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THIERRY RENARD

Renard Thierry, Le goût du bonheur

© Thierry Renard
Publication en ligne : 21 juin 2021

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Clefs : 2021 , Camus

à Saint-Julien-Molin-Molette, samedi 12 et dimanche 13 juin 2021


à Yvon

Quand une fois on a eu la chance d’aimer fortement, la vie se passe à chercher de nouveau cette ardeur et cette lumière. Le renoncement à la beauté et au bonheur sensuel qui lui est attaché, le service exclusif du malheur, demande une grandeur qui me manque.

Albert Camus, L’Été

Pourquoi j’aime tant Albert Camus ? Tout d’abord, et toute proportion gardée, parce que nous nous ressemblons tellement. Et surtout parce qu’il est l’ami le plus fidèle, celui que je n’ai hélas jamais rencontré.
Chez Albert Camus, il y a l’ordre et le désordre réunis, la main amicale et virile, et aussi de l’indifférence – une belle indifférence, au monde et aux choses, au monde et à ses sujets quelquefois lâches et médiocres. Il y a le sang méditerranéen, la gouaille ordinaire, le sens de la morale et du devoir.
Camus, et il l’affirme lui-même, est à la fois silencieux et bavard, solitaire et solidaire. Il est le premier et le dernier homme, celui dans les pas de qui on voudrait marcher.

J’ai lu tous les livres d’Albert Camus. Certains ont même été revisités à maintes reprises, tous les deux ou trois ans environ. Parmi mes préférés, il y a son premier recueil, L’Envers et l’Endroit, mélange de nouvelles, de proses poétiques et de notes plus intimes.
J’aurais voulu écrire un tel livre, il est à mon image. Il dit en même temps le désespoir et l’amour de vivre. Il dit à la fois oui et non. Oui à la puissance incroyable de l’esprit humain. Oui aux corps dénudés sur les plages au soleil. Non à l’abandon ou au renoncement. Non, encore, à tout ce qui encombre l’existence, pensées néfastes et passions tristes.
C’est l’ouvrage de la jeunesse ardente, du refus des convenances et du mépris.

Albert Camus a le sens aigu de la responsabilité et de la liberté. C’est un libertaire, pas un anarchiste.
Après un court passage chez les communistes d’Alger dans sa jeunesse, très vite il s’est rendu à l’évidence : même quand il s’agit de dénoncer les crimes de l’injustice, de repousser les inégalités les plus criantes, cela ne peut se faire que dans un réel souci d’indépendance. L’incertitude conduit nos pas et toutes les idéologies sont meurtrières.
Quant à l’Algérie, sans perdre de vue bien sûr la question coloniale, comment Camus aurait-il pu renier la patrie de son enfance, patrie du soleil et de la mer ?
Le terre n’appartient à personne, nous le savons bien.

Pourquoi j’aime tant Albert Camus ? Parce qu’il a la phrase claire et précise, sans entrave inutile. Parce que ses descriptions de paysages et ses impressions de voyages sonnent toujours juste.
Camus est aussi un écrivain fraternel. Pour lui, l’admiration et l’amitié sont des valeurs rares mais inébranlables. Parmi ses quelques proches : Louis Germain, son instituteur, sans qui peut-être rien ne serait arrivé ; Jean Grenier, son professeur de philosophie, auteur d’un livre qui a eu sur lui une grande et durable influence, Les Iles. Et René Char, et Louis Guilloux, et André Malraux, parmi ses illustres contemporains.
Mais Camus ne s’est jamais senti très à l’aise dans le Paris intellectuel et mondain de son époque. L’amour des femmes, les stades de football et les tréteaux du théâtre ont sauvé son existence du désastre.

Pourquoi j’aime tant Albert Camus ? Pour encore mille autres bonnes raisons – intimes, pour certaines d’entre elles.
Et parce que sa fin brutale, accidentelle, a figé l’homme dans la force de l’âge.
Et parce qu’on ne peut séparer, chez lui, l’individu de l’œuvre.
Et parce que nous sommes tous, plus ou moins, des êtres inachevés.

J’ai lu et relu tous ses livres, ils me sont particulièrement familiers. Peut-être peut-on pour commencer ouvrir Noces ou bien L’Été, recueils de proses qui se tiennent toutes dans les marges du poème… Ou, alors, son roman posthume, Le Premier Homme, retrouvé dans sa serviette après l’accident fatal.
Il m’est difficile de trancher tant c’est l’œuvre entière qui m’est une invitation ou une promesse.

Lisez tout Albert Camus. L’absurdité de l’existence et les révoltes légitimes sont, avec lui, sans cesse remises au goût du jour, sur le métier.
Avec lui, finalement, toutes les éphémères beautés des hommes et de ce monde deviennent réelles, sensuelles, voire charnelles.

Au cours de sa brève existence, Albert Camus a goûté au bonheur terrestre. Et, s’il a subi quelques-unes des épreuves du temps, il n’a pas eu à connaître les traces du vieillissement.

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