« Si l’homme a besoin de mensonge, après tout libre à lui ! Mais enfin : je n’oublierai jamais ce qui se lie de violent et de merveilleux à la volonté d’ouvrir les yeux, de voir en face ce qui arrive, ce qui est. »
Georges Bataille
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Et si c’était là le sens de toute véritable image : nous ouvrir l’œil ? Le sens n’est pas explicatif. Le sens ne nous sert pas à domestiquer le monde. Le sens vient déranger, troubler, ouvrir, sans fin. Il ne fixe rien, il est agent de transformation. Transformation interminable. Le sens, c’est l’impossible.
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S’il est un effort largement partagé par la modernité picturale, c’est bien de se défaire de la référentialité réaliste et du vieux rapport sujet / objet. L’art moderne est un art de l’impossible. Ne tente-t-il pas, voile après voile, de figurer le Réel, le Réel comme énigme du Surgir et du Sombrer, selon les mots de Hegel ?
C’est cela qui émeut chez Alain Lestié, cela qui demeure au travers des changements, c’est le fait de porter la peinture comme art de l’impossible, saisir l’essence du visible dans une image. Faire une image, c’est toujours voir apparaître le chat et son sourire et jamais le sourire sans le chat comme chez Lewis Caroll.
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Un échec passe sur les œuvres d’Alain Lestié, ses souffles et leurs brouillards. C’est celui de l’art actuel dont Jean-Marie Pontévia disait qu’il « (partait) de l’échec ». Mais il précisait : « Ce n’est pas un art qui échoue. Il est échoué. (…) L’art actuel vient après : aucune illusion n’est plus possible. »
A persister comme le fait Alain Lestié cela fait signe non vers un épuisement du désir, une faillite de l’énergie mais au contraire affirme une fidélité à l’acte de création quand il cherche à en finir avec l’illusion. Alors un désir se déploie dans l’espace de la composition.
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Alain Lestié politique ? Oui, si tout système social qui fait notre être en commun a son fondement dans la représentation qui nous voue au semblant, aux pièges de la mimesis qui suppose l’existence d’une réalité, une objectivité du monde qu’il suffirait de refléter, de copier, réalité toute fictionnelle, répétant dans un langage usé, des images sans distance, traçant les contours ombreux d’un pays du bon sens falsificateur, pays de fantômes, images d’images.