Anywheretown, le 21 juin 2022, jour officiel de l’été…
[voir le texte de Cummings sur le site "poets.org" ►
[voir, sur le site "senscritique", une version française du poème ►
Monsieur anyone, mon transparent, cher anonyme nommé, souffrez d’abord que je me présente : noone, sans majuscule, (ô combien à votre image), pour vous servir.
Si un long temps effacée, puis rendue à la terre, des circonstances étranges, disons les littéraires, me ramènent vers vous qui sans aucun doute ne savez plus d’où je sors… pourtant je n’ai rien d’un Jack in the box !
Bien des fois j’ai essayé de me souvenir. Mais, depuis ma tendre enfance entraînée à oublier de me rappeler, l’entreprise de mémoire ne fut pas aisée.
Pendant très longtemps j’ai cherché à extirper de ma matière grise quelques couleurs, quelques odeurs, ce qui aurait pu me mettre dans un climat propices aux réminiscences détaillées.
Petites et grandes aidées de ponctuation, orthographe, syntaxe, un usage radical pour entrer en contact et mobiliser les traces fossilisées du more by more.
Ni madeleine ni écho de symphonie ni photographies délavées n’ont réussi à faire jaillir un je me souviens. Peut-être le fond d’une mélancolie fertile sur lequel mon pied, par inadvertance a rebondi, est l’origine, le bain primordial, le substrat universel où j’ai su voir miroiter un lointain passé.
Le déplacement subtil d’un neurotransmetteur, d’un médiateur, a fait bouger la ligne déjà floue, cette frontière poreuse, entre le domaine du psychologique et celui du physiologique. Réalités duelles, réalités jumelles, multiples sont leurs pôles entre lesquels s’étirent désormais : passé et présent. De plus jamais à déjà plus, en passant par : pas encore, et enfin : pour bientôt…
La vérité est que je me fais des nœuds entre mémoire implicite et mémoire explicite. (Et vous semblez trôner au milieu …) Certes ma souplesse synaptique peut sembler impressionnante mais elle se révèle encore inefficace. Cependant un indice du changement en cours : mes dons d’observation détonnent avec l’usage que j’en faisais habituellement. La preuve en est : je commence à préférer l’impair.
Est-ce parce j’ai entendu les cloches sonner tout à l’heure que soudain un passage s’est comme ouvert ? Une forme de déchirement. Les many bells down s’imposaient devant mes yeux fermés d’effroi. La phobie des éclairs, vous comprenez.
De fait un Euréka.
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Alors la sensation de basculer dans une autre temporalité. De quitter le side by side dans lequel vous et moi nous trouvions jadis coincés. À cause du conformisme de nos prochains. C’est l’intensité même, vécue au présent et sans vous, qui rompt la continuité. Plus qu’une dérive heureuse : une forme de renaissance.
Et maintenant je vous « remets » plus clairement. D’un oui grâce au si, voilà que vous réapparaissez. De vous à moi, ces mots pour vous et pour moi, qui ne sont pas pour tout le monde.
Tout le monde n’est pas n’importe qui et pourtant par un tour de force, en dormant vos rêves, tout le monde s’identifie à votre courage de rester ce que vous êtes réellement : n’importe qui. Je serais tentée de louer votre modestie, votre acte de renoncement si je n’avais pas eu à subir les conséquences de cette amputation … jusqu’à quel point cela m’arrangeait à l’époque est une autre question à laquelle, pour définitivement tourner la page, je vais devoir répondre, bien évidemment.
Pour l’heure ma préoccupation serait, en plus de la partager avec vous au fil de cette lettre, de tirer une leçon à cette histoire monotone et pleine de routines que nous avons un jour mise en commun. Je cherche à en tirer une substantifique moelle. À en faire mon miel. Afin de savoir me dire que les choses, pour inintéressantes qu’elles soient, je décide de m’y intéresser. En conscience. Dans le flux de ce que j’ose appeler pensée, pétrie de mes sentiments (je vous ai aimé), de mon imagination (ordinaire) et qui a façonné ma non-identité d’antan. En somme restée comme une inconnue. Sans prise de risque ni transgression. Mais excès de signification dans les petits détails, que la répression collective ne comprend pas, n’admet pas. Après la fadeur naguère endurée sans broncher, malgré moi mais sans révolte, après la même course aux mêmes objectifs (standardisés, téléguidés) que mes contemporains, me voici une envie de totalité des mondes, reconnue comme un épanouissement de vivacité. Une capacité de solubilité dans l’air qui signe ma véritable appartenance, quand auparavant je restais plaquée au sol, soumise à la grégarité comme à la gravité, mais séparée. Oui, seule, même si je nous reconnais une histoire harmonieuse vécue sur une même longueur d’onde. En effet je l’avoue, nous étions synchrones et formions un couple, à n’en point douter, d’où ce reste de tendresse que je vous ai gardée : sans calcul, sans effort, elle accompagne le chemin que j’ouvre en vous écrivant, sans rien revendiquer. Il n’y a chez moi d’autre intention que de vous manifester, de vous faire le témoin de mon évolution et de mes réflexions, puisque, cher anyone, vous fûtes un jour mon all, mon anything, mon everything.
De dong en ding, je fus coupable de courte-vue, de myopie, d’amblyopie, un legs sociétal que mon réveil permettra de guérir… rien n’avait encore existé dans ce trop connu remâché jusqu’à l’absurde façon les temps modernes de Chaplin.
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anyone c’est vous. Moi c’est noone. Et je ne peux réussir à savoir si nous avons eu des enfants. Ai-je jamais accouché par les voies naturelles ? Au nom des liens qui nous ont unis, je vous prie d’avoir la bonté de me répondre sur ce point… (À moins qu’ait été prévue une série de césariennes sur mon corps, voulu langage de communication … Et de quels noms avons-nous affublé notre progéniture ? Les somebodies ? Les quelqu’une et quelqu’un suivis de leur numéro d’apparition ?)
Si je puis abuser encore de questions, dites-moi si, d’avoir mis tous nos pas dans les pas des autres habitants que nous côtoyions, dans les pas identiques des générations précédentes, avions-nous fini par creuser une tranchée ? À quelle profondeur nos pieds s’enfonçaient-ils ? Cela avait-il une incidence sur ce que nous voyions du monde ? Ce que nous en déduisions ? Le poète Abenaki Joseph Bruchac ne dit-il pas que la marche est ce qui nous permet de penser, que la pensée est ce mouvement d’un pied devant l’autre… Comment marchions-nous notre pensée ? Comment pensions-nous notre marche ? Je crains qu’aucune de ces questions ne se soient un jour formulées dans nos esprits routiniers.
N’importe qui…Et quoi sinon le négatif d’un certain Edward Estlin Cummings devenu e.e cummings. Un poète doublé d’un peintre, né à Cambridge dans l’état du Massachusetts un quatorze octobre 1894. Tout le contraire du péquin moyen : il est celui qui revisite mots et paroles pour en faire des mondes appartenant à la terre afin de réinscrire l’homme dans sa communion avec elle. Alors il sème des graines d’explosion dans le langage, graines épelées, celles qui sur le bout de sa langue brisent un sort pour en jeter un autre dans nos oreilles. Et ce n’est pas jouer, mais offrir un sauvetage, une épiphanie aux répercussions imprévisibles.
e.e.cummings, notre créateur : une langue à lui tout seul. Loin du préfabriqué. Faisant signe à l’irréductible, au rebelle, mais rien de codifié jamais. Une façon d’en appeler à l’enfant, au fou, à l’amoureux, à l’authentiquement vivant. Il nous a fait anyone et noone, personne et n’importe qui, libérés des outils et des formes à la rencontre du présent toujours mobile, toujours changeant. Cela ne vise pas un progrès. La notion de mieux ne s’accommode pas du flux permanent. Et la poésie est : aversion du conformisme, a un jour déclaré Charles Berstein, qui je le précise, est un ami de e.e.cummings, notre créateur …
Je profite de cette évocation pour lui manifester une forme de reconnaissance … Mesurera-t-on jamais la profondeur de la dette que nous lui devons, lui qui nous a sorti du lot, nous a donné un nom, certes équivoque et pourtant … nous aurions pu rester personne comme n’importe qui, des sortes de fantômes, à peine discernables, à peine individualisables, revenants identiques et semblables, clônes de clônes de clônes …
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Conformisme ai-je écrit plus haut. Sans jugement de valeur, une simple conclusion tirée de faits et gestes. Une étiquette derrière laquelle est collé un ensemble d’observations que j’oserai qualifier d’objectives, autant que puisse l’être les observations d’un quasi non-sujet. Pour ma part, et vous en conviendrez peut-être avec moi, (mais je ne peux l’espérer à ce stade d’une reprise de contact), il n’y pas de bonne ou de mauvaise route à suivre. Les dos d’âne, les défauts et les bizarreries sont : et les signes et les témoins de la vie. Ses significations, ses sens jamais saisis dans leur totalité, mais avec l’esprit d’inclusion. Pas d’ectocide. Pas d’hétérocide. Viser le tour des alter. En effectuer plusieurs afin de bien mesurer la diversité et la comprendre nécessaire.
Vous et moi, n’importe qui et personne. Désormais placés en périphérie. On y voit mieux, tellement mieux. Le centre est une projection depuis une circonférence. Pour e.e.cummings, et peut-être je vous l’apprends ici, le centre c’est l’amour. Vous ai-je jamais servi de centre, d’axe, de pilier cher anyone ? Du moins le temps de notre romance, de notre cohabitation ?…
L’amour est ce contexte, cette occurrence grâce à laquelle on se perçoit centré. Depuis la marge. Valeur topologique qui rejoint l’aspiration du rêve, un souffle venu du cœur.
N’importe qui. L’ordinaire. Une banalité en somme. Comme un mal. Inscrit, couvé dans le logos. Quand éclosion, la réification triomphe. Quand inévitablement arrivée au stade cancer : l’indifférence. Un cycle boule de neige que la hausse des températures ne fait pas fondre, qui néanmoins déclenche des avalanches. De non-sens.
Mais earth in April. Nos corps ensevelis côte à côte ont nourri la terre de la même façon et quelque chose reste de notre connexion conjugale qui, je l’espère, retourne aux végétaux, puis participe à la chaîne alimentaire en tant qu’amour, comme une épice traditionnelle, discrète mais tenace.
Sun, moon, stars, rain… chacun leur tour part de la vie des humains mais pour qui les humains ne comptent pas, leur existence leur sont sans conséquence. Spring, Summer, Autumn, Winter … aucun égard, aucun regard de la « nature » sur les humains qui se succèdent et qu’ils « dominent » puisque ceux-ci dépendent de ses cycles. Vous, moi, avons-nous un jour prié la lune, le soleil, la pluie, les étoiles ?
Nous sommes-nous, (et comment), réjoui des saisons ? Leurs avons-nous demandé quelques clémences ? Et nous sommes-nous vus vieillir ? Vous imaginer avec des cheveux blancs, avec des rides, voilà qui bouscule un peu ma représentation de vous en tant qu’anyone. Et quelle noone faisais-je depuis mes premiers babils jusqu’à mon dernier souffle ? Quel style pouvoir adopter, ou plutôt : quelle extrémité de non-style nous sommes-nous permis sans jamais aborder la question, simplement par le fait de faire, refaire et continuer de jour en jour les gestes attendus. Avions-nous l’illusion de vivre un conte de fée ? Vivions-nous ce régime de servitude consciencieusement ainsi qu’on dit d’employés qu’ils sont consciencieux ? Ou bien avec acharnement rageur ? Avions-nous la fierté de nous croire du côté des vainqueurs ? N’avions-nous jamais songé, jamais entrevu de chemins de traverse ?
N’avions-nous jamais fait l’école buissonnière ? Notre complicité se satisfaisait-elle de faux semblants ? Ou bien atteignions-nous une authentique intimité ? Pardon de vous asséner mes obsessions. Ces interrogations me taraudent, or à qui les exprimer sinon à vous, mon anonyme nommé, mon transparent …
D’un chaos à un autre, dans ce court laps de temps appelé vie, quel sens y trouvions-nous ? Pensions-nous l’avoir découvert ainsi qu’un scientifique découvre une loi de physique ? Étions-nous imperméables au miracle du monde ? De quels enchantements avons-nous été seulement capables ? Hélas, je devine ici une écharde restée sous ma peau : nous avons raté beaucoup, sinon toutes les occasions de nous émerveiller… Vous étiez mon tout, mon astre, et au-delà l’univers existait si peu …
Et d’ailleurs, le monde existe-t-il ? (Je veux dire en soi). Car il n’est pas en vous, pas en moi, pas en n’importe qui ou personne, pas en quiconque, non. Alors il nous faut remercier e.e.cummings de l’avoir fait exister pour nous, par le biais de son propre rapport au monde, sachant bien néanmoins que ce monde n’en a cure, it cares not at all. L’humanité n’est qu’à peine détectée par ses radars. Est-ce de trop regarder l’horizon ?
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1x1, c’est la formule magique de l’amour selon notre père et créateur e.e.cummings. J’en appelle à l’algèbre, j’en appelle aux équations, je veux poser ceci : no… onexone …any = [( nous)] au bon vieux temps de notre union, cadenassée, enfermée… à présent désunie je m’en excuse, je le regretterais presque si un curieux tiers médiateur, par-dessus mon épaule, n’était venu corriger qui suggère 1+1=3. Ce constat me convainc d’aller voir ailleurs et plutôt que multiplier du même à l’infini façon clonage, façon polymérisation obscène, je vais m’employer à additionner du semblable pour obtenir du différent afin de fédérer tous les talents égaux en droit (devant la loi de l’appartenance à un plus grand que nous).
Cher anyone, vraiment n’importe qui ? Et nain porte qui ? Malicieusement je vous adresse la question. Moi : tout le monde de taille moyenne avec tous les malheurs du monde en tête, j’égrène l’alphabet jusqu’à lambda au-delà duquel je chute, prise de vertige. Mais vous supportez vaillamment les ups and downs, en toute saison et par tous les temps. Vous sautez vous chantez vous dansez. À tue-tête ou en chuchotant, sachant que nul ne vous écoute, à part moi : noone. Mais personne ne fait attention. Et vous vous en fichez royalement. Vous allez par les rues de Pretty How Town tel un aveugle aux yeux bien ouverts. Combien jolie, plutôt jolie, vraiment charmante, une ville en Amérique, comprenez forme et contenu, une organisation d’accords et de désaccords pour que cela fonctionne … Ô combien pretty ! Imaginer Bar Harbor (Maine), Telluride (Colorado), Jackson Hole (Wyoming), Lake Tahoe(Nevada), Sedona (Arizona), Williamsburg (Virginie) … mais il me faut renoncer à ces exemples : trop caractéristiques, villes trop reconnaissables …
On récolte ce que l’on a semé dit le dicton. D’allers-retours incessants. D’allers-retours infinis. À la verticale et à l’horizontale. Un quadrillage entre esprit et matière. Un zig-zag dans le grand tout cosmique. Soleil, lune, étoiles…. Pour finir pluie indéfinie. N’importe laquelle fera l’affaire et surtout sans définition. Le nom suffit … afin d’enfermer un concept général qui se respire en court-circuit. Le temps de l’étincelle et de la disjonction. Rires. Pleurs. Un tout d’émotions standard. Un bouquet final de stéréotypes.
Faits ou pas faits. Chantés et dansés. Sanglotés. En fait remués par l’immobile bien que menés d’allers en retours, de la peinture à l’écriture, vous anyone et moi noone, ne représentons que nous même éjectés du laboratoire cummingsien destiné à mettre les choses à leur place : éphémère pour mieux déjouer les pièges des officiels bien-pensant. Il m’arrive, de plus en plus souvent, de penser que la vie est un scandale. Et il m’arrive de plus en plus souvent de ressentir que la vie est un privilège merveilleux. Les deux également intenses ne se contredisent qu’en apparence, seul l’endroit où l’on se place pour y réfléchir permet ce mélange détonnant de sensations, de sentiments et d’émotions. Parfois la honte m’étreint, parfois la joie me broie…J’aimerais tant savoir : où en êtes-vous, cher ex-compagnon, de ses considérations essayant de tenir ensemble l’individuel privé avec une vision sans complaisance sur la communauté humaine ?
noone.anyone. Moi. Vous. Sur le bord d’un ver(re)(t)s, accrochés, surnageant au breuvage cynico-amer que nous sert notre expérimentateur de père. Un amateur de la satire qui ne glisse pas, ne se laisse pas entraîner sur le toboggan du satyrique. Un pacifique féru d’éthique, selon toutes probabilités, malgré l’acerbe. Il savait la différence entre le monde mesurable, donc monnayable du faire, et celui de l’être, la qualité non-quantifiable de son expérience dont l’art procède … fabriquer ne se confond pas à tous les coups avec créer…
Monsieur anyone, cher transparent, mon anonyme nommé, au risque de vous surprendre, permettez-moi ces incongruités tout droit essorées de mes tâches ménagères, désormais abandonnées … LESSIVILITÉS. Lessiv- illisées. Je vous livre ces gros mots en guise de méditation. Jusqu’où la colonisation ? Jusqu’où l’assignation unilatérale des rôles ? En quoi et pourquoi son éventuelle nécessité ? Qui décrète ? Qui obtempère ? Y avez-vous jamais réfléchi ? Avez-vous jamais eu conscience d’en avoir profité ? Ou bien en avez-vous souffert, sans pouvoir l’exprimer ?
Dans mes parenthèses en forme de brins d’ADN, dans mes doubles hélices encellulées je secrète enfin le nectar de ma lucidité arrivée à maturité. Celle qui me pousse à vous écrire … Celle qu’e.e.cummings appelait de ses vœux en nous créant. Nous accordant un genre, il nous accordait aussi la possibilité soit du consentement, soit du refus. Englués dans une culture de la robotisation montée sur roulements à bille, nous suivions les rails tracés par un système dont les rouages bien huilés du premier plan masquaient les sacrifices sanglants qu’un tel système exigeait des humains. La notion de servitude, de soumission, échappait à notre entendement. Si suggestion devient sujétion, je comprends que tout programme d’éducation est à bannir. Cerveaux en friche, imaginaires colonisés, rêves en kits (à monter soi-même selon des instructions bien établies), vous et moi allions et tous les autres avec. Pas à l’unisson, pas en chœur, pas de concert mais dans le même mouvement imposé que nous n’interrogions pas. Le simple principe de l’enchaînement des causes en leurs conséquences ne nous avait pas effleuré l’esprit. Mais d’esprit que nous restait-il ? Sans doute un germe pour ce qui me concerne, un presque rien, (une empreinte de l’esprit de e.e.cummings lui-même qui sait), et qui dans le processus de dissolution de mes chairs virtuelles, au-delà, en deçà des pages où nous nous trouvions exposés, a fini par trouver un terreau pour se développer, en sourdine d’abord, puis de rhizomes en rhizomes, a pénétré l’esprit des lecteurs, des auditeurs friands de poésie … jusqu’à cet éveil … qui fait de moi, noone, the no-one : celle du non.
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Il y a eu l’exil sur terre, l’asile dans la terre et maintenant je vis dans une troisième dimension (est-ce un pays ?) qui est la langue. Un pays où retrouver celui qui nous a créés, l’auteur du i, six non-lectures, six inconférences, six non-leçons où la question du i & you & is constitue un chapitre en entier. Il s’agit d’un dialogue entre un auteur et son public, où l’on conclue que ressentir quelque chose c’est être en vie. Que ressentons-nous ? Moi et vous et l’être … qu’avons-nous réellement été ? Que sommes-nous encore ? En dehors du cerveau de l’auteur, en dehors de notre présence sur les pages, en dehors des imaginaires des lecteurs, en dehors des critiques et des explications de texte … avons-nous, à force de représentation, gagné une existence ? En d’autres termes, sommes-nous enfin émancipés ? En passe de nous affranchir ?
Il y a eu l’avant. Il y a l’en avant. L’espace libre de la liberté. Un avoir lieu et tant pis pour la ville, je la quitte, je suis celle du non. The no-one. Et prenez garde à ne jamais m’appeler An(n)y, ni même Annie … à ce stade de ma longue lettre plus besoin d’un dessin, vous aurez compris pourquoi. Et vous me répondrez, vous rebondirez … oui cher ami, mon enfant, mon frère, écrivez-moi puisque je vous ressuscite, écrivez-moi que je fasse la paix avec ce passé encombrant… Écrivez-moi plutôt qu’être cette ombre collée sur moi n’ayant eu de cesse que de m’éclipser … changez de rôle, changez de propos, changez ! Je vous en conjure, devenez nya ou yna ou nayone juste pour commencer… du simple, sans hasard, pour rencontrer un jour la complexité, puis, ensuite avoir le choix de dire à votre tour : no thanks.
Et surtout, surtout, songez à la douceur…
Looking forward to hearing from you …