemporain, Banville en particulier ; il veut écrire comme lui, comme eux, il veut en être ; mais aussi il veut faire la conquête de ce monde-là. Il trouve très beaux les poèmes publiés dans ces recueils, mais il a le sentiment que l’on pourrait faire quelque chose d’encore plus fort. Cette lettre, avec la modestie du début, son ton un peu embarrassé, un peu gauche, montre un extraordinaire orgueil.

  “Ne faites pas trop la moue en lisant ces vers :... vous me rendriez fou de joie et d’espérance, si vous vouliez, cher Maïtre, faire faire à la pièce Credo in unam une petite place chez les Parnassiens... Je viendrais à la dernière série du Parnasse :cela ferait le credo des poètes !...- Ambition ! ô Folle !”

 Il viendra à la dernière place, mais pour apporter le credo des poètes contemporains, pour expliquer clairement ce que les autres ne font qu’indiquer et chercher. Cet enfant de 15 ans écrit à l’une de ses idoles pariesiennes pour lui dire : j’ai la solution !. Credo in unam (qui s’appellera ensuite Soleil et chair ) est déjà un grand texte religieux ou antireligieux sur la relation de la poésie contemporaine avec le paganisme. Il reprend des textes de Hugo, en particulier Le sacre de la femme dans La légende des siècles, mais en beaucoup plus positif. Quatre sections : hymnes à Vénus et au bonheur de l’homme qui vivait sous sa protection, condamnationde l’homme contemporain, mise en accusation de celui-ci qui s’est détourné de Vénus à cause du Christianisme, mais qui a aujourd’hui une possibilité de retrouver ce qu’il a perdu, non peut-être les dieux, mais ce qui passait par eux, une possibilité même de ses débarrasser de tous les dieux par une science dont le développement peut la rendre enfin libératrice ; enfin la dernière partie évoque le bonheur futur de l’homme sous le regard des dieux symboliques et qui, s’ils étaient réels, ne pourraient que l’envier.

  “- Une brise d’amour dans la nuit a passé,
 Et, dans les bois sacrés, dans l’horreur des grands arbres,
 Majestueusement debout les sombres Marbres,
 Les Dieux, au front desquels le bouvreuil fait son nid,
 - Les Dieux écoutent l’Homme et le Monde infini !

 Si ces vers trouvaient place au Parnasse contemporain ?
 - Ne sont-ils pas la foi des poètes ?
 - Je ne suis pas connu ; qu’importe ? Les poètes sont frères. Ces vers croient ; ils aiment ; ils espèrent : c’est tout.
 - Cher maître, à moi ; levez-moi un peu ; je suis jeune ; tendez-moi la main...”




2) le hugolien

 En quoi une telle foi est-elle donc la foi des poètes ? Quelle relation y a-t-il entre la poésie au sens le plus simple (le plus enfantin pourrait-on dire) de lignes inégales rimées d’un certain nombre de syllabes, et cette façon de voir les choses ?

 Cette puissance des figures que sont les dieux de l’antiquité, dont le retour transformateur va permettre le paradis d’un savoir nouveau, savoir de l’esprit et de tous les sens, est liée à quelque chose qui va se développer dans les mois qui viennent : l’importance de la vision et de la voyance. Les poètes sont pour Rimbaud des gens capable de voir les choses, au sens le plus immédiat du terme, et c’est à cause de leur technique poétique qu’ils ont cette capacité.

 Le Parnasse contemporain a pour thèse fondamentale la dureté, la solidité de l’image que le texte propose. Les poèmes de Lecomte de l’Isle, de Gautier, de Banville sont présentés comme des équivalents de statues, thème classique dont on trouve une fameuse expression chez Horace : le texte du poète est quelque chose de plus durable que l’airain ou le marbre.

 Mais pour le jeune Rimbaud il faut que l’image durable soit en même temps mobile. C’est pourquoi le mouvement rhétorique hugolien sera aussi important. Le texte de Rimbaud va devenir de plus en plus visuel et de plus en plus mouvementé. La poésie doit permettre de dépasser l’opposition mobile-immobile, faire durer des figures vivantes. C’est ainsi que les dieux pourront fraternellement réenvahir le monde.

 Quelques mois après cette première lettre à Banville, il recopie pour un poète qu’il a rencontré chez son profeseur Izambard, Paul Demeny, entre autres poèmes un grand tableau politique à la Hugo : Le forgeron. Cela se passe vers le 20 juin 1792 aux Tuileries. Le peuple envahit le palais royal, mené par le forgeron, figure du poète forgeur de vers.

 A l’intérieur de son discours, un mot revient comme un refrain, mot qui désigne justement ce qui n’est pas poétique à première vue dans l’humanité ; c’est la “crapule”. La grande métamorphose sera de rendre poétique ce qui était auparavant éliminé comme crapuleux. Ainsi, de même que Rimbaud s’identifiera quelque temps avec une femme dans l’aventure avec Verlaine, avcec de grands à-coups de violences viriles, il voudra aussi “s’encrapuler” avec des sursauts de luxe et moralité.

 “...C’est la crapule ?
 Sire, ça bave aux murs, ça monte, ça pullule :
 - Puisqu’ils ne mangent pas, Sire, ce sont des gueux !
 Je suis un forgeron, ma femme est avec eux,
 Folle ! Elle croit trouver du pain aux Tuileries !
 - On ne veut pas de nous dans les boulangeries.
 J’ai trois petits. Je suis crapule...”


 Rimbaud s’identifie au forgeron et à la populace qui cherche à prendre possession de ce paradis qui lui était interdit, les Tuileries, figure de ces Champs-Élysées que les dieux d’autrefois interdisaient à la plupart des hommes et dans lesquels les hommes vont pouvoir devenir fraternels avec les dieux qui les reconnaîtront pour leurs égaux. Versailles était ainsi le lieu paradisiaque de la noblesse qui en interdisait l’entrée au reste de la population, lieu à la fois des fêtes galantes et des gardes suisses.

 La valeur mythique de ces lieux fait comprendre quel déchirement pourra provoquer l’incendie des Tuileries l’année suivante, et l’usurpation particulièrement hideuse des “Versaillais”.



3) le réaliste

 Le mot “crapule” violemment antipoétique donne une impression très forte de réalité. Il brise le discours poétique dans une sorte d’éclat dur où nous avons l’impression que le réel fait irruption pour rester pris. Rimbaud trouvait dans le Parnasse contemporain des exemples de poètes réalistes et même naturalistes, à peu près oubliés aujourd’hui, François Coppée et Alfred Glatigny qui lui révèlent l’utilisation du mot non-poétique à l’intérieur de la poésie, la façon dont ces collages peuvent multiplier l’impression de vie, la puissance et la durée de l’image. Voici un poème à la François Coppée, toujours dans le recueil donné à Demény, où nous pouvons reconnaître les mots de tous les jours introduits comme des fragments de langage brut, poème photographique, mais qui nous donne non seulement ce que voient les yeux, mais das lequel tous les sens sont impliqués, vision totale.

 Dans le tire A la musique, il y a une ambiguïté volontaire. Habitués que nous sommes à la poésie classique, nous croyons d’abord que cela veut dire un poème dédié à la musique, comme il y a une prière à Vénus dans le Credo in unam. Ma s’y superpose vite le sens courant, familier, le sens de Charleville : on va à la musique, c’est-à-dire écouter la fanfare dans le kiosque de la place de la gare :

 “Sur la place taillée en mesquines pelouses,
 Square où tout est correct, les arbres et les fleurs,
 Tous les bourgeois poussifs qu’étranglent els chaleurs
 Portent, les jeudis soirs, leurs bêtises jalouses.

 - L’orchestre militaire, au milieu du jardin,
 Balance ses shakos dans la Valse des fifres :
 - Autour, au prmier rang, parade le gandin ;
 Le notaire pend à ses breloques à chiffres...”


 Les termes comme “gandin”, “shako”, “notaire”, “breloques” sont caractéristiques d’une réalité contemporaine considérée généralement comme prosaïque. On pourrait les trouver dans une page de Balzac ou du Flaubert réaliste, mais en général pas dans un poème. Il y a des termes de ce genre dans les Pauvres gens de Hugo, chez Baudelaire, chez Coppée, et d’une façon plus sarcastique chez Glatigny, la réalité apparaissant chez lui non seulement dans toute sa prose mais dans toute sa laideur. Nous trouverons bien des exemples de cela chez les autres “poètes maudits” de la fin du siècle : Tristan Corbière, Jules Laforgue, Germain Nouveau, et d’autres que Rimbaud ne connaît pas à ce moment, et dont certains n’ont encore rien écrit.



4) le voyant

 Rimbaud cherche la bonté et la beauté. Il se sent de plus en plus enfoui dans la méchanceté et la laideur. L’apparente bonté se révélera parfois comme particulièrement méchante. La seule solution sera de hurler avec les loups, d’assumer soi-même une certaine méchanceté. Voyant et voyou sont étroitement liés ; le voyou se glisse dans les coulisses de la réalité. Pour pouvoir faire revenir les dieux dans leur nouveau rôle, le voyant est contraint par la hideur et la méchanceté contemporaines de prendre le masque du voyou.

 Un an après la première lettre à Banville, Rimbaud écrit à Paul Demeny les deux lettres que l’on appelle “lettre du voyant”. Les poèmes qui les illustrent sont d’un ton tout différent. C’est qu’il s’est passé bien des choses dans l’Histoire de la France dans son ensemble et dans le milieu qui entoure Rimbaud. D’abord la catastrophe, la débâcle de l’Empire français, puis l’échec de la Commune. Ces lettres sont contemporaines de son écrasement. Rimbaud qui a 16 ans, vit ce drame d’autant plus fortement qu’il est un habitant de la frontière.

 “Voici de la prose sur l’avenir de la poésie...”

 Première période : la Grèce, la Vie harmonieuse, le poète ne travaille pas encore, il n’en a pas besoin. Deuxième période, de Callimaque à Casimir Delavigne, le poète travaille dans l’imitation paresseuse, il est un fonctionnaire, un écrivain au sens ancien d’écrivain public. Le véritable poète, auteur et créateur, est seulement en train de naître.

 Rimbaud considère qu’il est “sacré” poète. Ce n’est pas de sa faute. C’est pourquoi toutes les objurgations de sa famille, de sa mère, de sa soeur Isabelle, ne servent à rien. Un beau jour il s’est réveillé clairon, violon. Mais pour l’instant il en est au niveau des premiers romantiques ; il n’est pas encore responsable de sa pensée, de ses visions. Il a la chance d’être traversé par l’intelligence universelle qui jette ses idées ; une partie tombe sur lui et d’autres ; pour l’instant il n’y est pour rien. Celui qui parle dans ses écrits, ce n’est pas encore lui-même ; “je est un autre”, et c’est encore un autre qu’il faut chercher. Il faut rendre plus régulier ce miracle de l’éclosion de la pensée. A ce moment il y aura une nouvelle étape de l’histoire de la poésie, du développement de l’esprit humain : la poésie scientifique, la poésie recherchée systématiquement. Cela implique un travail énorme.

 Pour l’instant Rimbaud est “en grève”, en période d’attente. Il travaille à faire des poèmes, mais ce n’est pas encore vraiment ceux qu’il voudrait faire. Il travaille sur lui-même déjà ; il lui faudra faire des études considérables. Après avoir fait imprimer la Saison en enfer et l’avoir abandonnée, il fera de grandes lectures au British Museum, apprendra les langues, obtiendra que sa mère lui paie un voyage en Allemagne dans ce dessein, ira jusqu’à apprendre la musique, un peu de piano. Ce programme d’études il le continuera au mons deux ans après la publication avortée de la Saison, et les premiers voyages doivent être considérés comme en faisant partie.

 “Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant . Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons pour n’en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême Savant ! - Car il arrive à l’inconnu ! Puisqu’il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu’aucun ! Il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu’il crève dans son bondissement par les choses inouïes et inommables...”

 Qu’il crève, cela n’a pas d’importance car “viendront d’autres horribles travailleurs...” Le mot “voyant” a été compris par les surréalistes, Breton surtout, en relation avec les “voyantes”. Il y a cela, mais il y a beaucoup plus. C’est le refrain : “J’ai vu...” du Bateau ivre :

 “Et jai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir.”

 Il faut qu’il voie , alors que la plupart du temps la vue est bouchée. Le poète est le contraire d’un endormi ou d’un aveugle. A plusieurs reprises revient le verbe “s’éveiller”. Le grand songe, c’est l’union du jour et de la nuit.

 “...Donc le poète est vraiment voleur de feu. Il est chargé de l’humanité, des animaux mêmes ; il devra sentir, palper, écouter ses inventions ; si ce qu’il rapporte de là-bas a forme, il donne forme ; si c’est informe, il donne de l’informe. Trouver une langue...
 Cette langue sera de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la pensée et tirant. Le poète définirait la quantité d’inconnu s’éveillant en son temps dans l’âme universelle : il donnerait plus - que la formule de sa pensée, que la notation de sa marche au Progrès ! Énormité devenant norme, absorbée par tous, il serait vraiment un multiplicateur de progrès !”


 A certaines époques le progrès est pensé en termes de croissance économique. On s’imagine que ce qu’il faut faire, c’est fabriquer de plus en plus d’automobiles, de moissonneuses ou de téléphones portables. Ne considérer que cela, c’est aller, pour Rimbaud, à des catastrophes comme celle à laquelle on est en train d’assister en France en 1871. Le poète sort de la norme du fait que la poésie le traverse, mais certains poètes n’auront qu’une envie, c’est rentrer le plus vite possible dans cette norme, devenir académiciens ; d’autres, peu nombreux, sauront cultiver en eux cette différence, qui deviendra la norme suivante.

 Comme il n’a pas répondu à cette lettre, abasourdi par cette pensée prophétique, Rimbaud lui écrit une autre lettre dans laquelle il lui envoie de nouveaux poèmes, mais en lui demandant de détruire ceux qu’il lui avait donnés auparavant.

 “Brûlez, je le veux, et je crois que vous respecterez ma volonté comme celle d’un mort, brûlez tous les vers que je fus assez sot pour vous donner lors de mon séjour à Douai.”

 Heureusement pour nous, Demeny n’a pas obéi, car pour la plupart des 22 poèmes qui le composent, le recueil que Rimbaud avait coipié pour lui est l’unique source ; mais on voit qu’il y a une première tentative d’autodafé, une rétractation. Il veut effacer toute une période de sa poésie dont il n’est pas suffisamment satisfait, et surtout qui ne correspond plus à ses ambitions présentes.



5) le “mauvais” génie

 Rimbaud avait écrit à Izambard ; déception. Il écrit ensuite à Demeny dont il avait fait connaître les vers à son ancien professeur, et que celui-ci lui avait fait rencontrer en chair et en os ; nouvelle déception. Le 15 août 1871, il fait une nouvelle tentative du côté de Théodore de Banville. Cette lettre est presque entièrement constituée par un long poème aussi sibyllin à première lecture que la Prose pour des Esseintes de Mallarmé, mais aussi splendide, Ce qu’on dit au poète à propos de fleurs, qui constitue un nouvel art poétique, qui s’éclaire considérablement à la lecture de la Lettre du Voyant . A la fin, un post-scriptum explicatif :

 “Monsieur et cher Maître,
 Vous rappelez-vous avoir reçu de province, en juin 1870, cent ou cent cinquante hexamètres mythologiques intitulés Credo in unam ? Vous fûtes assez bon pour me répondre.”


 Nous n’avons malheureusement pas cette lettre, mais vraisemblablement Banville lui avait dit de se méfier de ses comparaisons avec des fleurs.

 Il lui avait envoyé l’an passé :

  “Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
 Picoté par les blés, fouler l’herbe menue ;
 Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.”

 Il se donne ainsi la réponse :

  “O blanc Chasseur, qui cours sans bas
 A travers le Pâtis panique,
 Ne peux-tu pas, ne dois-tu pas
 Connaître un peu ta botanique ?”


 “C’est ce même imbécile qui vous envoie les vers ci-dessus, signés Alcide Bava. -Pardon.
 J’ai dix-huit ans. -J’aimerai toujours les vers de Banville.
 L’an passé je n’avais que dix-sept ans !
 Ai-je progressé ?”


 Il n’avait que 15 ans, il en a maintenant 16, il en aura 17 le 20 octobre suivant. Alcide est le nom du “mauvais génie” dans le livre de la comtesse de Ségur qui porte ce titre.

 Il convient au poète de se méfier de certaines mièvreries, mais surtout
 1) d’avoir une connaissance encyclopédique, non seulement les sciences au sens propre, officielles ou occultes, mais aussi l’artisanat, au besoin les arts du cirque (un des plus fameux recueils de Banville s’appelle Odes funambulesques ),
 2) de s’immiscer dans le tissu économique, l’industrie, le commerce, la colonisation,
 3) donc de connaître les dessous de la population, sa moralité, de se faire passer au besoin pour voyou ou “méchant”,
 4) d’observer la politique et parfois d’y participer,
 5) pour cela naturellement d’étudier les langues, 
 6) de se donner toutes les audaces imaginatives, de trouver des fleurs inconnues, autant celles du bien que celles du mal.
 
  “Commerçant ! colon ! médium !
 Ta Rime sourdra , rose ou blanche,
 Comme un rayon de sodium
 Comme un caoutchouc qui s’épanche !

 De tes noirs poèmes, - jongleur !
 Blancs, verts et rouges dioptriques,
 Que s’évadent d’étranges fleurs
 Et des papillons électriques !

 Voilà ! C’est le siècle d’enfer !
 Et les poteaux télégraphiques
 Vont orner, - lyre aux chants de fer,
 Tes omoplates magnifiques...”


 Un véritable Méphistophélès transfiguré.

 

6) l’aventurier

 Banville, en dépit de toute sa bonne volonté, a dû être un peu éberlué. Il n’a pas jugé bon de répondre. Mais très peu après cette lettre, dès le début de septembre, Rimbaud a écrit à Verlaine par deux fois, en lui envoyant des poèmes recopiés par Ernest Delahaye en “petite ronde”, “parce que ça ressemble davantage à l’imprimé et que ça se lit mieux.” Cette fois la réponse vient, passionnée, c’est le coup de foudre. Verlaine le fait venir chez lui ; une nouvelle aventure commence.

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