Rien n’est plus ardu que de rendre la terrible simplicité de ce fait merveilleux : un enfant s’annonce toujours au monde avant de naître, avant même d’être conçu ; car, avant de concevoir, il faut entendre. Et, ayant entendu, il faut vouloir. Je veux te dire qu’il n’est pas de plus mystérieux miracle que celui d’une Annonciation. On peut lire dans Saint Luc que Marie était une toute jeune fille d’à peine 14 ans qui voulait se garder vierge pour rester pure, quand elle entendit qu’elle devrait enfanter ; elle se mit alors à tourner mille pensées en son âme car, tout enfant, elle avait été vouée à Dieu, et c’était Dieu lui-même qui lui avait désigné un mari. Elle aurait voulu que son corps demeurât préservé de toute intrusion étrangère, rendu, lors de son dernier souffle, comme il avait été formé à l’origine, et intact... Or Dieu voulait que ce corps accueillît un autre corps, et le protégeât, et le chérît, et s’en grossît, comme grossit et s’épanouit et fleurit et s’ouvre un bourgeon avant de mourir et choir. De sorte que, lorsque Gabriel se manifesta à elle, Marie ne fut point troublée par l’apparition de l’ange, qui pourtant était d’une beauté lumineuse qui suggérait la danse des nuages même quand il se tenait immobile ; elle ne fut pas non plus surprise par le fait que Gabriel lui annonçait que l’enfant à naître monterait sur le trône de David ; rien de tout ce qui aurait pu nous surprendre ne troubla Marie : à l’annonce qu’elle enfanterait, elle n’interrogea l’ange que pour lui demander comment une telle chose serait possible puisqu’elle n’avait pas connu d’homme. Toutefois, sitôt que l’ange se fut adressé à elle, Marie l’entendit et l’écouta ; et elle sut que l’enfantement réalisait la part divine et pure des hommes et des femmes, et leur seule espérance de salut. Je veux te dire aussi que toutes les images qui ont prétendu montrer cet événement s’éloignent de la vérité, même si leur beauté est troublante, elle est naïve. Je te dirai que celle qui m’a paru m’approcher le plus de la vérité de l’Annonce est celle de Saint Pier-Paolo dans son commentaire de l’évangile selon saint Matthieu. Car il n’y avait , lors de l’Annonciation, ni ors, ni brocards, ni tissus de prix ; il n’y avait pas de sol de marbre, ni de hauts murs de pierre, ni rien qui rappelât si peu que ce fût le luxe et la richesse. Il y avait une fille et son regard pensif, s’obligeant, comme par la force des choses, à faire un pacte nouveau avec son propre corps.