Et te voici humanité exagérée tour de sauvegarde homme tortue femme montagne
que danse le monde autour de moi qu’il danse souffle court dans l’insouciance l’ignorante insouciance
Tu as produit tout autour de moi cette carapace souple molle et fondante pour te protéger du monde
j’aurais bien chevauché des tortues ou ces pachydermes lents qui portent l’univers sur leur dos
Homme pachyderme enfoui sous une armure d’eaux et de graisses tu t’y caches t’en protèges t’en masques
comme j’aurais avalé la terre et le ciel et les astres faisant la nuit autour de moi la lente et douce nuit
Et tu dépasses à peine de ce grand corps qui de toutes parts te déborde et qui te met à l’abri des sarcasmes et des meurtrissures
j’aurais fait tout autour de moi l’obscur silence d’avant les temps d’agitation
Vieux baobab tu as plongé tes racines au plus profond des mamelles de la terre où tout n’est plus que fraîcheur et humidité
J’aurais duré et veillé sans rien attendre et sans espoir
Roc erratique d’un chaos de granit toutes les eaux du ciel t’ont poli tu demeures
Ma seule respiration aurait rempli l’univers je demeure
Posté au bord d’astres mourants, mourant tu dures
Que l’on croie, si l’on veut, que mon indifférence est sagesse, mon immobilité attention infinie de vieux gardien des solitudes je dure de mourir
Tu as placé dans le dedans de toi entre ton corps et ta peau le monde tout autour de toi
Bout par bout fragment par fragment bribe par bribe j’ai sucé tout le sucre du monde j’en ai retiré tout le miel je l’ai fait moi et me suis grossi de ce monde en moi
En toi tu conserves et protèges le monde qui te conserve et protège
J’ai avalé le monde pour mettre un monde entre le monde et moi