RAPHAEL MONTICELLI
Nous voici aux seuils de vos palais, Madame, nous voici hésitants encore, et tremblants, un peu, comme si nous ne vous connaissions pas.
Vos palais, Madame, résonnent de toutes les voix que le monde connaît, et de celles qu’il ne connaît pas.
Et vos palais prennent toujours la forme des voix qu’ils accueillent. Que vous accueillez, Madame.
Les voix du monde modèlent vos palais, Madame
Quand les voix frappent vos palais, Madame, elles y arrondissent l’espace et y forgent des pièges à échos
Quand les voix frappent vos palais, Madame, elles y creusent des gorges et y cousent des nids.
Les chambres de vos palais, Madame, ont des airs de murmures et des airs de soupirs.
De grands corridors relient les portes de vos palais, Madame.
Toutes les voix du monde modèlent vos palais, voix inconnues, voix disparues, voix éteintes. Toutes les voix, Madame
Sur les murs de vos palais, Madame, se déploient des signes que personne, aujourd’hui, ne sait (plus) déchiffrer
Les sols de vos palais portent en creux les piétinements d’une longue humanité. Traces sur traces, temps et voix enfouis, Madame.
Vos palais s’ouvrent par mille portes, Madame. La toute première, percée dit-on par Dieu lui-même, est celle de la langue première
Chaque matin, un long tremblement parcourt les portes de l’Orient, et vous frissonnez, Madame.
Et combien vous aimez, Madame, ce moment où dans vos palais se marient, les crépuscules de toutes les voix !
Quand la nuit est avalée dans vos palais, Madame, chargée de lune, de brasillements ou d’odeurs de pluie, elle ne fait rien taire des voix.
Les toits de vos palais ne résistent pas au Zénith. Il les crève, Madame. Et, avec la lumière, les voix déferlent dans vos intérieurs.
Les portes de vos palais se joignent les unes aux autres, Madame. Traversés de lumières et ouverts à tous les vents, ils sont ceux de toutes les voix.