Pourquoi tu parles ? Tu sais que, parlant, tu t’enferres, t’enfermes, t’empègues, t’embarques, sans espoir de retour, dans d’impossibles contraires ! Pourquoi ne pas te taire ? Parlant ce seul tu livres que toi-même ne guides pas.Tu n’es pas celui qui, parlant, mêle tout, mais l’emmêlé qui s’embobine et, dans son cocon de mots, ne peut pas même espérer jouer les chrysalides.
Trop évidente, trop incontestable parole de Dieu. Agaçante de vérité, figeant le réel et s’y émiettant. Juste, trop juste -à chaque moment.
Parole errante je formidable poussée sève de mes mots qui se rit des sraisons foisonnate parole comme qui ne serait que printemps à l’éclosion de mes bouquets lourds de parfums et vifs en couleurs et sans cesse poussant dans la douleur ravie d’une perpétuelle délivrance confusion si doucement poignante conception mise au monde parturient de mes mots ou de ce que des mots je fais mien de ce qui me fait des mots douillettement lové au creux des livres dans le bruissement des traces les feuilles de l’arbre de même les feuilles du peuplier à la moindre haleine frémissent et grisement chatoient et nous renvoient le ciel et les eaux l’air niché dans des générations de parole dans ces présences des milliers de fois séculaires toujours agissantes comme les mêmes atomes depuis des temps immémoriaux sont brassés ventilés aérés construisant les êtres qu’ils nourrissent oh je bouscule je dans le déversement des mots qui font lit de leur surgissement des déclivités des méandres où impérieux puis impériaux ils s’étalent s’installent chargés du monde chargés des hommes terriblement lucides et lucidi et disant et disant plus que je ne sais et disant ce que je saurai et plus que je ne saurai jamais et disant
me font formidable sève mes mots poussant la vie même et mes peurs et dévoilant mes impudiques et révélant Dieu est dans chacun de nos mots et la chair est devenue verbe et il n’est de parole qui ne soit Dieu et Dieu n’est que parole j’erre parole parmi les paroles être seulement de mots non pas vêtu mais tissu si des milliards de livres explosaient soudain libérant les murmures nous n’aurions d’autres cieux constellés d’autres galaxies d’autres univers les puissances et les faiblesses mes mots toute la saveur du monde la violence des amours et le goût acide des pommes et la clarté des regards cieux et enfers terres et feux il n’est d’autre mort que se taire
AOI