PATRICK JOQUEL
Il y avait eu les éphémères publiés en ligne sur ce site en 2010.Retour ligne automatique
Il y a eu les éphémères du passant aux éditions Océanes, les éphémères du bouquetin aux éditions Corps Puce et puis en 21, avec le thème du Printemps des Poètes 22, j’ai repris ce type d’écriture. Voici donc Les Éphèmères 2021.
à Claude Held
Patiente la mer. Si patiente. Avec ses roulés galets sur le sable doré. Mouillé. Lissé. Cette lente usure. Cette obsession de la courbe. De la poudre. De la couleur. D’une douceur aussi. Pas toujours. Parfois à l’aurore un câlin rose orangé sur la peu du nageur. Doré. Pouillé. Lissé. Cette obsession à le caresser. Caresse totale. Intime. Parfaite . Et la lumière renouvelée sans cesse de l’écume au ressac. Cette obsession de la lumière enroulée.
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à Sylvie Joquel
Carrefour Vauban Cannes. Verts platanes et verts cyprès. Couleurs peu variées des autos. Couleurs régulières des feux de circulation. Couleurs plus variées des corps et de leurs vêtements en marche. Ciel bleu limpide et sans répit. Deux drapeaux flottent dans l’air incolore. Bleu blanc rouge et l’autre bleu étoilé. Noir du café terrasse. Cannes un matin d’été. Un matin tôt. Matin souligné de jardinières fleuries. D’objets multiples et d’engins divers. Mécaniques ou immobiles. De corps mobiles ou de végétaux. Les mécaniques de la vie.
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à Sébastien Féranec
aurore. La grève. Sable lissé pur ; pas mème une patte de goéland. Cependant mes yeux suivent les lignes des vagues nocturnes. Courbes fines tavelées de petits galets colorés. Brassés à chaque vaguelette. Installation rocheuse éphémère. Comme ces lignes. Chaque vague efface une ou plusieurs courbes. En trace une autre. Tout aussi éphémère. Arthur mêlait l’éternité à la mer. Les lignes du rivages en marquent l’éphémère. Lignes de mer. Lignes de vie.
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À Jorge Vargas
4,25 am. une étoile est tombée dans mon mug de thé. M’a éclaboussé d’espace. De temps aussi. Une fraction de seconde : je me souviens de ces grandes étendues vides et obscures. De ces tourbillons de matière. De ces blocs errants solitaires dans la solitude. Juste en face du balcon un trait de lumière. Et mes yeux qui le traverse. Hasard de rencontre. Instant du sourire. Un caillou suffit à me rendre heureux. Un mug de thé et un caillou.
éphémère du 17 août
à ga desliens
4h21am. Le thé au balcon. Entrées maritimes. Les nuages côtiers cachent les étoiles. Chaleur humide. Une auto s’arrête. Quelqu’un marche. Entre dans l’immeuble. Le livreur du Monde. Chaque matin sauf le lundi : le Monde dans la boite aux lettres. Grâce à un livreur. Finalement le monde n’est pas si grand. Pas si lourd. Chaque matin il trouve un abri le monde.
Un monde en papier me parle d’hommes sans papiers. Sans domicile. D’hommes errants. Hommes. Femmes. Enfants. Ados. Exilés. L’espoir d’une vie. Quelque part. Ils ne font que passer dans la boite aux lettres. Éphémère abri. Je lis leurs mots. Je pense à eux. J’écris quelques mots. Je les donne à lire. Solidarité de papiers partagés. Des mots qui passent. D’un regard à l’autre. D’un passant à un autre. Nous sommes tous de passage.
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éphémère du 18 août
à Clara Regy
tout un cheminement solaire. Mouvant. L’horizon à portée de cils. Les vagues écument leurs paupières sous tes yeux. Tu ris avec la mer en mille éclats. Tu marches. léger. Sur des paillettes de lumière. Étincelles flottantes.
Tu le sais le jour va passer. Tu n’es pas certain d’en atteindre le crépuscule. La mer non plus. Elle s’en moque autant que toi. Houle des vagues. Haussement d’épaules. Peu importe : l’instant est à la lumière, au ressac et aux cigales
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éphémère du 20 août
à Sophie Braganti
Je regarde la mer. La mer aux dix mille secrets. Parfois un écueil pointe ses dents entre deux vagues. Parfois un poisson volant. Ou un dauphin. La tête d’un cormoran. Un périscope. Non. J’exagère. Les seuls périscopes que j’ai vu sont dans Tintin ou au cinéma. Tant mieux. La mer ici est en paix. Moi aussi.
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éphémère du 24 aout
à Alain Boudet IM
Le commandant et son équipage te souhaitent la bienvenue à bord du Passage. Je t’imagine, sourire lunaire et curieux, regarder autour de toi qui t’accompagne aujourd’hui. Des inconnus. Tous les âges, un bel échantillon d’humanité, diversité comme tu aimes. Tu remarques un vieux dictateur [1], tu te dis qu’il aurait pu choisir un autre jour. Tu préfères suivre des yeux ce batteur [2] d’un groupe de rock. Tu imagines les baguettes posées sur la batterie comme ton clavier muet ou ton crayon à la mine cassée sur ton cahier. Mains vides. Juste des souvenirs sur les étagères, quelques éclairs au frigo.
Et moi, je garde ton sourire lumineux, ta gentillesse et tes mots.
Merci Alain.
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éphémère du 25 août
à Jean-Louis Wathy
Aurore. La mer. Les nuages. Légers, les nuages. Juste pour la couleur. L’orange de l’éveil. Et ce cheminement aux cent miroirs pour guider l’horizon à tes yeux. L’horizon.
Quelques souvenirs montent sous la paupière. Des reflets. Des paillettes. Des éclats de braises intérieures affinent tes iris. Comme un goéland aiguise le ciel de son vol rauque. À l’affût. Pêcheur d’instants. Futurs ou passés, tous présents. Dans les nuages. La mer. L’aurore.
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