RAPHAËL MONTICELLI
Quelques photos d’œuvres d’I. Carré ►
Un travail d’artiste arrive jusqu’à vous. Il vous fait signe, plus ou moins, vous secoue, éveille en vous la foule des souvenirs, rameute des flopées d’images. Il vous saisit. Il semble porter avec lui des vies entières, des fragments de la vôtre, vos rencontres, vos expériences. Des amitiés anciennes se réveillent. Des murmures de conversation montent des objets que vous voyez.
++++
Je suis un éphémère et point trop mécontent citoyen d’une métropole crue moderne, parce que tout goût connu a été éludé dans les ameublements et l’extérieur des maisons aussi bien que dans le plan de la ville.
Arthur Rimbaud
Les Illuminations
(Ville)
Tu as recueilli les fragments du monde
pierres et terres
arbres herbes
eaux fuyantes odeurs
parfums de boue fragrances musquées
traces animales dans un souffle saisies
buissons enchevêtrés
bruyant doucement de paroles intimes
Tu les as emmagasinés dans le grand hôtel de mémoire
pourraient-ils disparaître ?
Ce fut une terre d’enfance aux courses désordonnées
les pierres chantaient alors
faisaient frissonner les arbres
et résonnait la mélodie têtue des bêtes invisibles
Ainsi ont pris forme tes mains
mesure ton corps
musique tes pas
danse tes mouvements
espace ta vie
Te voici devenue piétonne des grand’routes
ou du mitan des villes
À mains ouvertes tu prends l’empan des choses
humbles matières
briques et ferrailles
on sait trop bien les ordonner en rengaines banales
mousses et cartons
si proches de la terre et dans la terre si tôt disparus
tu les as nichées dans tes mains
Recueillement
leur donnant
un peu
la forme de tes mains
de ton corps
de l’envol de tes gestes
et l’espoir de la danse
tu les as caressées d’un doigt attentif
Méditation
peau contre peau
visage contre visage
souffle contre souffle
tu les as respirées du regard
et aspirées
ces inspirantes
et disposées en partitions savantes
suivant l’ordre commun
de la terre et du ciel
Ainsi faisions-nous des châteaux de sable
des cairns éphémères devant les vagues ou au bord des chemins
ainsi nous amusions-nous à construire des villes
que nous pouvions embrasser
Tu as voulu cette danse des choses
cadences du béton
déhanchement des mousses
impérial dénuement d’un emballage
la danse des femmes et des hommes
sertie dans les choses
à l’image de nos corps
lourds d’impossibles envols
et figurant un bref instant l’essor
dans la grâce d’un bond