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MICHEL BUTOR

Dialogue avec Arthur Rimbaud, Postliminaires - a

© Michel Butor

a) Les nouveaux projets

Publication en ligne : 17 juin 2009

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Ecrivain(s) : Butor (site)
Clefs : poésie , Rimbaud

C’est ici, me semble-t-il, que s’arrête le journal proprement dit. La ville a profondément changé depuis les trois ans d’absence de Rimbaud. Ménélik l’a conquise et a mis le prince Makonnen, père du négus Haïlé Sélassié, comme préfet. La grande mosquée a été détruite et remplacée par une cathédrale orthodoxe construite par un architecte italien. Quant aux Européens, il ne cherchent qu’à partir. Les portes de l’enceinte qui étaient auparavant fermées chaque nuit, avec leurs chatières à hyènes pour assurer un certain nettoyage de la voirie, restent désormais toujours ouvertes.

Rimbaud n’est jamais retourné à Entotto, n’a jamais vu Addis-Abeba, n’a jamais refait cet itinéraire.

Le Bulletin de la Société de Géographie et la recension de Paterne Berrichon continuent :

« La direction générale : entre NNE et SSE, il m’a paru.

C’est la route avec un convoi de mules chargées, mais les courriers la font en dix jours à pied. »

À partir d’ici le texte de la Société de Géographie s’écarte de celui de Paterne Berrichon :

« A Harar la vile est devenue un cloaque. La route Issa est très bonne, et la route de Gueldessey a Harar aussi.

Signé Rimbaud. »

On comprend très bien pourquoi le texte que nous a transmis Paterne Berrichon, a été censuré :

« Au Harar, les Amara procèdent, comme on sait, par confiscation, extorsions, razzias ; c’est la ruine du pays. La ville est devenue un cloaque. Les Européens étaient consignés en ville jusqu’à notre arrivée ! Tout cela (à cause) de la peur que les Abyssins ont des Anglais. - La route Iss est très bonne, et la route de Gueldessey au Hérer aussi. »

La lettre à Alfred Bardey continue :

« Il y a deux affaires à faire au Choa à présent :

1° Apporter soixante mille thalearis et acheter de l’ivoire, du musc et de l’or. Vous savez que tous les négociants, sauf Brémond, sont descendus, même les Suisses. On ne trouve plus un thaler au Choa. J’ai laissé l’ivoire au détail à cinquante thalaris ; chez le roi, à soixante thalaris.

Le ras Govana sel a pour plus de quarante mille thalaris d’ivoire et veut vendre ; pas d’acheteurs, pas de fonds ! Il a aussi dix mille okiètes de musc. Personne n’en veut à deux thalaris les trois okiètes. - Il y a aussi beauoup d’autres détenteurs d’ivoire de qui on peut acheter, sans compter les particuliers qui vendent en cachette. Brémond a esssayé de se faire donner l’ivoire du ras, maiz celui-ci veut être payé comptant. - Soixante mille thalaris peuvent être employés en achats tels pendant six mois, par la route Zeilah, Harar, Itou, et laisser un bénéfice de vingt mille thalaris ; mais il faudrait faire vite, je crois que Brémond va descendre chercher des fonds.

2° Amener du Harar à Ambado deux cent chameaux avec cent hommes armés (tout cela le dedatch le donne pour rien), et au même moment, débarquer avec un bateau quelconque huit mille remingtons (sans cartouches, le roi demande sans cartouche ; il en a trouvé trois millions au Harar) et charger immédiatement pour le Harar. La France a, à présent, Djibouti avec sortie à Ambos.? Il y a trois stations de Djibouti à Ambos. - Ici on a vendu et on vend encore des Remingtons à huit francs. - La seule question est celle du bateau, mais on trouverait facilement à louer à Suez.

Comme cadeaux au roi, machine à fondre des cartouches Remington. - Plaques et produits chimiques et matériel pour fabriquer des capsules de guerre.

Je suis venu ici pour voir si quelque chose pouvait se monter dans cet ordre d’idées. Par ici, on trouve ça trop loin ; et à Aden, on est dégoûté parce que ces affaires, moitié par malconduite, moitié par malchance, n’ont jamais réussi. - Et pourtant il y a à faire, et ceux qui se pressent et vont économiquement, feront.

Mon affaire a très mal réussi parce que j’étais associé avec cet idiot de Labatut qui, pour comble de malheur, est mort, ce qui m’a mis à dos sa famille au Choa et tous ses créanciers ; de sorte que je sors de l’affaire avec très peu de chose, moins que ce que j’avais apporté. Je ne puis rien entreprendre moi-même, je n’ai pas de fonds.

Ici même il n’y avait pas un seul négociant français pour le Soudan ! En passant à Souakim on m’a dit que les caravanes passent et vont jusqu’à Berbera. La gomme commence à arriver. Quand le Soudan se rouvrira, et peu à peu il se ouvre, il y aura beaucoup à faire.

Je ne resterai pas ici, redescendrai aussitôt que la chaleur qui était excessive cet été, diminuera dans la mer Rouge. Je suis à votre service dans tous les cas où vous auriez quelque entreprise où je pourrais servir. - Je ne puis plus rester ici, parce que je suis habitué à la vie libre. Ayez la bonté de penser à moi.

Rimbaud. Poste restante, Caire. Jusqu’à fin septembre (1887). »

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