MICHEL BUTOR
pour Michèle Auer
et Gérard Lüthi
1) Contrastes
Comme la photographie a d’abord effacé les différences de couleurs, ne retenant que les valeurs, lorsque les premiers clichés en couleurs ont paru, ils ont donné le sentiment qu’ils ajoutaient quelque chose à une trame fondamentale déjà bien établie, une dimension qui jouait avant tout sur les contrastes. Impossible sur l’épreuve en noir et blanc de décider si telle robe était rouge ou verte ; c’est cela que l’on va maintenant préciser.
On a donc eu tendance à augmenter ces contrastes, et ceci d’autant plus qu’il a d’abord été difficile d’obtenir des intensités suffisantes. Donc on a cherché, puis trouvé des techniques d’intensification, rendant le vert plus vert, le rouge plus rouge, ce qui s’est admirablement accordé à la photographie publicitaire : les objets aux couleurs intenses, légume ou fruits par exemple, donnant l’impression d’être plus mûrs et plus frais.
Pourtant dès la photographie la plus ancienne, on a disposé d’une dimension colorée par l’intermédiaire des virages. La palette n’était pas très riche mais elle permettait de souligner des atmosphères. Au lieu de tirer l’épreuve en noir en noir et blanc, on pouvait choisir les degrés du sépia, ce qui donne aujourd’hui une atmosphère d’ancienneté très prisée, du bleu, ce qui fait nocturne, du pourpre, pour des scènes violentes.
C’est ce que l’on peut appeler du monochrome absolu. Aujourd’hui nous pouvons imprimer n’importe quel cliché dans n’importe quelle couleur uniforme.