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Martine Orsoni, Sainte Marie Madeleine

Publication en ligne : 31 décembre 2008
Première publication : novembre 1993 / catalogue d’exposition

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Artiste(s) : Orsoni

Certains prétendent que Marie, la soeur de Marthe et Lazare chez qui séjournait volontiers J.-C., était bien Marie de Magdala dont N.S. avait chassé sept démons et que c’était cette même femme que saint Luc nous présente, sans la nommer, en larmes aux pieds de J.-C. alors qu’il était reçu par Simon le Pharisien. On assure même que cette Marie était de noble origine et qu’elle tenait son nom de Magdala d’un château qui lui était échu en partage. La vanité de cette tradition oublie qu’il échut à Marie-Madeleine bien plus qu’une noble origine et un château, toutes choses mondaines et vouées à périr, mais la suprême douceur de N.S.J.-C., qui abîma son coeur non dans le repentir, comme on le dit très perfidement parfois, mais dans l’amour absolu qui ne demande ni n’attend rien.
La seule chose dont tu puisses être sûre, c’est que, passant en Galilée, dans la ville de Naïn, N.S.J.-C. fut reçu par Simon le pharisien, et qu’ une femme, du nom de Marie, poussée par la curiosité et le doute, s’introduisit dans la réception. On la disait originaire des bords du lac de Gennésareth, de Magdala sans doute, et elle était connue pour gagner sa vie du commerce qu’elle faisait de son propre corps.
La chaleur était étouffante et le soleil délogeait les chiens des coins d’ombre qu’il rétrécissait sans cesse ; dans la cour où le Pharisien recevait J.-C., un treillage soutenait des pampres lourds, borné par un figuier à l’ombre verte et odorante ; du puits central on hissait régulièrement des seaux d’eau dont on aspergeait le sol. Marie de Magdala était une de ces lucioles au teint mat ; le regard que, petite fille, elle avait vif et rieur, lui était venu, avec la vie, ardent et triste. Cette tristesse du regard était masquée sous la lourdeur des parures, la richesse pénétrante et subtile des parfums et une science assurée du maquillage. C’est ainsi qu’elle présentait aux yeux du monde une apparence arrogante d’éclat et de luxe ; et c’est ainsi qu’elle apparut chez Simon, jusqu’à ce que ses yeux rencontrent ceux de J.-C. Marie savait peser le regard des hommes et y reconnaître la charge de trouble et de désir qu’elle était experte à allumer en eux. Au moment où elle glissait son oeillade entre ses cils, elle vit N.S. la regarder avec une douceur et une bienveillance infinies, et elle sut qu’elle voyait pour la première fois ce qu’elle s’ingéniait à imiter ; elle sut aussi que toute la sincérité de tous les regards d’amour était le reflet de ce regard-là.
Tant de douceur la terrassa ; les vannes de son coeur s’ouvrirent et elle fut incapable de retenir les pleurs qui surgissaient du fond d’elle avec la violence innocente et douce des torrents de mai. Sanglotante et éperdue, elle abîma son visage dans ses cheveux, aux pieds de J.-C. qui considérait maintenant Simon avec une curiosité amusée.

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