RAPHAËL MONTICELLI
Paru à l’occasion de l’exposition de Muriel Desambrois à la galerie Quadrige (Nice), Les voix de l’ange accompagne une série d’œuvres de l’artiste.
Muriel Desambrois a fait de cette partie de son travail une double méditation : sur la présence effective des anges parmi nous, d’une part ; sur Réversibilité, d’autre part. C’est le poème de Baudelaire qui a été à l’origine de cette série et l’a nourrie tout le long de sa création.
Une version largement remaniée de ce texte a été mise en ligne sur le site Terreaciel, dans l’anthologie de Florence Saint Roch « Dans l’épais des forêts », sous le titre Stat silva dolorosa
Ange plein de gaieté, connaissez-vous l’angoisse ?
J’ai entendu tes pleurs, ta honte, tes remords,
car tu sais l’ange et tu ne le vois plus.
Tu es millions de voix,
voix implorantes,
de vies agitées,
d’affres.
Tu traversais pourtant, heureux, l’espace
errant sous mon aile protectrice.
Tu étais l’enfant cherchant sa voix. La terre
portait des odeurs d’aube,
de nuit,
une fraîcheur de source, un foisonnement
de vies imperceptibles.
Je te gardais sous mon aile et je savais
que les sources en toi tariraient,
que tu sècherais retournant
terre dans la terre,
calcaire dans le calcaire,
eau perdue parmi les eaux,
bribes d’espace perdues dans l’espace,
atomes mêlés aux atomes de l’air.
Tu étais l’enfant à l’écoute des voix
indistinctes
de tout ce qui fait l’ange,
heureux du seul bonheur de sentir ton corps
formé du monde et s’y formant avant de s’y dissoudre.
Et tu plongeais tes bras dans ceux des sources,
tes regards creusaient le ciel.
Partout tu voyais l’ange que tu ne savais pas.
J’ai entendu tes peurs et tes angoisses.
Elles me traversent.
Et me voici souffrant de tes souffrances,
étouffé des sanglots qui t’étouffent,
écrasé par tes remords.
Quand la gaieté en toi s’estompe,
c’est ma propre gaieté qui meurt.