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MICHEL DIAZ

Diaz, Michel, Fragments d’une errance I

© Michel Diaz
Publication en ligne : 17 février 2023

Pour retrouver "Fragments d’une errance I" dans " Au rendez-vous des amis... ", aller à : Au rendez-vous des amis... > Diaz, Michel
Clefs : 2023 , poésie

Ces poèmes font partie de Traverser l’obscur, recueil à paraître en 2024 aux éditions Musimot.


1

 

 

pour survivre

on aura tenu son pari

ni stupide ni insensé

s’il nous a permis de franchir

– yeux ouverts sur l’obscur –

l’espace de ce temps qui nous est accordé

 

dans un arbitraire qui à fouiller

obstinément la part de l’inconnu

et l’immensité à saisir

en fait l’inestimable prix

 

 

 

++++

2

 

 

on avance

ne laissant nulle empreinte

sur un chemin de feuilles

d’odeurs de froissements

marchant sur des mots morts

allant seul nulle part sans feu ni fin

foulant la terre obscure

d’un pas errant parmi les herbes délaissées

les ramas de branches tombées

dans l’improvisation de la trace

et la scintillation du souvenir

 

une écriture qui n’en finit pas

dont on ne sait pas lire

ce qui est écrit

++++

 

 

3

 

 

en vérité

notre mémoire

est plus ancienne que nous-mêmes

feuilleté d’innombrables couches

de temps entrelacés

et il nous faut la convoquer

pour pouvoir parler de l’instant

 

chercher l’évanescence

de ce qui se passe dans l’immobilité du temps

et qui ne va pas sans quelques questions

qui réclament une traque lointaine :

 

 

 

++++

4

 

 

réminiscences

dont on devine qu’elles nous construisent

puis nous transmuent en ruines

sur lesquelles on marche

comme on le fait parmi les rues

des villes dévastées de celles divisées

mais où l’errance poétique

arpentant de sombres décombres

ou se nourrissant des décors de la guerre

y puise ses ressources

 

autant d’images

évidentes et mystérieuses

mouvements invisibles

imprévisibles et migrants

mis à jour et meurtris dans leur saisissement

comme autant de miroirs qui nous brisent

de corps qui se dissolvent

non dans la brume mais

comme celle-ci se tord en boucles floues et lentes

déchirant leur blancheur aux ramures

grises des arbres

 

 

 

++++

5

 

 

et il ne nous faut pour les susciter

qu’accepter de se perdre dans son regard

comme l’on accepte de suivre son ombre

qui s’avère une exploratrice plus assidue

que l’être qui lui est attaché

 

regarder alors ces images

sans craindre qu’elles nous transforment

en statues de sel ou de pierre

ni qu’elles disparaissent

nous laissant nus et seuls

face à la faille du silence

et démunis face au néant

 

 

 

++++

6

 

 

c’est ainsi

que se met en branle le travail du regard

que les yeux s’abandonnent

et se fardent de désespoir

pour mieux valoriser le regard du dedans

et simultanément arrachent l’ombre

à la préhistoire de son langage

en allant pour cela

où le regard ne porte pas

 

ainsi

peut-on faire céder l’inaccessible

ou tout du moins tâcher de le transformer

en étoile guidant le chemin

en le scrutant jusqu’au plus loin

jusqu’à ce que les yeux s’en détachent

et poursuivent seuls l’ascension

car vision et aveuglement sont ici

les faces jumelles de ce même chemin

 

 

 

++++

7

 

 

mais l’errance

doit faire route en compagnie de la mélancolie

ni tristesse ni nostalgie

mais mélancolie créatrice

qui n’a rien à voir avec les ténèbres

mais tout avec l’obscur

– seule manière en vérité

de retisser la relation avec tout le perdu

disposé alors à l’accueil

de la blessure originelle

seulement accessible à qui a répondu

à l’appel silencieux des signes

 

 

 

++++

8

 

 

aussi

dans une nuit qui s’épaissit

n’est pas encore devenue ténèbres

à travers les régions indéterminées de la quête

les yeux fermés tâtonnent vers leur source

et ne fonctionnent plus qu’au souvenir

au plus loin de lui-même

en-deçà de toute mémoire

celui que laissent sur les lèvres

les échos disparus d’une langue oubliée

celle d’avant les mots

à l’aube du langage

 

ou celui que déposent

au verso du regard les éclats

de lumière sur la pierre d’un mur

sur lequel se sont imprimées

dans les glyphes de leurs lichens

et leurs hiéroglyphes de mousses

les premières images d’un temps

que nous avions perdu

 

instants d’une lumière

dont la grâce soudain accordée

refait le commencement

du monde

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