Article en réponse à une commande de la revue italienne Anterem. Paru en italien et dans une version modifiée dans le n° 79, deuxième semestre 2009 de cette revue.
Ouverture
Mon rapport à l’art est d’abord poétique.
Cela signifie qu’il n’est, foncièrement, ni critique, ni sociologique, ni historique.
Cela signifie que les démarches que je mets en œuvre pour comprendre les œuvres de l’art n’utilisent pas, en général, les grilles de lecture habituelles de la critique, de la sociologie ou de l’histoire, mais la méthode empathique de la poésie.
Face à une œuvre d’art, je cherche d’abord à savoir ce que ça creuse en moi ; ce que ça bouscule, en termes de savoir(s). Une œuvre m’intéresse dans la mesure où elle me renvoie à une incompréhension, à une ignorance. Si, littéralement, elle me laisse muet. Si elle me rend incapable de parler. Si je ne sais pas, d’emblée, où trouver les mots pour la nommer, la dire, et dire ce qu’elle provoque en moi. Si, du coup, elle m’oblige à ouvrir des espaces nouveaux de la parole, des stratégies inédites dans ma pratique de la langue : si elle m’impose, en d’autres termes, de parler une langue inconnue. Ou à parler autrement ma langue.