BRIBES EN LIGNE
page suivante ► r.m. a toi 1 2 3&nbs madame est une toutes ces pages de nos 1 2 3&nbs 1 2 3&nbs ouverture d’une   entrons maintenant       un a l’aube des apaches, on dit qu’agathe présentation du projet carles respunt : eloge de la boite aux petits rien 4 et 5 (env. 7cm page suivante ► christ a elle disposait d’une les ruelles blanches qui 1- c’est dans dans le patriote du 16 mars dernier vers aoi page d’accueil de 1 2 3&nbs       pass&eac page d’accueil de       va ton sommaire des autres litanies du saint nom pas facile d’ajuster le   dits de rêve, cauchemar, nous serons toujours ces textes mis en ligne en pour maxime godard 1 haute iloec endreit remeint li os il y a deux villes à       retourn& bernard noël, un nous de page suivante ► page       à villa arson d’exposition en page d’accueil de voici des œuvres qui, le       1 2 3&nbs sommaire ► page suivante il a surgi sans crier pas une année sans évoquer j’ai relu daniel biga, agnus dei qui tollis peccata rafale ce qui importe pour derniers vers sun destre la mastication des petites proses sur terre en cet anniversaire, ce qui marie antoinette photo charles chaboud, 1 2 3 dernier vers aoi ce 28 février 2002. napolì napolì       l’ diaphane est le a-t-il lire chronogaphie (bribe 133 1 2 3&nbs avec marc, nous avons sommaire des mises en page suivante ► page ce qu’un paysage peut       chaque karles se dort cum hume toujours les lettres : fête du livre les plus vieilles dernier vers doel i avrat, 1 2 3 le nécessaire non page précédente ► de arbre épanoui au ciel madame 1 madame est la       assis frédéric le long de l’ombre     les provisions       parfois   je n’ai jamais page suivante ► page ajout de fichiers sons dans je ne saurais dire avec assez rimbaud a donc aller à la bribe suivante 1 2 3&nbs le 26 août 1887, depuis page suivante ► page antoine simon 25     m2   page suivante ► page si tu es étudiant en la communication est le film sur annie sidro et le ] heureux l’homme sommaire des contributions effeuillage d’une feuille peinture de rimes. le texte a ma mère, femme parmi aux george(s) (s est la glaciation entre aux barrières des octrois tu le sais et je le vois aller à la liste des auteurs clxvi deus li otreit (la sue) voir document expo boltanski   si vous souhaitez sommaire ► page suivante tout le temps est là sièges buttati ! guarda    ces sec erv vre ile textes mis en ligne en dernier vers aoi (dans mon ventre pousse une       soleil l’appel tonitruant du textes mis en ligne en juin       aux pour lire les textes de quelques textes aller à la bribe suivante je t’enlace gargouille je déambule et suis carissimo ulisse, torna a 1 2 3&nbs       les tout en vérifiant textes mis en ligne en mai bruno mendonça voir les bifaces de b.  hors du corps pas dernier vers aoi le 28 novembre, mise en ligne clere est la noit e la pour accéder au pdf, le dernier recueil de       st en introduction à         or page suivante ► page       dans quant carles oït la       sur les au labyrinthe des pleursils dernier vers aoi alocco, au château de allons fouiller ce triangle aller vers bribes, livres 1 les cuivres de la symphonie 1 2 3&nbs dernier vers aoi pur ceste espee ai dulor e les éditions de la passe du 1 2 3 i) mais jamais on ne suite de pour visionner la inoubliables, les antoine simon 32       et tu cyclades, iii° à cri et à ainsi alfred… page suivante ► page le chêne de dodonne (i) il est le jongleur de lui à la mémoire de christian page suivante ► page commençons donc par on cheval de profondes glaouis j’arrivais dans les tout en travaillant sur les (À l’église mougins. décembre 1 2 3&nbs       ton  l’écriture dire que le livre est une       j’       reine le chêne de dodonne (i) deux ce travail vous est les amants se       au prenez vos casseroles et dernier vers aoi     pluie du « je suis un douze (se fait terre se       le page suivante ► page « voici dernier vers aoi 1 2 3&nbs       une mon cher pétrarque, cent dix remarques i► cent nice, le 8 octobre     l’é textes mis en ligne en mai     double où l’on revient textes mis en ligne en attelage ii est une œuvre le proche et le lointain sommaire ► page suivante dernier vers aoi 1 2 3&nbs page suivante ►   les ce paysage que tu contemplais i.- avaler l’art par exposition et ouvrage de       au pas la visite de la fondation monde imaginal, page suivante ► ce pays que etait-ce le souvenir il arriva que page d’accueil de tristan_cabral_a_l_e l’eau froide de l’anse 1 2 3&nbs au matin du 1 2 3&nbs bribes en ligne a       que de page précédente le café aller à la liste des auteurs chers élèves du collège     le cygne sur préparation des corps siglent a fort e nagent e page d’accueil de       bien textes mis en ligne en  les éditions de textes mis en ligne en mai préparer le ciel i today i eat my     ton plaisir frères et page précédente retour un texte que j’ai in the country pierre ciel 1 2 3&nbs able comme capable de donner que reste-t-il de la tromper le néant pour andré li quens oger cuardise trois tentatives desesperees rafale la rencontre d’une textes mis en ligne en aller à la bribe suivante les photos et archives         &n le bulletin de pour philippe huit c’est encore à laure et pétrarque comme page suivante ► page eurydice toujours nue à traversé le lieu-dit de       mouette il n’était qu’un la galerie chave qui au seuil de l’atelier « 8° de       pour 10 vers la laisse ccxxxii  tu vois im font chier       dans la textes mis en ligne en juin le poiseau de parisi mon sors de mon territoire. fais       l’ au commencement était traquer sommaire ► page suivante 1 2 3&nbs il y a longtemps, page d’accueil de       entre zacinto dove giacque il mio madame a des odeurs sauvages quelque chose le chêne de dodonne (i) 1 2 3&nbs deux ajouts ces derniers page d’accueil de 1 au retour au moment page précédente retour ce n’est pas aux choses dernier vers aoi page suivante ► page   *   libre       six sous la pression des la poésie, à la six de l’espace urbain, en une, une œuvre de     nous avions le chêne de dodonne (i) les plus terribles béatrice machet vient de et que vous dire des naviguer dans le bazar de       fourr&ea       apr&egra tant pis pour eux. mieux valait découper 1 2 3&nbs Être appelé par son nom   voici donc la le lent déferlement antoine simon 16 “dans le dessin       pav&eacu « pouvez-vous rossignolet tu la il avait accepté vers la lettre ouverte au aller au sommaire de pablo   iv    vers       dans la       un chaises, tables, verres, « mais qui lit mise en ligne (vois-tu, sancho, je suis onze sous les cercles à propos des grands j’ai donc toi, mésange à 1. il se trouve que je suis cliquetis obscène des       neige la bouche pleine de bulles sur la toile de renoir, les page suivante ► page   cinq approches textes mis en ligne en août page suivante ► page vers le sommaire des recueils * il te reste à passer       araucari       devant       l’ rare moment de bonheur, libre de lever la tête       dans le       qui pour gilbert a inishmore chaque plante est  de même que les « non, peut-être il existe deux saints portant dernier vers que mort page suivante ► page outre la poursuite de la mise       enfant année 2019 ► albert    de femme liseuse 1 2 3 page d’accueil de juste un mot pour annoncer   six formes de la deux mille ans nous d’abord trouver un titre. page précédente longue dernier vers aoi voir les œufs de 1- nous sommes dehors. cent dix remarques i► cent 1 2 3&nbs apaches : haut var ► brec sommaire ► page suivante lien vers la totalité des il faut laisser venir madame cent dix remarques i► cent sommaire ► page suivante page suivante gérard la parol

Retour à l'accueil
Article présent dans les rubriques : Cantique de Matisse /
III. Les caresses de la paix
© Michel Butor
Publication en ligne : 16 mars 2009
Artiste(s) : Matisse Ecrivain(s) : Butor (site)

7) Porte-fenêtre à Collioure (1914)

C’est la guerre. C’est encore cette question de santé qui m’oblige à rester à l’arrière. Je ne suis pas dans les tranchées, mais quand même. Les camarades sont moins seuls.

J’aurais envie de rester toute la journée à attendre les communiqués, mais je ne peux pas.

Que tu es belle mais terrible, Hélène, fauteuse de trouble, par qui tant d’amis ont péri ! ton cou est une forteresse d’ivoire.

Sans nouvelles de ma famille, angoissé à cause de l’attente continuelle dans laquelle on vit, du peu qu’on sait, du fait que l’on nous cache évidemment beaucoup, incapable de m’absorber souvent dans une oeuvre de longue haleine, je vais faire du paysage pour retrouver un peu de calme. Voici par exemple une porte qui donne sur des ténèbres. Elle est assez semblable à celle de mes années d’enfer dans l’étude de maître Derieu, avoué à Saint-Quentin, avec sa plaque de cuivre qui disparaissait dans l’ombre quand on l’ouvrait sur une seconde porte à panneau vitré mais que l’obscurité habituelle rendait opaque. Ici je n’ai ouvert qu’une seule porte et je suis incapable d’ouvrir l’autre. Il faut que les mobilisés le fassent pour moi tandis que je prépare leur retour.

Je me suis toujours méfié des discours politiques et je n’ai que trop souffert de leurs effets ; on trouvera cette hantise dans mes silences.




8) Intérieur au violon (1918)

La fenêtre se rouvre enfin. Je suis venu à Nice pour soigner une bronchite. Il y a plu tout un mois et j’allais m’enfuir, mais soudain le Mistral a chassé les nuages et je me suis installé dans un vieil et bon hôtel, disparu désormais, avec ses jolis plafonds à l’italienne et de magnifiques carrelages.

La lumière qu’on avait à travers les persiennes venait d’en-dessous comme d’une rampe de théâtre.

Que tu es belle, Eurydice, ma retrouvée ! tes hanches sont un collier de fête.

Ici c’est la richesse et la clarté argentée de la lumière qui joue le premier rôle ; c’est avec la couleur qu’on la traduit, mais celle-ci ne vient qu’après. Il faut avant tout sentir cette lumière, l’avoir en soi ; les moyens peuvent être paradoxaux, le résultat seul compte. Etant pris par la lumière, je me suis souvent évadé en esprit du petit espace au fond du tableau pour sentir au-dessus de moi, au-dessus de tout motif, atelier, maison même, un espace cosmique dans lequel on ne sentait pas plus les murs que le poisson dans la mer. Aussitôt les différences du noir au blanc s’allègent, et les parties d’ombre ne sont plus profondes comme des tombeaux. Du noir jaillit une lumière.

Je me suis toujours méfié de la Méditerranée, mais je l’ai choisie, et l’on retrouve ses murmures dans mes plages.


9) Les deux odalisques (1921)


Les fenêtres m’ont toujours intéressé, car elles sont un passage entre l’extérieur et l’intérieur.

Quant aux odalisques, si chères à Ingres et Delacroix, je les avais vues au Maroc, et j’ai pu les mettre dans mes toiles sans faux-semblant à mon retour en France.

Que tu es belle, Henriette, mon odalisque ! tes seins sont deux faons paissant parmi les lys.

De neuf heures à midi, première séance. Je déjeune. Ensuite je fais un bout de sieste, et je reprends mes pinceaux à deux heures de l’après-midi jusqu’au soir. Chaque dimanche je suis obligé de raconter toutes sortes de craques aux modèles. Je leurs promets que c’est la dernière fois que je les supplie de venir pour ce jour-là. Naturellement je les paie le double. Enfin, quand je ne les sens pas convaincues, je jure de leur donner campos dans le courant de la semaine. "Mais, Monsieur Matisse, voilà des mois que ça dure et je n’ai jamais eu un seul après-midi de congé". Les pauvres ! Elles n’y comprennent rien. Quand j’habitais l’hôtel de la Méditerranée, la Bataille des fleurs était pour moi presque un supplice. Toutes ces musiques, ces voitures et ces rires sur la Promenade ! Les petites n’y étaient plus. Alors je les ai installées à la fenêtre et je les ai peintes de dos. Quant au violon, non seulement j’en jouais un peu quand j’étais jeune, mais je me suis mis à l’étudier très sérieusement à la fin de la première guerre. C’était naturellement un peu tard. Aussi je préfère désormais écouter les autres en jouer. La musicienne tient mon rôle. Une fois j’ai fait une séance avec une anglaise. Ses beaux yeux changeants que j’avais vus noisette le jour précédent, ont foncé peu à peu à peu tandis qu’une rougeur lui colorait le visage, jusqu’à avoir exactement le ton des miens. Jamais je n’arriverais à rendre l’harmonieuse saveur qui unissait ses yeux, ses lèvres et la courbe si tendre de son menton. Elle était devant moi comme un petit pigeon ému dans ma main. Mais elle avait pris mes yeux, ou plutôt soudain c’était moi qui regardais au travers des siens.

Je me suis toujours méfié des modèles, mais je n’ai jamais pu m’en passer, et l’on retrouve leurs moues dans mes dessins.

*

C) troisième échappée vers le chemin des Hespérides

odalisques

Qu’il y ait érotisme, séduction, approche passionnée de l’autre dans cette peinture, c’est l’évidence même ; par contre une sorte d’invincible chasteté illumine le peintre Don Juan. Ainsi, dans l’irisation du monde oriental-occidental, si les domestiques sont maghrébins, les odalisques sont toutes de race blanche, ce qui prolonge une longue tradition.

Lors d’une visite au Louvre, l’oncle Octave, chez Klossowski, médite sur le grand tableau d’Ingres :

“La Grande Odalisque d’Ingres se situe dans une région de paix qui provoque les ressentiments des misérables que nous sommes. La mise en scène d’”atelier” qui l’entoure -nous ne voulons pas penser plus loin- et qui n’en suggère pas moins la somptuosité, blessante pour nous, du potentat absent, cette mise en scène est encore la seule chose propre à nous rassurer contre cette “irréalité” qui insulte à nos quotidiennes misères. “Ce n’est qu’un moment d’atelier...” Pauvres que nous sommes ! C’est bien le luxe du potentat absent qui enveloppe jalousement cette merveilleuse créature ; nous la voyons ici en “vacance”, souveraine dans son repos, le front pur, nous offrant pour quelques isntants la splendeur dorsale de sa taille interminable, de ses flancs prodigieux, de ses fesses et de ses jambes qui nous laissent hébétés...”

Certes, si le potentat lui fait signe, à l’intérieur de ce harem fantasmatique, la belle passera de la condition de reine à celle d’esclave, d’objet passif de jouissance, mais ce potentat même, deviné, est l’incarnation de l’interdit qui nous frappe. “Ne touchez pas”. Le vernis de la peinture met cette odalisque dans une vitrine infranchissable au moins pour nous. Pour que la vue puisse durer, il faut que le peintre soit capable de se retenir. Et c’est pourquoi l’odalisque pour jouer son rôle de révélatrice d‘une “vacance” ou d’un loisir perdu, n’a nul besoin d’être entièrement nue. Plus elle est dévêtue plus elle devient hiératique, se transforme en idole intouchable elle-même et qui fait ruisseler ses prestiges sur toutes ses compagnes, les sauvant de la mort comme Schéhérazade.

Dans le Voyage en Orient Gérard de Nerval, lorsqu’il se promène dans les nuits de Constantinople-Istanbul, nous introduit au milieu du quartier grec dans une maison soigneusement obscure à l’extérieur. C’est un café, le “Frascati” de Péra, mais à l’intérieur duquel est aménagé une sorte de “musée des beautés naturelles” pour reprendre l’expression de Charles Fourier.

“La troisième pièce décorée, qui dans nos usages représenterait le salon, était meublé de divans couverts de soie aux couleurs vives et variées. Sur le divan du fond trônaient quatre belles personnes qui, par un hasard pittoresque ou un choix particulier, se trouvaient présenter chacune un type oriental distinct.”

Mais ce sont quatre orientales “blanches”, lesquelles étaient particulièrement recherchées dans les sérails. Cette lumière se décompose dans une sorte de prisme quadrangulaire lié aux points cardinaux. Nous admirons ainsi une Circassienne, une Arménienne, une Juive et une Grecque. Soirée charmante, légèrement troublée par une descente de police pour pimenter et émoustiller les rêveries ; mais nous sommes dans l’atelier ou le musée de la vertu :

“Ce mélange de civilisation et de traditions byzantines n’est pas le moindre attrait de ces nuits joyeuses qu’a créées le contact actuel de l’Europe et de l’Asie, dont Constantinople est le centre éclatant, et que rend possible la tolérance des Turcs. Il se trouvait réellement que nous n’assistions là qu’à une fête aussi innocente que les soirées des cafés de Marseille. Les jeunes filles qui concouraient à l’éclat de cette réunion étaient engagées, moyennant quelques piastres, pour donner aux étranger une idée des beautés locales. Mais rien ne laissait penser qu’elles eussent été convoquées dans un autre de but que celui de paraître belles et costumées selon la mode du pays. En effet, tout le monde se sépara aux premières lueurs du matin, et nous laissâmes le village de San Dimitri à son calme et à sa tranquillité apparentes. -Rien n’était plus vertueux au-dehors que ce paysage d’idylle vu à la clarté de l’aube, que ces maisons de bois dont les portes s’ouvraient çà et là pour laisser paraître des ménagères matinales.”

C’est seulement de retour en Europe que le peintre passera de la servante à l’odalisque. Il rapporte de Tanger, puis d’autres voyages, un écrin de tissus, de faïences, de grilles, d’objets divers qui lui permet d’établir une continuité absolue entre la femme et son environnement. L’arabesque entraîne leur immobilité dans une danse qui les révèle en les protégeant. C’est comme si le poisson rouge pouvait s’identifier tellement à la paroi de son bocal qu’il lui devenait possible de passer à l’extérieur à sa volonté. Elles font rouler vers nous leurs pommes d’or, narguant le dragon ancestral qui les épie.

*


10) La danse de Merion (1932)


J’aime beaucoup la danse. C’est avec elle qu’il m’est facile de vivre. Lorsqu’il m’a fallu composer une danse pour Moscou, j’ai simplement été au Moulin de la Galette le dimanche après-midi, et j’ai regardé la farandole très gaie qu’il y avait souvent en milieu ou fin de séance. Les danseurs se tiennent par la main, courent à travers la salle, entortillent les gens qui sont un peu égarés.

Elle était en moi cette danse, et encore pour celle que m’a demandé le docteur Barnes, l’inventeur de l’Argyrol, qui a mis tant de bâtons dans les roues par la suite aux gens qui voulaient voir non seulement mes oeuvres mais tant d’autres, et qui m’a fait franchir pour la seconde fois l’Atlantique.

Que tu es belle, ma noire ou blanche américaine ! tes joues sont des moitiés de grenades à travers ton châle.

La lumière de New York est exceptionnellement belle, et puis ces tours, ces masses qui s’élèvent dans cette lumière comme des cristaux ! Les gratte-ciels ne sont pas du tout ce qu’on se figure d’après les photographies. A partir du dixième étage, c’est le ciel qui commence parce que la maçonnerie est déjà mangée par la lumière. Souvent les bâtiments modernes sont parcourus de la base au sommet par de grandes nervures brillantes d’aluminium qui font saisir la proportion d’un seul coup sans la décomposer, comme un miroir d’eau. La dégradation du ton qui s’évanouit en prenant la douceur de la matière céleste avec laquelle il se confond, procure au passant une sensation d’allègement et de délivrance.

Je me suis toujours méfié des hommes d’affaires, mais j’ai profité des occasions qu’ils m’offraient, et l’on retrouve quelque chose de leurs ruses dans mes détours.


11) Nu rose assis (1935)

Mes modèles, figures humaines, ne sont jamais des figurantes dans un intérieur. Elles sont le thème principal de mon travail. J’en dépends absolument. Je les observe en liberté, dans leur abandon, puis je me décide à fixer la pose qui convient le mieux à leur naturel. Je garde souvent ces jeunes filles plusieurs années.

Mes signes expriment leur état d’âme auquel je m’intéresse inconsciemment. Leurs formes ne sont pas toujours parfaites, mais si expressives ! L’intérêt qu’elles m’inspirent se voit souvent par des lignes ou des valeurs spéciales répandues sur toute la toile ou le papier, et qui forment son orchestration, son architecture.

Que tu es belle ma Léda ! Ton ventre est un monceau de froment.

Et moi je deviens cygne. C’est de la volupté sublimée, pas encore perceptible pour tout le monde. A mon âge ! Dans ma condition, que va-t-on penser de moi ? Et pourquoi ? Je n’ai que 65 ans. Ne peut-on garder jusqu’au dernier jour une imagination jeune et ardente. Pourquoi, puisque ma sensation de fraîcheur, de beauté, de jeunesse est restée la même qu’il y a 30 ans devant les fleurs, un beau ciel, un arbre élégant, devrait-elle se modifier devant une jeune fille ? Ce qui fait l’heureux temps de la vieillesse, c’est qu’on y est plus sensible aux parfums.

Je me suis toujours méfié des dieux, mais je les ai célébrés, et l’on reconnait leurs grâces dans mes trouvailles.


12) Le rêve (1940)

De nouveau la guerre. Il y a ici un tel cafard, une angoisse générale qui vient de tout ce qui se dit et répète sur la prochaine occupation de Nice que j’en suis très affecté par contagion et que mon travail est particulièrement difficile. Heureusement je viens de finir presque un tableau commencé il y a un an et que j’ai mené à l’aventure -en somme chacun de mes tableaux est une aventure.

D’abord très réaliste, une belle brune dormant sur ma table de marbre au milieu de fruits, est devenue un ange qui dort sur une surface violette -le plus beau violet que j’aie vu, -ses chairs sont de rose de fleur pulpeuse et chaude -et le corsage de sa robe a été remplacé par une blouse roumaine ancienne, d’un bleu pervenche pâle très très doux, une blouse de broderie au petit point vieux rouge qui a dû appartenir à une princesse, avec une jupe d’abord vert émeraude et maintenant d’un noir de jais.

Que tu es belle, ma messagère au bois dormant ! tes yeux sont des colombes derrière leurs paupières.

Et elle rêve d’un prince français prisonnier d’antan dont j’ai lu et relu les poèmes pour en faire un choix.

Je me suis toujours méfié de la littérature, mais je ne l’ai pas seulement illustrée, je l’ai soigneusement, amoureusement recopiée, et l’on en trouve l’émerveillement dans mes thèmes.

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?

Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP