Un journal qui resterait ouvert.
Les pages et les mains en attente.
Nulle prédation. Plutôt une posture de réception. Laisser venir…
Mardi
Des mains de mémoire me serrent le crâne avec violence pour en extraire une vérité qui ne jaillit pas. La tête douloureuse, les yeux enfoncés, les épaules contractées, j’abandonne la partie. J’abdique.
Arrive une étendue d’eau immense – et cette petite phrase qui flotte au milieu « je ne suis que moi ».
Quelle folie que l’humanité. Balayée par le vent de l’histoire, bousculée par une mémoire qui prend l’eau, ballottée par les évènements ...
Vendredi
Elle est née jeudi - au soir.
Sa naissance a balayé les nuages.
Toute la semaine il avait fait gris.
Ce jeudi là aussi. Un automne un peu maussade, mais avec des couleurs somptueuses sur les arbres. Les feuilles éclatantes, flamboyantes.
Petit à petit dans l’après-midi le soleil a fait son apparition.
En train d’éclore, elle poussait avec sa tête pour arriver au jour. Poussait de son front les nuages pour dégager le ciel et faire naître la lumière.
Le soir a été radieux. Éclatant.
Sa naissance apportait la clarté.
Samedi
Mon enfance peut-elle se suffire de la seule lumière ?
Lundi
Ces gestes du quotidien. Éplucher des pommes de terre. Regarder tomber les rubans bruns. Écaler un œuf. Piler l’ail. Un coup d’œil par la fenêtre pour soupeser le jour. Les mains actives entrainent tout le corps. Les pensées suivent. Comment ne pas être reliée à toutes les femmes qui ont fait ces gestes avant moi ?
Mercredi
Quand du lointain remontent les souvenirs, se taire n’est pas reniement. Même un murmure peut mentir.
Pour que la parole revienne, que le chant monte, il faut revenir à la source. Encore faut-il trouver la source quand toute l’eau a été bue.
Ne reste que le vent qui souffle, ses hésitations, et son bruit si doux qu’il fait partie des nuages.
On sait bien que le bulbe doit rester longtemps en terre avant de refleurir.
Jeudi
Sa présence est là, autour de nous. Elle sature l’air. De souffles. De lueurs. De moments suspendus.
Étonnant, comment la mort quand elle survient, envahit la vie.