C’est le grand débat. Il se rappelait ces paroles de Dieu du temps où Dieu parlait sans cesse. Dieu disait : « Il aurait fallu, Josué, que tu sois là au cœur des faits, de l’action, de l’événement ; tu aurais pu citer tes pieds comme témoins : ils t’auraient informé sur l’état et la densité du sol ; tes poumons et ta peau t’auraient dit la qualité et les mouvements de l’air ; tes narines auraient chargé de saveurs ta mémoire ; tes oreilles t’auraient rapporté les rumeurs et le bruit des armes, les prières et les chants. » - C’est tout mettre toujours en débat sans cesse pour que jamais ne cesse le débat.- « Il aurait fallu que tu voies, de tes yeux voies, toutes choses pour en parler en témoin sûr et véritable. Ton corps t’aurait dit le monde, et les récits du monde auraient donné à ta langue la vérité du monde. Qui ne sait pas ces choses n’entend rien à cette histoire. » - C’est le grand débat, le grand jeu de la parole sur la parole retournant pour que la parole jamais ne cesse et vive toujours. Et Josué se rappelait qu’il avait répondu : « Tu as beau jeu vraiment de parler ainsi... Tu es censé tout voir, tout savoir, partout et en tous temps être présent sur tout, avoir pouvoir, sonder les reins, sonder les coeurs, source et fin de tout, omniscient et omniparlant... On dit Alpha et Omega, n’est-ce pas ? » - C’est la multiplication des points de vue, le sautillement de la pensée de l’un à l’autre pour que sautille la parole, qu’elle étincelle, que sans cesse d’elle-même sur la parole se ressourçant, sans cesse elle se renouvelle : parole toujours sur la parole en débat - « Ce n’est pas le monde et mon corps qui enseignent ma langue. C’est ma langue qui donne forme au monde, et à mon corps qui y est plongé moyen de m’y repérer ; et je ne dis rien du monde et des événements du monde : je jette sur le monde des filets de mots et ce ne sont pas mes mots. » - C’est le grand feu de la parole pétillant en escarboucles, braises de mots étourdissants dans les mots s’étourdissant ; et que souffle le vent, l’air impulsé embrase les braises, corps en mouvement langue agile. - « Le monde n’a pas de récit. C’est nous qui avons formé des récits croyant y apprivoiser le monde. » - C’est Talmud le grand débat, astucieux rabbi d’audace au feu de la langue soumis, langue se lave, bouche, volcan, la lave enlace, braise de mots embrasse, brise les mots, audace, quand les mots volent quand braise des mots, soif de parole coulée en fleuves qu’enfle le feu. C’est le débat, la parole de la parole brûlant en cascades se fouillant. Qui n’entend pas ces choses ne comprend rien à cette histoire.