J’ai travaillé sur le thème du contact. Pensé qu’il ne s’établissait qu’en cessant déjà. Que l’interruption était la vérité du contact. J’ai eu envie d’appeler ça "le vol de la caresse" : effleurement d’abord, emprise ensuite, plus insistante, à la limite du douloureux, puis allégement et effleurement à nouveau. La caresse est mouvement. Elle ne saurait s’arrêter. S’interrompre. Oui, la main se lève, s’élève au-dessus de la peau du monde.
Cette intermittence est celle du soc qui ouvre la terre dans les labours avant de s’aérer au plein soleil pour, finalement, retrouver la terre grasse et noire. L’interruption est la vérité du sillon. Du travail de la terre. La vérité du poème. Du travail de la langue. Leur battement.
Je reprends. Le vide dans lequel le soc haut levé en bout de champ dégoutte de terre et lance ses éclats au ciel est le lieu du revirement. Là, le temps est suspendu, la vie arrêtée. On va pouvoir tourner. Repartir. Ce mouvement interrompu. Et qui pourtant continue. C’est l’oeil aussi bien quand paupière sur paupière, il tire le rideau.
C’est plus généralement le règne de l’entredeux : entre deux pas, c’est la marche ; entre deux paupières la vue ; entre deux airs, la respiration.
Entre deux morts, la vie.