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MICHEL BUTOR

Les sandales d’Hermès I
© Michel Butor

Courir les routes

Publication en ligne : 28 janvier 2023

Ce texte est paru en 2005 dans Le Bonheur de la littérature aux Presses Universitaires de France en hommage à Béatrice Didier. Il est repris dans le tome X des œuvres complètes.
Béatrice Didier est professeur émérite de littérature à l’école normale supérieure, spécialiste de littérature française des XVIIIe et XIXe siècles.
Elle fut l’interlocutrice de Michel Butor dans « Le retour du Boomerang » (1988 PUF).
Ci-dessous, la première partie de ce texte


Stèle préliminaire

L’Hermès des Grecs, qui est aussi le Mercure des latins ou le Lug des Gaulois, était le messager des dieux. Plutôt que de se manifester dans toute sa force de foudre, de soleil, de feu souterrain, ou de s’embarquer dans de complexes métamorphoses, il était plus facile pour un des olympiens de lui demander de parler à sa place. Il était ainsi l’interprète de tous.

Il lui fallait pour cela se déplacer le plus rapidement possible, c’est pourquoi la Fable l’avait doté d’un chapeau ailé qui sans doute l’aidait à lever la tête et à repérer son chemin dans les embrouillaminis les plus denses, mais surtout de sandales ailées. Il était ainsi le patron des voyageurs. Non seulement des voyageurs physiques, mais aussi des pélerins à la recherche de lieux de révélations, même s’ils restaient dans le labyrinthe de leur chambre d’étude, de leur bibliothèque ou laboratoire. Il était le dieu des philosophes et en particulier de ceux qui cherchait à nous rendre jeunesse et santé, grâce à des drogues cherchées parfois sous d’autres cieux. Son caducée, bâton enlacé par deux serpents qui réconcilient leurs venins, est encore l’emblème de nos médecins et pharmaciens.

Invoqué par tous les chercheurs de secrets, interprètes de symptômes et songes, dérobeurs de feux de ciel ou de la Terre, il était tout naturellement invoqué par les voleurs, et partageait avec Apollon la vénération des écrivains.

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I
COURIR LES ROUTES

A) A PIED

1) L’appel

Il y a voyage quand on part d’un lieu pour arriver dans un autre, et très généralement pour revenir au point de départ. Tout changement définitif d’habitation peut être considéré comme un périple interrompu. Mais avant la fixation même il y a l’errance. Les hommes se déplacent sur de vastes territoires qu’ils apprivoisent peu à peu, à la recherche de baies sauvages ou d’animaux, couchant où ils peuvent, dans des grottes ou des abris de feuillage.

Puis il y a l’enracinement, plus ou moins progressif. On cultive la terre, et l’on a besoin de la surveiller ; on parque des troupeaux qu’il faut suivre au long de leurs transhumances. Un bâtiment marque spécialement cette fixation, le moulin, le lieu où l’on vient pour moudre le blé ou le maïs de toute la région, après l’avoir longtemps moulu à domicile à grand effort. D’abord après les hommes ou y attelle ânes ou chevaux. Puis c’est la rivière qui est domestiquée, beaucoup plus tard le vent lui-même.

Le bief qui anime la roue retient dans son mouvement et son murmure toutes les errances antérieures, annonce toutes les aventures possibles. Ainsi Schubert fait chanter son ami Willelm Müller :

“Nostalgie du meunier l’errance
il serait bien piètre meunier
qui n’aurais regretté l’errance

C’est l’eau même son professeur
qui ne s’arrête jour ni nuit
dans son obsession de l’errance

Nous l’enseignent aussi les roues
qui détestent rester tranquilles
infatigables tout le jour

Et même les cailloux si lourds
dansent dans les irisations
désirant être plus rapides

Errance errance ô nostalgie
patron patronne s’il vous plaît
laissez-moi reprendre la route”

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2) Sur les chemins

Suivons le voyageur piéton dans les sentiers qu’il dessine en partie lui-même. Son attirail est des plus simples. Il lui faut comme à Hermès des sandales et un chapeau. Dans les climats rigoureux, il faut évidemment le vêtement. Dans les régions peu habitées, il faut aussi de quoi s’installer provisoirement pour la nuit, de quoi se fabriquer à manger. Le piéton emmène avec lui sa civilisation en raccourci, et même sa civilisation en raccourci et même sa situation précise dans la société d’où il vient. Ainsi aujourd’hui l’homme conserve précieusement ses documents d’identité dans ses poches, détail essentiel du vêtement masculin contemporain, la femme dans son sac.

Poche extérieure, le sac prend mainte forme, le bissac, d’antan, le baluchon du vagabond. Il s’organise peu à peu en particulier dans l’armée. Le légionnaire ou le fantassin doivent transporter avec eux armes et bagages ; le romain réalise de compexes équilibres sur sa pique ; le conscrit de l’empire possède un sac à dos avec compartiments et crochets lui permettant de trimballer couvertures tentes et gamelles.

Les pélerins ont un accoutrement qui les distingue : ceux de Saint Jacques ont pris la coquille pour enseigne ; ils ont longue cape et bâton lequel sert à la fois pour se défendre contre les animaux sauvages ou les bandits du chemin, et de canne pour franchir les régions rocailleuses, les cols escarpés, tout en permettant d’accrocher le ballot et la gourde nécessaire dans les régions sèches les régions sèches. Ils n’ont plus besoin de transporter leur couchage, car ils se sont peu à peu organisés en routes et relais dans lesquels ils pourront trouver couvert et sécurité.

Les artisans s’organiseront peu à peu en guildes voyageuses, avec des adresses pour l’hospitalité. L’essentiel du bagage, ce sera alors l’outillage, la trousse du maçon ou du ferronnier, bientôt celle du médecin.

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3) L’enseigne d’auberge.

Partout d’ailleurs où pénètre le flux du voyage, des maisons se spécialisent pour l’hospitalité. Ce sont les auberges. On y loge “à pied, à cheval et en voiture”. Mais ici contrairement aux hospices ou commanderies, il convient de payer son écot. L’aubergiste vous évalue dès l’entrée, de même que l’hôtelier d’aujourd’hui estime vos valises. Il s’agit de savoir si l’on pourra règler sa dette. Il en résulte donc que le costume du voyageur doit non seulement être commode, chaud et léger, mais manifester quelque faste. Contrairement au vagabond, au pèlerin, le client des auberges doit montrer qu’il est riche. Mais ne va-t-il pas provoquer ainsi toutes les envies des brigands et surtout des voleurs qui sont en quelque sorte son ombre. Certes il est en général armé, même si c’est légèrement ; mais il y a le guet-apens et le sommeil dans des chambres où l’on est rarement seul.

Montaigne nous raconte, dans le chapitre XII du livre premier des Essais, “de la constance”, qu’il a vécu en “trois sortes de conditions” depuis son enfance. La première c’est qu’il n’avait rien à lui. La deuxième, c’est qu’ayant de l’argent il a essayé en faire des réserves. Il l’amasse dans une “boîte” :

“Allais-je en voyage, il ne me semblait être jamais suffisamment pourvu. Et plus je m’étais chargé de monnaie, plus aussi je m’étais chargé de crainte ; tantôt de la sûreté des chemins, tantôt de la fidélité de ceux qui conduisaient mon bagage, duquel, comme d’autres que je connais,je ne m’assurais jamais assez si je ne l’avais devant mes yeux. Laissai-je ma boîte chez moi, combien de soupçons et pensements épineux, et qui pis est, incommunicables ! J’avais toujours l’esprit de ce côté.”

La troisième, c’est qu’il dépense au jour le jour.

Donc non seulement faste mais secret. Il faut de superbes ceintures visibles pour accrocher la dague ou les pistolets, mais aussi des ceintures secrètes comme celles que nous utilisons encore dans nos promenades de touriste méditerranéen pour tenir notre bourse au plus près de notre peau, nos cartes de crédit actuelles. Ainsi Rimbaud transportait ses économies en pièces d’or sous sa chemise dans une ceinture spéciale.

Mais le voyageur était rarement solitaire. Pour résister aux détrousseurs, il préférait constituer une bande pour traverser les régions dangereuses. Surtout, c’est en général un petit morceau de société qui se déplaçait. on voyageait avec ses porteurs, domestiques ou vassaux. A partir de ce moment le bagage peut se développer considérablement. Les explorateurs du XIXe siècle transportaient avec eux, à dos d’homme, des centaines de caisses dans lesquelles étaient soigneusement emballés des instruments scientifiques et des petits palais de toile avec cuisine et salle de bains.

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B) A CHEVAL

1) La plus noble conquête de l’homme

Les hommes ont réussi à déléguer leur fonction de portage à des animaux. Ainsi les marchandises traversent l’Asie par des caravanes de nombreux chameaux ou dromadaires accompagnés de quelques guides par fois montés sur les bêtes, ou sur des chévaux, mais souvent à pied. Ils sont accueillis par des caravansérails.

Mais surtout ils ont domestiqué le cheval qui va leur permettre d’aller plus loin, plus vite et de transporter avec lui, même solitaire, un bagage beaucoup plus considérable. L’auberge doit coucher et nourrir alors non seulement le cavalier, mais sa monture dont le harnachement va connaître un développement considérable : selles, étriers, rênes, etc. deviennent le support d’un étalage de richesses et d’ingéniosité.

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2) La magie du voyage

Dans une des histoires que Galland a rajoutées au texte canonique des Mille et une nuits, déclarant qu’il les tient du maronite Hanna dont on n’a jamais retrouvé les texte original, nous voyons le sultan des Indes envoyer ses trois fils en pays lointains à la recherche d’objets surprenants. Celui qui ramènera le plus extraordinaire et le plus utile épousera sa cousine Nourounnihar et succédera à son père sur le trône. Ils partent à cheval solitaires tous les trois, et après s’être joints à différentes caravanes, Houssein arrive à Bisnagar, Ali à Shiraz et Ahmed à Samarcande.

Chacun trouve dans le marché un objet apparemment sans valeur, mais qui est en réalité ce qu !i est le plus utile au voyageur. Le premier, c’est un vieux tapis, mais qui peut voler et vous transporter b eaucoup plus vite que le cheval le plus rapide, le second un petit tuyau d’ivoire qui permet de voir distinctement même ce qui est très lointain, le troisième une pomme dont l’odeur guérit de toutes les maladies. Lorsque les trois frères se retrouvent, le tuyau d’ivolire leur permet de voir que la princesse est gravement malade, le tapis de se rendre auprès d’elle en quelques instants, l’odeur de la pomme de lui rendre la santé.

Il en résulte que les trois objets étaient nécessaires pour parvenir au but recherché et qu’il est toujours impossible de départager les trois frères. Mais on voit bien trois utilités fondamentales du voyage : la première, c’est l’espace du déplacement, le tapis est une voiture élémentaire qui permet de faire voyager plusieurs personnes et objets ensemble ; la deuxième, c’est l’instrument d’optique ou de positionnement : lunette d’approche, télescope, sextant, astrolabe, à quoi il faut ajouter boussoles, plans, cartes, atlas ; la troisième c’est la nourriture de santé, ce qu’il faut emporter avec soi pour résister aux épidémies, serpents venimeux, chutes ou changements de climat ou de régime alimentaire.

Le voyage est la région des merveilles et l’objet de voyage est intimement lié à la féérie, en particulier à cause de la particularité qu’il doit avoir d’être aussi ramassé que possible et de se développer. Aussi que de compartiments, de repliements, d’encastrements. Il ne faut pas qu’une pouce de place soit inutile. Tout ce qui est vide d’habitude doit être utilisé. Nous voudrions emporter notre maison, mais ce doit être une maison démontable.

Les mongols démontent leur yourte pour la charger sur leurs chevaux et la remonter lors d’une autre escale. Ainsi le mongol Kubla Khan, à peine éveillé de son errance ancestrale, dans la cité de Ciandu, à côté du palais de l’enracinement, tout en marbre, maintient un mobile palais de bambou qui fait l’émerveillement de Marco Polo :

“Et de plus le grand Can a fait son palais bâtir de telle sorte que sans peine il peut le faire démonter et porter là où il veut ; et quand il est rebâti, plus de deux cents fortes cordes de soie le maintiennent tout au tour comme une tente, parce qu’en raison de la légèreté du bambou, le vent le jetterait par terre. Et vous dis que le grand Can demeure là trois mois de l’année, juin, juillet et août, tantôt dans le palais de marbre, tantôt dans le palais de bambou, et c’est pour échapper à la chaleur brûlante, car l’air y est plus frais et tempéré qu’en autres lieux. Et pendant ces trois mois que vous avez ouï, le grand Can tient le palais dressé, mais dès qu’il s’en va, et il fait démonter, et tous les autres mois le garde en monceaux et paquets.”

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3) La toile des fées

Le fées fournissent à leurs protégés des objets de voyage hyperboliques : tentes immenses qui tiennent à l’intérieur d’un dé à coudre, puis se déploient. Je choisis cet exemple dans La Chatte blanche de Madame d’Aulnoy : Il s’agit encore d’un roi qui a trois fils et leur demande de lui trouver d’abord le plus beau chien du monde, puis une pièce de toile “si fine qu’elle puisse passer par le trou d’une aiguille à faire le point de Venise”. Les deux aînés n’y parviennet pas, mais le dernier a l’aide de la chatte blanche apporte une boîte couverte de rubis dans laquelle on trouve une noix qu’il casse.

“Il croyait y trouver la pièce de toile tant vantée ; mais il y avait au lieu une noisette. Il la cassa encore et demeura surpris de voir un noyau de cerise. Chacuin se regardait ; le roi riait tout doucement et se moquait que son fils eût été assez crédule pour croire apporter dans une noix une pièce de toile...Il cassa donc le noyau de crise qui était rempli de son amande... Il ouvre l’amande et trouve un grain de blé, puis dans le grain de blé un grain de millet... cependant il ouvrit le grain de millet, et l’étonnement de tout le monde ne fut pas petit quand il en tira une pièce de toile de quatre cents aunes, si merveilleuse que tous les oiseaux, les animaux et les possons y étaient peints avec les arbres, les fruits et les plantes de la terre, les rochers, les raretés et les coquillages de la mer, le soleil, la lune les étoiles, les astres et les planètes des cieux. Il y avait encore le portrait des rois et autres souverains qui règnaient pour lors dans le monde ; celui de leurs femmes, de leurs maîtresses, de leurs enfants et de tous leurs sujets, sans que le plus petit polisson y fût oublié. Chacun, dans son état, faisait le personnage qui lui convenait et était vêtu à la mode de son pays.”

C’est une tapisserie encyclopédique miniature. C’est un peu la “toile” que nos ordinateurs essaient de faire passer par le chas de leur ligne téléphonique et de leurs puces.

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C) EN VOITURE

1) De la marche à la glisse

Le tapis volant est une voiture paradoxale en ce qu’il ne comporte pas de parois, et qu’on ignore ce qui le fait mouvoir.

Le piéton peut se faciliter les traversées de régions austères, des fleuves ou des lacs glacés en adaptant à ses membres des patins qui vont lui faire découvrir des vitesses bien supérieures à celles qu’il peut atteindre par la course. Pour les pentes neigeuses ce seront les skis. L’individu augmente sa mobilité. Mais l’organisation sociale a souvent demandé à l’un de transporter l’autre.

Faisons défiler d’abord les véhicules à énergie humaine : les chaises des marquises de Versailles, celle dans laquelle l’Inca visitait son empire en escaladant les Andes, puis les palanquins de l’antiquité romaine ou chinoise.

Voici maintenant les traîneaux tirés par des chiens, des chevaux même, des troïkas. Ou conduits par des patineurs ; dans Le Collier de la Reine Dumas nous montre le jeune Philippe de Taverney pousser le traineau de Marie-Antoinette sur la pièce d’eau des Suisses gelée, en rivalisant avec les patineurs professionnels.

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2) L’avènement du cercle

Puis vient le règne de la roue. Voici la bicyclette individuelle, ou le tricycle, qui peut devenir tri-porteur, les brouettes, les pousses-pousses puis cyclopousses mus par des humains, les charettes tirées par des ânes, les chariots des rois fainéants tirés par des boeufs, les chars tirés par un cheval, par deux chevaux, quatre chevaux, tout un immense attelage.

A l’intérieur de ces maisons roulantes que d’objets peuvent s’entasser, s’insinuer les uns dans les autres ! La roulotte apparait comme une sorte de coquille secrétée par son occupant ; elle peut posséder ainsi une remarquable expressivité.

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3) La roulotte laboratoire

Voici, le véhicule avec lequel Alexandre Dumas fait apparaître les sorciers modernes dans la France Louis XV.

“La caisse principale... était peinte en bleu clair et portait en pleins panneaux un élégant tortil de baron, surmontant un J et un B artistement enlacés.”

Ce sont les initiales de Joseph Balsamo dans le roman qui porte son nom.

“Deux fenêtres... avec des rideaux de mousseline blanche donnaient du jour dans l’intérieur ; seulement ces fenêtres à peu près invisibles au profane vulgaire, étaient pratiquées dans la partie antérieure de cette caisse et donnaient dans le cabriolet. Un grillage permettait à la fois de causer avec l’être, quel qu’il fût, qui habitait cette caisse, et de s’appuyer... contre les vitres sur lesquelles étaient tendus ces rideaux.
Cette caisse postérieure... ne recevait donc le jour que par ces fenêtres, et d’air que par un vasistas vitré ouvrant sur l’impériale ; enfin, pour compléter la série des singularités que ce véhicule offrait aux regards des passants, un tuyau de tôle, excédant cette impériale d’un bon pied pour le moins, vomissait une fumée aux panaches bleuâtres qui s’en allaient blanchissant en colonnes et s’élargissant en vagues dans le sillage aérien de la voiture emportée.”

Quand nous jetterons un coup d’oeil dans l’intérieur, nous nous apercevrons que cette voiture est “hermétique” dans un autre sens encore ; c’est le laboratoire d’un alchimiste :

“Trois murailles chargées de casiers qui eux-mêmes étaient pleins de livres, enfermaient le fauteuil siège ordinaire et sans rival de ce personnage bizarre en faveur duquel on avait ménagé, au-dessus des livres, des tablettes où l’on pouvait placer bon nombre de fioles, de bocaux et de boîtes enchâssées dans des étuis de bois, comme on fait de la vaisselle et des verreries dans un navire ; à chacun de ces casiers ou de ces étuis le vieillard qui paraissait avoir l’habitude de se servir tout seul, pouvait atteindre en roulant son fauteuil que, arrivé à destination, il haussait ou abaissait à l’aide d’un cric attaché aux flancs du siège et qu’il faisait jouer lui-même.
...En face de la portière, outre les fioles et les alambics, s’élevait, plus rapproché du quatrième panneau resté libre pour l’entrée et la sortie..., un petit fourneau avec son auvent, son soufflet de forge et ses grilles, ...employé en ce moment à chauffer à blanc un creuset et à faire bouillir une mixture qui laissait échapper dans ce tuyau que nous avons vu sortir de l’impériale, cette mystérieuse fumée...”

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4) La roulotte théâtre

Hugo, dans L’Homme qui rit développe cette voiture de science jusqu’à en faire un instrument d’éducation par le théâtre. C’est la Green Box dans laquelle Ursus, un autre “sorcier”, voyage avec sa troupe, et à l’intérieur de laquelle est conservée sa forme antérieure, la “cahute” qui en était encore à la traction humaine quelque peu aidée par celle du loup-chien Homo. La Green-Box ressemble à un navire, non seulement à l’extérieur :

“Cela ressemblait à une coque de navire qu’on aurait renversée, la quille pour toit, le pont pour plancher, et mise sur quatre roues.”

Mais aussi à l’intérieur :

“Un aménagement de navire n’est pas plus concis et plus précis que ne l’était l’appropriation intérieure de la Green-Box. Tout y était casé, rangé, prévu, voulu.”

Aménagement fort complexe, car il faut non seulement qu’il soit un abrégé du monde, mais un arrangement pour montrer au spectateur ce qu’il en ignore.

“Le berlingot était coupé en trois compartiments cloisonnés. Les compartiments communiquaient par des baies libres et sans porte. Une pièce d’étoffe tombante les fermait à peu près. Le compartiment d’arrière était le logie des hommes,”

(incluant la forme antérieure, la “cahute”),

“le compartiment d’avant était le logis des femmes, le compartiment du milieu, séparant les deux sexes, était le théâtre. Les effets d’orchestre et de machines étaient dans la cuisine. Une soupente sous la voussure du toit contenait les décors, et en ouvrant une trappe à cette soupente on démasquait des lampes qui produisaient des magies d’éclairage...
La Green-Box, fabriquée sur la savante épure d’Ursus, offrait ce raffinement ingénieux qu’entre les deux roues de devant et de derrière, le panneau central de la façade de gauche tournait sur charnière à l’aide d’un jeu de chaînes et de poulis et s’abattait à volonté comme un pont-levis. En s’abattant il mettait en liberté trois supports fléaux à gonds qui, gardant la verticale pendant que le panneau s’abaissait, venaient se poser droits sur le sol comme les pieds d’une table, et soutenaient au-dessus du pavé, ainsi qu’une estrade, le panneau devenu plateau. En même temps le théâtre apparaissait, augmenté du plateau qui en faisait l’avant-scène. Cette ouverture ressemblait absolument à une bouche de l’enfer, au dire des prêcheurs puritains en plein vent qui s’en détournaient avec horreur.”

Les tribus des Romanichels multiplient leurs roulottes qui vont de champ de foire en champ de foire pour montrer leurs ménageries et leurs tours d’adresse.

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5) Les compagnies

Mais la plupart du temps on utilise la voiture pour aller d’un domicile fixe à un autre, fût-il provisoire. Des services s’organisent Les auberges deviennent des relais dans lesquels non seulement hommes et chevaux ont vivre et couvert, mais où l’on change d’équipage pour améliorer la vitesse. Avec le développement de la diligence, les bagages s’épanouissent : coffres, malles qui deviennent énormes jusqu’à pouvoir cacher des êtres humains morts ou vifs, avec des aménagements pour que les vêtements ne souffrent pas trop des cahots ; mais comme la place est toujours étroitement limitée malgré tout, on cherche la miniaturisation de tout ce qui va nous manquer. Alors apparaissent de merveilleux nécessaires de toilette et de petit-déjeuner.

Au début de son essai sur La malle-poste anglaise Thomas de Quincey remarque que ce nouveau mode de locomotion doit l’influence qu’il a sur ses rêves à quatre raisons :
1) la vitesse alors inégalée, qui lui découvrit la splendeur du mouvement,
2) les effets théâtraux des lanternes au milieu de l’obscurité des chemins de traverse,
3) la beauté et la puissance des chevaux sélectionnés pour ce service,
4) le sentiment d’une intellignce directrice qui parvenait à coordonner tous les efforts en dépit des distances et des intempéries, comme si tous les employés obéissaient à la baguette de quelque grand chef d’orchestre.

Il note que deux malles-postes, partant en même temps des deux termes d’un itinéraire en sens inverse, se rencontraient presque toujours sur le pont de la mi-chemin.

Ce sont déjà les plaisirs des horaires qui se développeront considérablement avec les chemins de fer, puis les compagnies d’aviation.

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6) Le théâtre de la mode

En dehors des voyages proprement dits, les voitures se perfectionnent pour devenir l’écrin des femmes qui vont défiler au bois pour montrer leurs atours et beautés. Il y faut alors les plus beaux chevaux, les plus beaux matériaux, les inventions les plus ingénieuses pour un confort amélioré.

Dans L’Éducation sentimentale Frédéric Moreau, en berline de louage avec Rosanette, se plonge dans le grand éventaire parisien :

“Alors passa devant eux, avec des miroitements de cuivre et d’acier, un splendide landau attelé de quatre chevaux, conduits à la Daumont par deux jockeys en veste de velours, à crépines d’or. Mme Dambreuse était près de son mari, Martinon sur l’autre banquette en face ; tous les trois avaient des figures étonnées.
“Ils m’ont reconnu !” se dit Frédéric.
Rosanette voulut qu’on arrêtât, pour mieux voir le défilé. Mme Arnoux pouvait reparaître.”

Il l’avait aperçue quielque temps plus tôt dans un cabriolet milord.

“Il cria au postillon :

- Va donc ! va donc ! en avant !
Et la berline se lança vers les Champs-Élysées au milieu des autres voitures, calèches, briskas, wurts, tandems, tilburys, dog-carts, tapissières à rideaux de cuir où chantaient des ouvriers en goguette, demi-fortunes que dirigeaient avec prudence des pères de famille eux-mêmes. Dans des victorias bourrées de monde, quelque garçon, assis sur les pieds des autres, laissait pendre en dehors ses deux jambes. De grands coupés à sièges de drap promenaient des douairières qui sommeillaient ; ou bien un stepper magnifique passait, emportant une chaise, simple et coquette comme l’habit noir d’un dandy...
Par moments les files de voitures, trop pressées, s’arrêtaient toutes à la fois sur plusieurs lignes. Alors on restait les uns près des autres et l’on s’examinait. Du bord des panneaux armoriés, des regards indifférents tombaient sur la foule ; des yeux pleins d’envie brillaient au fond des fiacres ; des sourires de dénigrement répondaient aux ports de tête orgueilleux ; des bouches grandes ouvertes exprimaient des admirations imbéciles ; et çà et là quelque flâneur, au milieu de la voie, se rejetait en arrière d’un bond, pour éviter un cavalier qui galopait entre les voitures et parvenait à en sortir. Püis tout se remettait en mouvement ; les cochers lâchaient les rênes, abaissaient leurs longs fouets ; les chevaux, animés, secouant leur gourmette, jetaient de l’écume autour d’eux ; et les croupes et les harnais humides fumaient dans la vapeur d’eau que le soleil couchant traversait.”

On dirait une description de naturaliste émerveillé ; tous ces noms de voitures pourrraient être ceux d’oiseaux exotiques. L’admiration va aux nouveautés ; elle s’adresse dans les pires cas (c’est l’”admiration imbécile”) à la fortune et donc à la puissance nécessaire à l’étalage de ce faste ; enfin et surtout elle s’attache à la beauté de la femme que tous ces accessoires multiplient.

7) Le peintre de la vie moderne

La voiture apparaît parfois comme un merveilleux appareil artistique qui nous révèle des aspects inconnus de la réalité.

Ainsi pour Baudelaire, le peintre par excellence de la modernité, Constantin Guys, peut avec ses croquis de la vie mondaine, se révéler un critiaque d’art et de moralité de premier ordre. Il lui faut pour cela non seulement le coup d’oeil mais la science longuement acquise :

“Un autre mérite qu’il n’est pas inutile d’observer en ce lieu, c’est la connaissance remarquable du harnais et de la carrosserie. M. G. dessine et peint une voiture, et toutes les espèces de voitures, avec le même soin et la même aisance qu’un peintre de marines consommé tous les genres de navires. Toute sa carrosserie est parfaitement orthodoxe ; chaque partie est à sa place et rien n’est à reprendre. Dans quelque attitude qu’elle soit jetée, avec quelque allure qu’elle soit lancée, une voiture, comme un vaisseau, emprunte au mouvement une grâce mystérieuse et complexe très difficile à sténographier. Le plaisir que l’oeil de l’artiste en reçoit, est tiré, ce semble, de la série de figures géométriques que cet objet, déjà si compliqué, navire ou carrosse, engendre successivement et rapidement dans l’espace.”

C’est déjà l’esthétique des futuristes. Les roues dans leur mouvement donnent naissance à des faisceaux de cycloïdes et de spriales qui remplissent l’espace d’une inépuisable symphonie. Tout geste féminin trace une série de position que détaillera le cinéma, hantant le présent de ses atitudes passées et futures avec tous les aiguillages des possibilités.

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