Il n’était qu’un enfant quand il avait appris qu’un grand de ce monde, Constantin avait pu et su se soumettre au doigt de Dieu. Mais aussi, en voyant comment il avait pu s’en faire l’instrument violent et brutal, il souffrait de devoir reconnaître que ce qu’il considérait comme son camp pût être aussi détestable, en tout cas aussi inacceptable. A l’inverse, Julien l’Apostat et Hadrien le fascinaient. Julien, surtout, d’avoir pu se défaire de la seule vraie foi. Il ne comprenait pas comment, l’ayant connue, il avait pu l’abandonner, en même temps qu’il se sentait proche du refus qu’il vivait et de ses propositions anciennes et nouvelles et il se torturait à l’idée qu’un tel homme – qu’il ne pouvait pas croire de mauvaise volonté – pût être damné ou considéré comme tel. On dirait : « Il n’y a plus d’espace... » et la conscience de cette réalité nous tuerait. On dirait : « Il n’y a plus de temps ». Et ça nous tuerait aussi. Du coup, on serait déjà tous morts, et on se baladerait aux Champs Elysées. Aux vrais. Pas ceux qu’on a inventés pour y loger des puissants et faire croire qu’ils sont d’un autre monde, bienveillants et intouchables. Les vrais. Ceux des Enfers. On serait aux Enfers. Notez : pas dans l’au-delà. Ni en Enfer. Aux Enfers. Les Enfers, ça, c’est du solide. Et on y accède aisément. Il suffit de creuser et chacun sent bien qu’on y rencontre plein de monde. Il suffit de creuser. Tout est là. Tous, d’une manière ou d’une autre. Tous. Sous une forme ou sous une autre. Tous. Nous y sommes tous. Alors on peut creuser, y aller, s’y promener, y faire des rencontres, engager des conversations. Pas toujours facile, bien sûr. Il y a du taciturne là dessous. Mais tout de même. On peut. Et on s’y retrouve libre de fraterniser avec la sagesse des pierres, leur lente sagesse, et leur patience dans le sable du temps, la poussière, soufflée du fond du ciel la mémoire des ardeurs profondes, et partager leur science du nombre et l’équilibre secret de leurs architectures. Qu’on le sache et que l’on sache qu’il faut en rendre grâce et s’en émerveiller. En barbare je prie – ni quelqu’un ni quelque chose – Ma prière est nudité. Elle est terrible et tendre et tourmentée et consciente de sa fragilité. Lucide. Je me sais, priant, exposé aux coups. Et les bûchers de ma souffrance m’indiffèrent. J’aimais lui lécher les paumes dans le plein soleil, et m’émerveillais de ses doigts pénétrés de lumière et translucides, les mordillais et jouais de la langue autour d’eux, puis les embouchais et les gardais longtemps pour les faire fondre, lentement, entre dents langue palais et joues.