Voudrais je vous tromper ? Comment vous convaincre que notre folie quotidienne ne se nomme pas légion ? Voudrais-je vous tromper si vous me peuplez et si je cherche à vous peupler ? Que le souffle est trop court et finit toujours par manquer à qui se plaît sous les eaux .
Jamais il n’aurait connu le repos, jamais il n’aurait eu la moindre idée du bonheur, s’il n’avait pu faire errer sur vous ses yeux, ses mains, son corps, ébahi, essoufflé dans une tension insupportable, à cette limite où toute douleur se réduit, se résout ou se dilue dans un apaisante entrelacs de souffles une tranquille conjugaison des chaleurs, un long tressage de regards, une tendresse banale ou animale des membres, foule des avenues étoilées de paroles et de silences, de souffles et de souffrances, de battements de
cœur et de claquement de pas, de gestes, de mouvements, danses, peaux qui se frôlent, public des autobus, des métros ou des trains, clients des cafés chaleureux…
si ma mémoire est bonne, je vous ai déjà rencontré…
Il n’avait jamais connu d’image plus proche du bonheur que dans le silence retentissant des églises… Il en avait aimé le désert, la fraîcheur ombreuse, l’apaisement et la certitude de la Présence devant laquelle il pouvait se ramasser, sous le regard de laquelle il aimait s’agenouiller et- pour achever la mise en scène de l’humiliation- me prosterner…
Je savais surtout que la vanité et l’artifice pouvaient compter aux yeux du monde, ils s’anéantissaient dans la Bienveillance ;
que je pouvais jouer moi-même et tromper les autres, que l’orgueil est notre lot le plus commun, si quelque humilité vraie vibrait en moi, si cachée fût-elle –et même si j’étais incapable de la reconnaître- le Regard auquel j’osais me présenter la décèlerait malgré tout, balayant le fatras de l’orgueil et de la vanité. Cette confiance, cet abandon, qui le saisissait alors, l’emplissant, reléguant au rang d’écho assourdi, sans l’étouffer jamais pourtant, la banale torture de l’incertitude, du doute, du désespoir et de la peur (et il ne souhaitait pas l’oublier un seul instant : elle restait – en toutes occasions – la marque de son état et ce pour quoi la confiance et l’abandon avaient lieu d’être…) l’attendrissaient, l’adoucissaient…
AOI