Il était le fils de Dédale
or Dédale était le vrai roi
et Minos un usurpateur
il avait obligé Dédale
à lui construire son palais
pour y enfermer leurs enfants
avec la corruption céleste
il devint juge des enfers
Mais un tremblement de l’espace
remit les choses à leur place
et les dieux d’un nouvel Olympe
marièrent les cieux aux enfers
délivrant damnés sur la Terre
justifiant esclave et fous
instaurant des lois de souplesse
faisant dialoguer les raisons
Je l’ai vu fabriquer des ailes
avec un souci d’ingénieur
les accrocher à ses épaules
et les essayer patiemment
afin de les améliorer
car les présages étaient noirs
les corbeaux criaient dans les cours
et nous étions tous très inquiets
Il lui fallait donc éviter
toute lourdeur toute raideur
tout sectarisme ou tyrannie
même de la part des anciens
compagnons de libération
sortis des grôles du palais
rêvant d’y enfermer autrui
comme l’on a vu tant de fois
Moi Dédale je construisais
tout près de lui mes labyrinthes
non pas son père mais son frère
à peine aîné presque un jumeau
explorant recoins et cavernes
en reniflant les minautores
à la recherche de leurs proies
à séduire et à dévorer
Mais nous ne voulions pas les tuer
seulement les apprivoiser
en leur enseignant les plaisirs
de la chorale et de l’orchestre
en utilisant leurs voix graves
leurs grognements rugissements
mais aussi leurs ricanements
pour les transformer en éclats
Nos Arianes nous aidaient
en filant avec leurs quenouilles
des pelotons pour nous guider
dans toutes les sinuosités
des vestiges du temps passé
pour éviter les précipices
et les glissements de terrain
les chausses-trappes et la glu
Il ne voulait pas se sauver
tout seul il voulait m’emmener
surtout pour l’aider à bâtir
son projet d’enseigner l’essor
à tous les enfants des écoles
leur proposant des appareils
convenant à leurs aptitudes
âge culture et volonté
Donc non seulement le palais
de Minos mais la ville entière
devenait un conservatoire
où l’on entendait les répons
des jeunes improvisateurs
harpes lyres et flûtes doubles
d’une cour d’un quartier à l’autre
creusant des tunnels dans les murs
Et les navires répandaient
ces semences dans l’archipel
en battant la mer de leurs rames
en acclimatant les sirènes
et même sur le continent
où les montagnes reprenaient
le fil pour guider les migrants
de l’autre côté de l’hiver