"Et bien, voilà..." dit Josué - et tu ne sais si c’est en lui même qu’il parle, à toi qu’il s’adresse, ou si sa parole n’est finalement qu’un emprunt très partiel qu’il fait au hasard dans l’immensité des discours qui enserre, en cocon bruissant, plein de pensées diffuses, grondant vacarme dont sa bouche devient occasionnel porte parole, tout l’espace qui clôt les voix humaines - "Eh bien, voilà... Quand je crée..." Dieu l’interrompt : "Quand tu crées, vil cloporte ? Et depuis quand oses-tu te proclamer créateur ? N’es-tu pas saisi de terreur à la seule pensée de ce que porte ce mot ? Quand tu crées ? Pour qui te prends-tu, pauvre petit assemblage incertain et fugace de matières vulgaires ? Pour qui te prends-tu, simulacre incertain ? Il suffirait que je t’efface de ma vision pour que tu ne sois plus. Ne sais-tu pas qu’il n’est d’autre créateur que le créateur lui même, et c’est moi..." - "Comme il y va, se dit Josué... Il était plus amène dans le temps" - "Vil cloporte... Eh bien, voilà que tu parles comme l’un de ces dieux vulgaires qui s’abaissaient au conflit avec avec les hommes, maniant la menace et l’insulte... Tu étais plus sympathique et drôle quand tu gardais tes distances... Et même quand tu voulais faire sentir qui était le maître, tu le faisais en passant par des truchements plus palpables, plus tangibles, catastrophes, épidémies, déluges ou sécheresses..." - "tu ne réponds pas ? Voilà qu’à nouveau tu te réfugies dans le silence. Dieu boudeur. Dieu capricieux. Si la fumée des sacrifices, le parfum des plantes et nos balbutiements ne s’adressent plus à toi, voilà que tu t’effaces ou te réduis à n’être plus que la forme incertaine et improbable de notre insuffisance. Lorsque je crée, poursuivait Josué, je laisse simplement passer en moi l’agir et le faire du monde, lui donne forme et fais corps avec lui." "Pourquoi Dieu a-t-il fait les vers de navet ? J’me le demande". Paix à son âme ! Paix ! Il était avare, soit, et mesquin, couard, hargneux, vindicatif ! Mais laissons cela ! Paix ! Paix à son âme ! Il était dur aux humble et flattait les puissants. Paix ! Ne torturons pas sa mémoire. Aux portes de nos paradis, villes assainies de jeux nomades dans les grottes d’espaces ouverts par la nuit de langues inconnues volant à travers des temps sans partage. Alors, on serait ça ? Et des milliers de générations durant on aura cru qu’il suffisait de voir ça pour identifier quelqu’un et le distinguer de tout autre. Comment le croire ? À moins de considérer ça comme poreux, aéré, ouvert, et participant à la circulation et à l’échanges d’autres matières solides ou fluides.