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MICHEL BUTOR

Les sandales d’Hermès II
© Michel Butor

L’âge des moteurs

Publication en ligne : 10 avril

A) LE CHEMIN DE FER

1) La muse de la vapeur

Enfin les hommes réussirent à remplacer les êtres vivants par des machines. Ce fut d’abord la domestication de la vapeur, qui impliqua d’abandonner les anciennes routes pour leur substituer de doubles rubans de métal qui bientôt sillonnèrent toutes les campagnes, réunirent les côtes atlantique et pacifique des États-unis, traversèrent d’un bout à l’autre la Sibérie.

 Les villes rivalisèrent de gares somptueuses avec des restaurants et des hôtels. Mille porteurs avec leurs diables vinrent aider les voyageuses à installer leurs malles dans les fourgons et les filets, avant de les abandonner à la contemplation du paysage défilant latéralement.

On perçait des tunnels à tavers les montagnes ; on lançait des viaducs par-dessus les vallées.

Les classes sociales se marquaient selon le prix du ticket. Bientôt l’on aménagea des salles à manger et des chambres ; les murs se couvrirent de marqueteries ; sous leurs abat-jours incarnat des lampes dispensaient une lumière douce sur les tables vernies pour les liseurs de journaux.

Les sifflets annonçaient l’approche dans les campagnes, les panaches de fumée remplaçaient les clochers sur l’horizon. A l’intérieur des wagons une musique profonde ensorcelait les coeurs. Les enfants l’imitaient dans leurs jeux et les compositeurs d’en inspiraient.

Sans même avoir eu besoin de l’emprunter en réalité, Blaise Cendrars fit résonner avec sa Prose les échos du Transsibérien sur toute la Terre :

“Je reconnais tous les pays les yeux fermés à leur odeur

Et je reconnais tous les trains au bruit qu’ils font

Les trains d’Europe sont à quatre temps tandis que ceux d’Asie 

sont à cinq ou sept temps

D’autres vont en sourdine sont des berceuses

Et il y en a qui dans le bruit monotone des roues me rappellent

la prose lourde de Maeterlinck

J’ai déchiffé tous les textes confus des roues et j’ai rassemblé les 

éléments épars d’une violente beauté

Que je possède

Et qui me force.”

2) Les avant-coureurs de Balbec

Les chemins de fer avec leurs rails et leurs aiguillages vont considérablement renforcer le sentiment de maîtrise orchestrale que de Quincey pressentait dans la malle-poste. L’horaire devient un puisant fournisseur de rêves. Que d’aventures se sont esquissées dans sa consultation ! Ainsi le jeune narrateur d’ À la Recherche du Temps pe rdu développe un merveilleux tourisme mental :

“J’aurais voulu prendre dès le lendemain le beau train généreux d’une heure vingt-deux dont je ne pouvais jamais sans que mon coeur palpitât lire, dans les réclames des Compagnies de chemin de fer, dans les annonces de voyages circulaires, l’heure de départ ; elle me semblait inciser à un point précis de l’après-midi une savoureuse entaille, une marque mystérieuse à partir de laquelle les heures déviées conduisaient bien encore au soir, au matin du lendemain, mais qu’on verrait, au lieu de Paris, dans l’une de ces villes où le train passe et entre lesquelles il nous permettrait de choisir ; car il s’arrêtait à Bayeux, à Coutances, à Vitré, à Questambert, à Pontorson, à Balbec, à Lannion, à Lamballe, à Benodet, à Pont-Aven, à Quimperlé, et s’avançait magnifiquement surchargé de noms qu’il m’offrait et entre lesquels je ne savais lequel j’aurais préféré, par l’impossibilité d’en sacrifier aucun.”

C’est que non seulement on peut imaginer où l’on va, en précisant des itinéraires complexes qui fournissent l’occasion de visiter tel ou tel site qui ne nous aurait pas tellement attiré en lui-même, mais qui, selon l’expression des guides touristiques, “vaut le détour”, mais surtout on sait à quelle heure on peut arriver ou repartir, ce qui permet, selon la saison, de savoir dans quelle lumière nous apparaîtront les monuments ou paysages, et aussi d’organiser d’avance le scénario de la journée. Les noms, dans la sécheresse de leur colonne, s’imprègnent des images fournies par les affiches ou les dépliants, au risque d’ailleurs de malentendus ; leurs syllabes deviennent une sténographie musicale d’où l’interprète peut faire sortir d’inépuisables mélodies.

“...j’avais beau les comparer, comment choisir, plus qu’entre des êtres individuels qui ne sont pas interchangeables, entre Bayeux si haute dans sa noble dentelle rougeâtre et dont le faîte était illuminé par le vieil or de sa dernière syllabe ; Vitré dont l’accent aigu losangeait de bois noir le vitrage ancien, le doux Lamballe qui, dans son blanc, va du jaune coquille d’oeuf au gris perle ; Coutances, cathédrale normande, que sa diphtongue finale, grasse et jaunissante, couronne par une tour de beurre ; Lannion avec le bruit, dans son silence villageois, du coche suivi de la mouche ; Qestambert, Pontorson, risibles et naïfs, plumes blanches et becs jaunes éparpillés sur la route de ces lieux fluviatiles et poétiques ; Benodet, nom à peine amarré que semble vouloir entraîner la rivière au milieu de ses algues ; pont-Aven, envolée blanche et rose de l’aile d’une coiffe légère qui se réflète en tremblant dans une eau verdie de canal ; Quimperlé, lui, mieux attaché, et depuis le moyen âge, entre les ruisseaux dont il gazouille et s’emperle en une grisaille pareille à celle que dessinent, à travers les toiles d’araignée d’une verrière, les rayons de soleil changés en pointes émoussées d’argent bruni ?”

3) Les gares

L’installation du chemin de fer a provoqué la construction de grands bâtiments au coeur des villes, dont ils sont souvent devenu des monuments, des points de repère essentiels. Qui peut oublier la gare babylonienne de Milan ?. Ou l’arrivée à Roma-Termini pratiquement dans les thermes de Dioclétien ? Le débarqué à Venise sur la naissance du grand canal ? A Londres de grands hôtels ajoutentaux façades néo-gothiques des gares des étages qui se perdent dans la brume. A New York, Pennsylvania Station reconstitue la grande salle des thermes de Caracalla. L’étoile ferroviaire ranime celle des voies romaines et la hantise de l’Empire.

A Paris, le système des gares a été le triomphe de l’architecture de fer. Claude Monet avait déjà senti la qualité atmosphérique de la gare Saint-Lazare dont la salle des pas-perdus avec ses mosaïques de verre et miroirs me semblait un prélude obligé. Celle que je pratique le plus désormais, c’est celle de Lyon avec la tour de son horloge, son corridor à itinéraire pictural, et le magnifique restaurant qui donne d’un côté sur les voies, de l’autre sur la place, avec ses plantureuses cariatides vieil or encadrant des toiles datant de l’exposition 1900, remarquablement lumineuses, dont la succession se termine par une évocation de Venise, et le mobilier d’époque à peu près respecté : cuirs profonds, arabesques de laiton rutilant.

C’est dans la galerie des marchands de l’ancienne gare Montparnasse, si mal remplacée par son gratte-ciel, que j’ai vu pour la première fois des films : documentaires, burlesques américains. La liaison entre les locomotives et le cinéma me paraissait aller de soi. Le train était tout naturellement un sujet, un décor pour cet art encore nouveau.

Quand j’arrive par le train dans une ville que je ne connais pas encore, j’ai tendance à m’attarder dans le quartier de la gare. C’est à partir de là que je la vois. Je cherche à vérifier mes premières impressions, à les accentuer, tout en préparant mon départ.

4) Souvenirs ferroviaires

C’est avant la guerre de 39-45. Nous allons passer le mois de juillet au bord de la mer, à Loquirec. Le train nous mène jusqu’à Morlaix. Comme mon père travaille aux chemins de fer de l’Ouest ou de l’État (ce n’était pas encore la SNCF), nous pouvons investir tout un compartiment de première classe. C’est que nous sommes sept enfants les trois plus petits sont installés dans des hamacs ; les deux moyens se couchent dans les filets ; les deux plus grandes sont sur les sièges, la tête sur les genoux des parents. Au petit matin, on relève le rideau pour apercevoir la mer à Lamballe. On se débarbouille à l’eau de Cologne et chacun reçoit un petit morceau de sucre imprégné d’eau de mélisse pour faciliter le réveil.

Je pars pour Salonique où je dois rejoindre mes collègues au lycée français. C’est la seule fois que j’ai pris l’Orient-express. Deux jours et trois nuits. Pendant la première j’ai partagé mon wagon-lit, puis je me suis trouvé seul dans mon compartiment où j’ai vite pris mes habitudes. Après une visite au wagon-restaurant, j’avais l’impression de me retrouver chez moi. Le voyage aurait pu durer une semaine.

Invités en famille à Berlin en 1964, peu après la construction du mur, deux compartiments-lits communiquant ; nous avions déjà trois filles. C’était un superbe wagon d’époque tsariste, avec marqueterie et un immense poële à bois qu’un moujik chargeait toute la nuit. Il venait nous offrir du thé dans des verres à monture argentée représentant l’aigle à deux têtes. L’impression d’obscurtié quasi-totale, comme pendant l’occupation, pour la traversée de la zone soviétique.

Aux États-unis, après une année de séjour au Far-west, nous prenons le train superchief qui venait d’être remis en service. Quatre filles, une tante qui était venue nous aider pour le voyage. Trois compartiments et la jouissance du wagon panoramique pour nous pénétrer une dernière fois de la splendeur des déserts. Changement à Chicago pour un train beaucoup moins reluisant qui n’est parti qu’avec quatre heures de retard et est arrivé dans la banlieue de New York avec douze. Dans le hall d’attente, l’amoncellement de nos malles qui nous suivaient dans les fourgons.

5) Paysages ferroviaires

Ce devait être à l’exposition internationale de 1937, dans le pavillon des chemins de fer. On s’installait dans des wagons, et par les fenêtres latérales on regardait défiler des bandes de toile sur lesquelles étaient peints des éléments de paysage. Ce qui m’avait frappé, c’était la différence des vitesse. Le ciel ne bougeait pas ; l’horizon défilait très lentement, les vallons, les villages intermédiaires avec leurs clochers s’attardaient un peu ; on avait le temps d’en profiter ; par contre les plans les plus proches se précipitaient de telle sorte que souvent l’on ne réussissait pas à les identifier. C’était un voyage continu, dans un itinéraire de fantaisie qu’il m’avait fallu refaire plusieurs fois pour comprendre que cette porte qui passait représentait une vigne grimpant sur une pergola, avec un paysan provençal cueillant une grappe.

Le paysage ferroviaire est indissociable de ces harmoniques de la vitesse. C’est tout à fait différent du site où l’on peut s’installer, s’approcher pour voir tel ou tel détail, tourner autour d’une colonne ou d’une fontaine. Il faut absolument le prendre au vol. Mais quelle maîtrise parfois dans le tempo cinématographique ! Je pense pâr exemple à la vitesse qui augmente doucement au sortir des villes, tandis que défilent faubourgs et zones industrielles, ou au ralentissement quand on pénètre dans une grande gare même si l’on ne doit pas s’y arrêter.

Après les vallonnements du plateau jurassien, le train venu de Fribourg débouche brusquement sur le Léman, avec non seulement une immense dilatation d’horizon, les grandes Alpes dans la brume de l’autre côté de la surface liquide tout en bas dans laquelle souvent elles se réfléchissent, surface souvent parcourue de frémissements vers laquelle les escaliers des vignes descendent leurs triangles cubistes, mais aussi une intensification de la lumière qui ne vient plus seulement d’en haut, mais d’en bas.

Lorsqu’on longe un lac, l’autre rive apparaît comme à la fois lointaine et stable, dévorée de lumière, doucement séductrice, tandis que tous les oiseaux proches disparaissent comme s’ils venaient de s’envoler parmi des roseaux que nous n’individualisons pas, que nous saisissons seulement comme une matière, un grain de rivage.

Souvent les mouvements du paysage sont séparés l’un de l’autre par un tunnel, comme ceux d’une sonate par un silence. Quelquefois c’est une succession ; des averses de lumière s’effacent aussitôt, comme si elles luttaient contre la résistance des ténèbres, et puis, après quelque virage, c’est la découverte d’un autre pays, d’un autre climat, d’une végétation différente, presque d’une autre saison, en tous les cas d’un autre sentiment de la saison.

Quand je revenais de Genève à Nice en février, après une nuit cahotée, ayant quitté la veille les brumes du Léman, le soleil m’envoyait un rayon pour me dire de lever le store, et je buvais dans une surprise renouvelée chaque fois, la splendeur des mimosas dans les vallées de l’Estérel.

Parfois des aventures étranges : un matin le soleil m’éveille et je ressens une forte odeur de bière avec un bruit de verres entrechoqués. Sans doute étais-je très fatigué cette nuit-là ; non seulement l’entrée d‘un autre voyageur dans le compartiment ne m’avait pas éveillé, mais j’étais resté insensible à toutes ses commandes, son ingurgitation, et son départ. Le sol était couvert d’une quinzaine de petites bouteilles qui roulaient à qui mieux mieux parmi les flaques baveuses, ce qui produisait toutes sortes de reflets mouvants.

6) Les wagons-restaurants

J’aimais la virtuosité des garçons qui se faufilaient entre les tables avec leur plateau sur l’épaule, apportant Listrac ou Badoit.

Pendant des années j’ai pu emprunter entre Genève et Avignon où je changeais pour Nice, la ligne du Talgo pour Barcelone qui comportait encore un wagon-restaurant alors qu’il n’y en avait déjà plus en France. On pouvait y boire du Xéres et manger du fromage de la Manche. Cela faisait comme un petit détour par l’Espagne, avec la sonorité des langues. Et les fenêtres étaient vastes, encadrant bien la fuite du paysage.

Aux heures propices certains wagons-restaurants suisses sont aménagés de telle sorte qu’il y a des places en face des fenêtres. Le regard se fixe alors sur l’horizon plus stable que l’on peut détailler longuement, alors que les éléments rapprochés sont confisqués par la vitesse, forment simplement des ombres rapides comme des battements d’ailes. Parfois on longe encore des lignes télégraphiques ou de haute-tension. C’est de là qu’on les voit le mieux se transformer en une sorte de partition souple, montant, descendant, se croisant, s’éloignant, se rapprochant, trop rapidement pour que les oiseaux qui s’y perchent puissent être perçus autrement que comme des graines lâchées au vent par un semeur d’autrefois.

Dans les trains japonais pas de wagons-restaurants, mais de petites épiceries où l’on peut acheter non seulement de quoi boire, mais ces boîtes ingénieusement aménagées nommées “bentô” que nous pouvons d’ailleurs voir dans nos trains lorsque des troupes de Japonais moyennement aventureux doivent se nourrir, avec leurs petits bols et leurs baguettes, traductions modernes et un peu vulgaires de ces merveilleuses boîtes pour pique-niquer sous les cerisiers en fleurs de l’époque des Tokugawa.

B) L’EXPLOSION DOMPTÉE

1) Chevaux mécaniques

La machine se délivre des rails. Les démarrages sont d’abord difficiles. Il faut tourner la manivelle ce qui demande parfois des qualités d’athlète. On veut rivaliser d’élégance avec les voitures à chevaux dont toutes les techniques sont utilisées : menuiseries, selleries, quincailleries. Les métaux rutilent, les cuirs luisent, les incrustations brillent. Comme la vitesse augmente, on a besoin de costumes spéciaux contre le vent et la poussière : pelisses et voilages

Les bicyclettes se motorisent aussi. Les anciennes bottes des cavaliers retrouvent leur utilité ; on imagine des casques de cuir contre les chutes.

D’innombrables modèles rivalisent de séduction, certains sont splendides, d’autres mystérieux comme les limousines des gangsters avec leurs vitres noires, leurs divans et leurs bars. Les transports en commun traduisent pour l’essence les anciens wagons des trains : autobus, autocars.

Il faut alors changer la matière et le tracé des artères. Les autoroutes fendent le paysage en multipliant tunnels et viaducs qui rivalisent avantageusement avec ceux du chemin de fer. Les campagnes sont saupoudrées de stations d’essence. Comme on avait besoin d’écuries dans les auberges, il faut des garages aux hôtels, des parkings pour tous les commerces.

Les trains eux-mêmes changent de combustible et s’ils ne sont que plus polluants, perdent leur aigrette de fumée. Les roulottes se transforment en caravanes, camping-cars, mobil-homes qui rivalisent de mieux en mieux avec les habitations sédentaires.

L’électricité offre ses services, multipliant dans les villes tramways et trolleys. Bientôt ce sont les trains eux-mêmes qui l’utilisent, changeant complètement leur musique.

2) Un rêve d’artiste

La construction en série, même pour les modèles les plus coûteux, laisse peu de place à l’expression individuelle et à l’apparition d’admirables monstres comme les roulottes que nous avons évoquées, mais il y a de remarquables exceptions comme la voiture-villa de Raymond Roussel, ainsi décrite dans la Revue du Touring-Club de France dans son numéro d’août 1926 :

“L’auteur d’Impressions d’Afrique dont tant d’esprits distingués vantent le génie, a fait établir sur ses plans une automobile de 9 mètres de long sur 2,30 de large.

Cette voiture est une véritable petite maison. Elle comporte en effet, par suite de dispositions ingénieuses : un salon, une chambre à coucher, un studio, une salle de bains, et même un petit dortoir pour le personnel qui est composé de trois hommes (deux chauffeurs et un valet de chambre).

La carrosserie oeuvrée par Lacoste est d’une grande élégance et son aménagement intérieur est aussi original qu’ingénieux. En voici deux exemples : la chambre à coucher se transforme le jour en studio ou en salon ; quant à la partie avant (derrière le siège du conducteur), elle devient le soir une petite chambre où les trois hommes cités plus haut peuvent tenir à l’aise et faire leur toilette (il y a un lavabo dans le coffrage que l’on aperçoit à gauche du conducteur et du volant de direction).

...

Il y a le chauffage électrique et une cheminée à gaz d’essence. Le chauffe-bain fonctionne également à gaz d’essence.

Le mobilier a été prévu pour répondre à tous les besoins. Il comprend jusqu’à un coffre-fort Fichet.

Une excellent installation de TSF permet de capter les émissions de tous les postes européens.

Cette description, quoique brève, permet de voir que cette vériable villa roulante -qui peut se compléter d’une cuisine-remorque- permet à son propriétaire de retrouver dans un cadre à peine rétréci toutes les douceurs du home familier.

...

A peine construite, la roulotte est partie l’an dernier aux beaux jours effectuer une randonnée de 3000 kilomètres à travers la Suisse et l’Alsace. Chaque soir M. Roussel changeait d’horizon.”

Les photographies illustrant cet article sont reproduites dans l’ouvrage de François Caradec. Roussel n’utilisera cette voiture que deux ans. On ne sait ce qu’elle est devenue.

3) Paysages routiers

On peut s’arrêter lorsque, par exemple, un panneau nous avertit d’un “point de vue”. On suspend alors la vitesse, on range le véhicule, on sort, on se promène un peu, on se penche sur le parapet pour boire une gorgée de gouffre, d’enfilade ou de panorama.

Lorsqu’on reprend la route, c’est son paysage spécifique qui nous saisit. On le voit de face ; ce qu’on regarde d’abord, c’est la route même, le paysage apparaissant comme deux ailes de celle-ci, battant plus ou moins vite. Le sentiment de pénétration est d’autant plus fort que l’on va plus droit. Ainsi aux Etats-unis, lorsqu’on a quitté la côte Est et les Appalaches, on s’enfonce avec les autoroutes si justement nommées “tourne-broches”, avec une vitesse régulière dont on peut confier la surveillance à la machine (mais attention à la somnolence ou même à l’ivresse, alcool ou pas), et l’on voit sur les panneaux les distances kilométriques diminuer vers telle grande ville repère ; on franchit les unes après les autres, les frontières entre les états.

A l’opposé, dans la route de montagne, les lacets transforment rythmiquement le point de vue. On ralentit pour le virage, on accélère. on voyait tel sommet, on le quitte pour tel autre, que l’on quittera dans quelques instants pour retrouver le premier, plus loin, plus proche, sous une autre face, se découpant autrement, laissant apparaître tel autre sommet qu’il cachait la fois précédente. La route de crête nous balance d’un versant à l’autre.

Le long de la mer les corniches font dialoguer les horizontales parfois interrompues par des îles, avec les fantaisies des rochers et des cimes.

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