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ALAIN FREIXE

A propos de {Poésie ouverte, Poésie fermée} de René Nelli
© Alain Freixe
Publication en ligne : 18 avril 2023

« Je définirai la lecture : partir en reconnaissance »

Pascal Quignard

 

Pour évoquer René Nelli, j’ai donc choisi un livre. Un objet littéraire. Des signes languissants. Quelque chose de déjà fait.

Le livre fait barricade. Il sépare en deux versants l’acte d’écrire et l’acte de lire. Deux versants qui ne communiquent pas : l’écrivain est absent de la lecture et le lecteur est absent de l’écriture. N’oublions pas également ce tiers présent dans le champ littéraire les éditeurs qui ont pouvoir de donner vie et forme d’objets aux feuillets et autres paperoles en telle année, dans tel contexte, sous tels entours.

Ainsi avais-je à lire, soit tout à faire.

Première lecture faite, je me suis demandé : finalement, la question serait moins de savoir qu’est-ce qu’on retient d’un livre que celle qui envisagerait de se demander par où un livre vous tient. Comme si un livre avait deux mains. L’une qui vous attraperais par le dessus, si j’ose dire ; l’autre qui vous agripperais et vous tirerais par le dessous.

De ces deux mains j’ai fait la structure de mon propos.

Quelques mots encore. Lire, c’est toujours un mano a mano. Un « un à un » qui ne fait pas deux mais trois – Tant pis pour le dualisme ! Un , c’est le lecteur singulier ; l’autre un, (qui en fait est premier) c’est le texte singulier ; le « à –troisième », c’est la relation singulière qui s’efforce de penser le texte au moyen d’une hypothèse de lecture. Le texte a sa préséance, c’est lui qui doit suggérer les problématiques qui serviront de filtres à la lecture mais le lecteur - en tout cas celui que je suis, le poète que je m’efforce d’être – ne saurait s’effacer comme sujet derrière des choix épistémologiques, des modèles théoriques, toutes choses visant à mettre en place ce qu’on pourrait appeler une lecture savante. Pour autant, ma lecture cherchera à mettre en évidence ce qui distingue ce livre, ce qui lui est spécifique. Oserais-je dire que j’essaierai de répondre à la question posée sur le bandeau rouge : « L’essence de la poésie : Eluard, Aragon, Bousquet ? »

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Première main : La main du dessus !

Poésie ouverte, Poésie fermée est donc un essai sur la poésie, sa nature, sa fonction, son avenir. Il se compose de quatre parties. Dans la première « Poésie et langage », Nelli met en place la différence qu’il établit entre une poésie ouverte, ouverte sur le réel et une poésie fermée, fermée sur les mots. D’un côté une « poésie réalisante » qui s’enveloppe à la fois dans les choses et dans le langage créateur, une poésie en prise sur son temps et sur son public ; de l’autre, une poésie qui s’enferme dans les mots pour qui les trouvailles de style sont tenues pour essentielles, poésie qui des mots mène aux mots et rate son public. D’un côté une poésie qui vise à « jeter des rapports nouveaux entre les choses », cherchant par là à rendre compte d’une réalité nouvelle dont les noms manquent ; de l’autre, une poésie qui peint une réalité « découverte avant d’être exprimée » parce que donnée d’avance ; enfin, une poésie qui entre en résonance avec nos mythes intérieurs à partir d’un effacement du langage ; de l’autre, une poésie qui se laisse prendre aux mots, qui ne brille que dans leurs beautés, purs mirages.

Dans la seconde intitulée « les constantes poétiques », Nelli cherche à fonder la notion de poésie ouverte laquelle, on l’a vu, outre l’invention de rapports nouveaux entre les choses qui font la réalité du temps, vise à éclairer, « éveiller dans nos cœurs des résonances non temporelles ». C’est ce noyau mythique que Nelli s’efforce de mettre au jour : mythes de la séparation au fondement même de notre condition humaine d’êtres « blessés à l’origine et pour toujours » écrit-il ; ceux de la conscience partagée ; de la fatalité ; du temps ; des métamorphoses…tous traduisent notre essence, « l’unité de notre nature ».

Dans la troisième intitulée « Poésie et littérature ; le refus du style », Nelli présente les trois formes essentielles que prend la poésie ouverte pour lui. D’une part, chez Paul Eluard, poésie qui part des mots (fermée en ce sens) mais qui sait les désorienter, les « mettre en folie » comme le vieil instituteur du chapitre II jusqu’à « leur faire avouer ce qui, auparavant, n’était pas du ressort de la conscience ». Elle sait se rendre par là en prise avec nos émotions les plus intimes. D’autre part, celle d’Aragon. C’est à son propos que Nelli parle de « poésie de roman » qui nous restitue « la grande mythologie physique » jusqu’à nous « faire entrer dans la nouvelle légende sociale ». Pour ses poèmes, il sait, dit Nelli, s’abandonner au génie national » et « retrouver, au milieu des catastrophes, les chants perdus de la France littéraire ». Enfin, celle de Joë Bousquet, qui coup sur coup, en 1945, fait paraître Le médisant par bonté, chez Gallimard, pour lequel Nelli a rédigé un article dont Bousquet était très content pour les cahiers du Sud et qui est repris presque in extenso dans le chapitre IV et les poèmes de La connaissance du soir aux éditions du raisin, republié par Gallimard en 1947. Si dans le premier, Joë Bousquet fait apparaître les mythes en traitant du réel social lui-même de cette ville de Carqueyrolles ; dans le second où prime l’aventure du langage, sa poésie fermée tend à s’ouvrir tant il cherche, écrit Nelli, « à atteindre le mythe à partir de l’homme obscur ».

La quatrième partie est constituée par douze courtes « notes indirectes ».

Nous n’avons fait qu’effleurer notre objet. En effet s’il s’agissait d’un poème ou d’une suite de poèmes, ceux-ci devraient être traités en tant que tel et tels qu’ils se présentent dans le pur éclat de leur surprise mais pour cet essai, on ne peut faire autrement que d, le placer dans une certaine courbe du temps, soit l’inscrire dans une histoire. C’est donc comme son « arrière-histoire » que nous nous proposons d’esquisser, soit quelques « propos supplétifs », selon les termes qu’utilise René Char à propos de son « arrière-histoire du Poème pulvérisé » parue dans la NRF, N°6, juillet 1953 ; propos visant à réintroduire un peu du monde, de ses pesanteurs, qui avait servi à sa confection et suivi sa parution.

A mon sens, ce ne sera pas là mission de grand jour tant je me contenterai de rester proche de l’enquêteur, de celui qui s’informe et ne se laisse pas encore informer par le texte lui-même.

Le 12 septembre 1942, Nelli écrit à Ballard : « Rien de nouveau, je travaille comme un nègre à des poèmes. Plus un grand poème. Plus mon livre sur la poésie ». Ce qui deviendra Poésie ouverte, Poésie fermée est en route. L’idée de Poésie ouverte niant le style, le ton comme seul soutien du poème, ces idées là sont en place dès fin 42/début 43.

C’est donc dans ces années 44-45-46 que Nelli travaille à ses poèmes « le recueil est terminé, écrit-il à Ballard, il paraitra après la guerre. Je me mets aussitôt à mon livre sur la poésie (à moitié) fait ». Le 05 mai 1946 Nelli écrit à Ballard : « J’ai terminé mon livre sur la poésie (…) Suzette le tape en ce moment. Je vais me mettre illico à mon livre sur l’amour ». »

Poésie ouverte, Poésie fermée, le manuscrit du livre sur la poésie est donné donné par l’intermédiaire de Bousquet à Jeanne Canudo des éditions JB Janin où il venait de publier Le meneur de lune avec 6 dessins de Jean Camberoque. A lire la correspondance Nelli-Ballard à ce sujet, on comprend que ce dut être sans grand enthousiasme. D’abord, parce qu’il s’agit d’un livre sur la poésie alors que l’éditeur, Jeanne Canudo, attendait un livre sur l’amour (« un éditeur ne doit pas être contrarié » écrira-t-il à Ballard). Ensuite, parce que, selon lui, Nelli n’avait pas fait disparaître les traces du style conférence employé pour certaines parties. Enfin et surtout, parce qu’il manque un chapitre sur la jeune poésie – les Pierre Emmanuel, Luc Decaunes, Jean Marcenac, Jean Cayrol, Luc Estang, Louis Elié, Ilarie Voronca, Jean Tortel, Toursky, Lanza del vasto, Lucien Becker, Guillevic…- laquelle était bien présente dans le livre Poètes contemporains de Léon-Gabriel Gros publié par Les Cahiers du Sud en 1944 qui sera suivi en 1951 d’un deuxième tome . Pourtant en août, la chose semble bien engagée aux yeux de Ballard : ‘(Bousquet) considère le livre comme parfaitement en route et pense que Jeanne Canudo à son passage le 20 septembre te le confirmera ».

Après un beau silence, en date du 04 décembre 1946, on peut lire de Nelli à Ballard : « Je t’envoie donc l’essai sur la poésie que j’ai entièrement réécrit (j’en ai la main lassée) . Je ne peux que te redire ce que je te disais à Carcassonne. Tu me rendrais un très gros service en le publiant. Je pense que Canudo le prendrait maintenant tel qu’il est mais, cela me demanderait du temps, des voyages à Paris, des emmerdements avec Bousquet et tout et tout et très sincèrement, j’aimerais mieux qu’il sorte chez toi. »

Dès le 30 décembre 46, il est mis en lecture, Léon-Gabriel Gros l’a trouvé remarquable…Il paraitra en juin/juillet 1947. Ce ne sera pas un grand succès de librairie. Sa réception sera plutôt discrète. Il ne provoquera pas beaucoup de remous dans les milieux littéraires même si gentiment Ballard lui écrit le 23 juin 1048 : « ce livre qui, je te l’avoue, se vend très lentement, a tout de même touché son public (…) il assied ta réputation d’esthéticien à mis chemin de la critique et du folklore ». Il y aura peu de compte-rendu de ce livre. Citons Aimé Patri dans la revue Paru et celle de André Rolland de Renéville, poète qui participa à l’aventure du Grand jeu et auteur du livre L’expérience poétique, dans le N° 295 des Cahiers du Sud de 1949. Ballard prévient Nelli du fait que Rolland de Renéville le « querelle gentiment » ajoutant que « c’était prévisible » - Cela dit, il avoue préférer « une critique pertinente à une sotte bénédiction ». La critique porte sur le dualisme de Nelli concernant l’univers verbal et l’univers sensible pensées comme entités séparées, il lui oppose une conception moniste qui serait partie du mot pour découvrir l’objet qu’il engendre. Cela dit, cet article a le mérite de replacer le livre de Nelli dans l’horizon des Fleurs de Tarbes ou la terreur dans les Lettres de Jean Paulhan paru en 1936 / 1941 où il distingue la rhétorique et la terreur, les expressions toutes faites, fleurs stériles de langue, et celles, folles, qui entrent en rébellion contre les traditionnelles exigences des premières – On sait l’importance que Bousquet accordait aux idées de Paulhan (voir ses interventions dans les Cahiers du Sud) au risque d’avoir à croiser le fer avec Ballard qui ne l’aimait guère ! De présenter ensuite très correctement l’opposition entre Poésie ouverte et Poésie fermée.

Nelli accueillera d’ailleurs positivement cette note et je dois dire que je partage avec lui sa déception : « il escamote, répond-il à Ballard le 25 août 1948, la partie positive. Les mythes de séparation. ça mutile l’idée qu’on se fait de mon livre…mais bien, je le répète ». En effet ce qui fait de ce livre un livre singulier, c’est d’affirmer que la poésie ouverte d’une part porte au jour des rapports nouveaux entre les choses et d’autre part qu’elle entre en résonance avec « les mythes les plus primitifs » qui expriment notre « structure même, notre situation dans le monde ». Passer sous silence toute la deuxième partie, ne pas discuter ce genre d’affirmation de Nelli « les mythes sont inscrits dans notre nature…Ils constituent la première manifestation du sujet » - Au moment même où Sartre fait paraître « L’existentialisme est un humanisme » en 1946 et où « l’existence précède l’essence » ! – est bien critiquable car enfin c’est le problème posé dès les premières pages de Poésie ouverte, Poésie fermée : savoir s’il y avait une poésie qui soit l’écho de notre nature. Nous ne discuterons pas cela ici. Nous nous contenterons de préciser la position de Nelli qui n’est pas de nier le caractère historique et circonstanciel de la poésie, il avoue même que ce sont là « les conditions naturelles et nécessaires de la poésie fermée » mais, pour lui, les circonstances ne valent pas en elles mêmes, elles ne valent que si elles ouvrent à la mythologie du « fait », soit sur un invariant, un « poétique fondamental » qui « demeure identique à lui-même à travers ses résonances dans le divers du temps ». Sur lui jouent la poésie ouverte. Ses œuvres nous touchent. Elles prêtent un nom à nos « émotions les plus intimes ».

 

++++

Deuxième main : la main de dessous

Si ce livre m’a retenu, si je le crois susceptible de nous parler encore, c’est bien par les questions qu’il pose. Et notamment celle qui tourne autour de la question du ton. Question que Nelli reprendra dans son article de 1961 sur Le style de Joë Bousquet ou l’aventure du langage dans l’esthétique de la poésie, paru dans Les Cahiers du Sud, N° 362/363 dont le fronton est consacré à Joë Bousquet ou le recours au langage.

Dans le chapitre 6 de la partie III, alors que tout semble dit d’Eluard, Aragon et Bousquet comme pris de doute, je dirais plutôt comme revenant à lui-même, à sa préoccupation de poète plus qu’à celle de critique, Nelli laisse sonner un « Mais » : « Mais si l’on veut que le poème soit avant tout une aventure du langage (et pas seulement une aventure des mots)…Il faut bien revenir à la poésie de ton »

Le ton, voilà la réponse de Nelli à la question de savoir ce qui fait qu’un poème tient dans ses limites, dans ses choix et attaches rythmiques. Cette question du ton il la met au centre de son inquiétude créatrice quand, par exemple, il parle à Ballard de son travail sur un long poème où il essaie de « faire, sans rimes, le chant de la rime », poème, écrit-il, qui « ne se soutient que par son ton ». L’essentiel est dit dans cette lettre de 1943. L’essentiel est vu.

Si les mythes sont susceptibles d’être inscrits dans notre nature et constitueraient ainsi la première manifestation du sujet, le ton, lui, exprime l’unité originelle de nos émotions, il se confond même avec le sujet en tant qu’il s’apparaît lui-même comme une qualité, comme une vibration antérieure au langage et qui le suscite, écrit Nelli. Indéfinissable, parce que sans contenu, il est comme une rumeur de fonds, un rythme intérieur. Un choc le réveille, la mise en branle est coup du dehors. Il est force essentielle, énergie qui va se transformer en mots. Il y a là comme un devoir du poète en tant qu’artiste, écrit Nelli, « retrouver ce langage premier qui n’apparaît qu’avec le progrès de la conscience et qui finit par « manifester ainsi la voix silencieuse et véhémente qui est le sang des mots ». Bernard Noël dirait peut-être « la sueur des mots » (cf. La vie en désordre) cette « matière immédiate » est celle dont « le poème précipite l’empreinte sur la page au rythme où elle perle dans la région mentale ». Tel est le ton, cette voix. Cette mise en variation de la langue, cette modulation et cette tension de tout le langage, cette voix n’est pas bien sûr celle physique de l’oralisation. Elle est voix d’encre. Voix écrite, inscrite dans le langage et qui en fonde l’oralité. C’est à ce que l’on écrit que l’on demande de nous faire une voix, de nous trouver une voix telle que nous puissions lire avec une voix physique possible.

On comprend que la poésie fermée soit affaire de style – style qui va jusqu’à étouffer le ton – cette « infirmité » dont Parle Henri Michaux tant « cette suspecte acquisition » va coller à lui jusqu’à le scléroser. Elle enferme le poète dans une vie d’emprunt où s’est perdue toute possibilité de changement, de mutation. On devient visible certes mais sous forme d’image, de fantôme. Du côté de la voix, le sujet, lui, passe au large…On comprend que Bousquet n’ait pas voulu écrire, mais contre-écrire, creuser des différences. Contre-écrire est affaire d’énergie, de courant au sens électrique entre les mots, les images. Creusant des différences de potentiel entre lesquels quelque chose passe. Comme un ton passe – comme l’air soutien l’oiseau en son plané – favorisant ici ou là tel éclair jaillissant du langage lui-même jusqu’à éclairer ce qui autour restait dans l’ombre.

Et parce que « tout âme est nœud rythmique » selon la belle approche de ce « gros » mot, si lourd d’histoire et de significations, c’est elle qui passe dans les poèmes. Qui nous appelle par notre nom comme le disait Mandelstam. L’âme ou le sujet. Le sujet ? Et certes, je ne parle pas ici de la personne privée, de l’individu psychologique, de l’auteur – celui qui est supposé tout savoir et être le maître de sa création - On serait là dans la poésie fermée, cette « technique, selon Nelli, par laquelle on réussit à exprimer, par des artifices de style (souvent légitimes) une vérité idéale ou de fait, déjà inventée, cernée et humanisée ». Je parle de l’autre qui dit « je ». De cette présence intermittente qui se fait dans le langage et par lui. Et dont ont témoigné des hommes aussi différents que Jean-Jacques Rousseau « les idées viennent quand il leur plaît non quand il me plaît », Mallarmé et son « latent compagnon qui en moi accomplit d’exister » et bien sûr Nerval et son « je suis l’autre et Rimbaud avec son célèbre « je est un autre ». C’est cette altérité qui fait que le lecteur d’une poésie ouverte – ce « tu » – est toujours susceptible de devenir « je » à son tour et peut en être transformé. Là se trouve la dimension éthique dont parle Nelli de toute poésie ouverte.

L’essence de la poésie est dans ce « langage premier », rumeur de fond, rythme sur lequel viennent se poser les mots du poème, tenus , soutenus par les courants ascendants d’un ton qui n’est jamais ce qui est dit mais ce qui s’inscrit comme possibilité dans ce qui a été écrit. Il est ce qui se perçoit en-deçà de l’énoncé.

Le rôle de la poésie est « d’intégrer le temps » dit Nelli. C’est parce que « le rythme est le père du temps » selon les mots de Bousquet que dans le poème le temps se trouve comme remis en route. Ses aubes tournent. Ses eaux chantent parce que la vie passe et que « par irisation, la pensée peut apparaître ».

Ecoutons Nelli dans cet extrait du Psaume du règne végétal  paru en 1948 aux Cahiers du Sud :

« Les arbres font couler là-bas

le vent de la rivière

pour d’autres yeux peut-être

qui rêvent ce qu’ils voient »

Ces mots qui rêvent la vie sont de ceux qui « nous apprennent à voir le monde sans nous  ». Ici, le voir et le vu fusionnent et ce qui est donné à voir est le vu de personne. C’est le monde en nous, sans nous. Ce qui est donné à sentir n’est le vécu de personne, ni souvenirs, ni fantasmes, ni images personnelles, le poème ne nous donne pas l’homme, son vécu d’homme mais le monde en l’absence de l’homme. Le monde en sa présence.

C’est cela que peut faire la poésie : nous faire retrouver cette expérience qui n’est autre qu’expérience de la présence, nous faire atteindre ce point où les choses se révèlent en nous sans nous. Parce qu’on y a « rythmé la langue dans l’émoi » selon les mots de Pierre Michon, la poésie tend à nous dépouiller de notre moi mettant en place un processus de subjectivation qui n’opère que dans le temps du poème. C’est peu et c’est beaucoup à la fois car ce sont les cordes de notre vie qui se trouvent retendues, revitalisées et l’homme par là requalifié.

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