RAPHAËL MONTICELLI
Le journal intermittent est né en 2001. Pour des raisons professionnelles, j’avais quitté la présidence de l’association des amis de l’Amourier, laissant la place à Alain Freixe. Les amis m’ont alors demandé de garder une présence dans l’association, par exemple en intervenant dans le Basilic, la gazette de l’association. J’ai alors proposé l’idée d’un « journal » que je tiendrais à leur demande quand la place le permettrait dans le Basilic.
C’est ainsi qu’aujourd’hui encore, de façon intermittente, à leur demande, je poursuis ces petites interventions.
Je reprends toutes ici, dans l’ordre chronologique... Et comme leur forme et leurs sujets correspondent à l’esthétique des Bribes, je les place dans cette rubrique...
(On peut consulter tous les numéros du Basilic à l’adresse https://www.amourier.fr/gazette-basilic/)
Là-bas, dans le pays des Retours, on fête les 90 ans du grand Césaire ; on pense trop peu, ici au poète dont Breton disait qu’il avait donné, avec le Cahier d’un retour au pays natal “rien moins que le plus grand monument lyrique de ce temps”
La grandeur de Césaire, n’est pas de s’être approprié une langue, mais de l’avoir habitée et de s’en être rendu citoyen.
il faut avoir vu un manuel de langue française américain pour comprendre ce qu’est la francophonie et la présence de la langue française dans le monde, et l’intérêt que nous avons à nous revendiquer non seulement citoyens de la France, mais bien plus de la langue française
“J’ai trois âmes, disait le vieil Ennius, parce que j’ai trois langues”. Et c’est cet esclave grec qui a donné au latin ses premières œuvres littéraires
Delphes, on le sait, fut le centre du monde. Au moins pour les Grecs de l’Antiquité. Au centre de Delphes, le Temple d’Apollon. Au cœur de ce Temple, vaticinait la Pythie. Le temple était soutenu par un mur colossal dont les pierres étaient entièrement gravées de centaines de contrats de libération des esclaves. Delphes est en ruine, le temple est détruit et la Pythie n’est plus. Restent le mur de soutènement et les contrats de libération.
Novembre, c’est le mois du festival des musiques actuelles à Nice... Et cette année, c’est en découvrant “De front”, une œuvre de P. Jodowski, que j’ai revu l’image du fondateur des MANCA, Jean Etienne Marie, personnage très réservé, distant, timide peut-être, costume sombre et cravate... Je l’ai revu, comme toujours, face à ces 400 gamins des écoles de la vallée du Paillon et du collège de Contes, dans le gymnase de la petite ville de Drap dans le moyen pays niçois. Sur une estrade de fortune, une forteresse d’appareils élecro-acoustiques et Jean Etienne Marie, un peu distant, réservé, timide peut-être ; il parle de micro-intervalles, mani- pule un bouton par ci, un curseur par là. 400 visages tendus, entendent les différences d’un ton, d’un demi ton, d’un quart de ton, d’un neuvième, et décèlent, devinent, des différences toujours plus ténues ; 400 paires d’oreilles perçoivent de l’imperceptible ; puis quelques morceaux, des sons, des mélanges, des déferlements : 400 gamins qui se frottaient, il y a un quart de siècle, à la mise en musique de leur temps...
Hommage à Jean Etienne Marie, homme de musique, de culture, de savoir, de curiosité et de générosité.
Et hommage au CIRM, qui poursuit la route ouverte par Jean Etienne Marie.