Sculpter ? Quoi faire ? Donner volume ? A quoi ? Cerner avec quelque chose cette chose là qui se dérobe. Qui toujours se dérobe. Quoi ? Le tremblement de l’air ? Un souffle comme un peu plus présent au bout des doigts ? Cette présence ? Cette improbable présence ? Comme ce qui resterait d’un battement du coeur, d’une pulsation du sang. Cette sorte de sourde déchirure... Avec trois fois rien : un peu de plâtre, un peu de bois, un peu de colle. Et autour de rien avec trois fois rien construire. Bâtir. Comme pour s’y loger. Construire cette chose-là. Et y mettre dedans nos yeux d’abord. Et tous nos bruits du dedans. Nos pulsations. Construire des nids et nous y nicher.
Sculpter. Sculpter comme si l’on bâtissait. Comme si on construisait des corps jamais vus pour y vivre longtemps ; dedans. Et, en les construisant, montrer à la fois leur dehors et leur dedans. Et avec ces corps fragiles, ténus, presque écartelés, à nouveau construire. En faire des abris, des maisons, des espaces, des rêves de places où l’on pourrait vivre en rêvant. Et, de place en place, sculpter pour peupler le monde : ouvrir des espaces dans les villes pour s’y nicher et y rêver ; ouvrir des villes qui prendraient la forme de nos corps rêvant et dans l’espace se déployant.
Sculpter : donner cette forme à un espace de la ville ; cette forme qui vient du corps : elle est un don du corps à la ville ; et les yeux peuvent y jouer, et les corps aussi... On y passe, on s’y assoit, on y rêve, on y joue, entre creux et pleins, entre béton et gazon ; entre ville et port ; entre mer et montagne ; entre blanc et noir.
Sculpter : avec trois fois rien autour de rien faire surgir ces choses, espèces de corps, et d’elles, tirer les espaces qu’elles hanteraient, et d’eux, de proche en proche bâtir cet espace à trois pans, posé entre la mer, la terre et le ciel.
Sculpter. Rendre à ceux qui regardent, la forme de leurs mouvements et l’hésitation de leurs souffles...