BRIBES EN LIGNE
suite du blasphème de   je ne comprends plus une fois entré dans la le plus insupportable chez antoine simon 27 revue       neige un survol de l’annÉe il ne sait rien qui ne va reste de cet été dans cet s’ouvre la cliquer sur l’icône tous ces charlatans qui       baie       sur le quand il voit s’ouvrir, aller à la bribe suivante dans la caverne primordiale un homme dans la rue se prend à claude held patiente la vers la lettre ouverte au antoine simon 22       ...mais antoine simon 26 <script           pé       un merle noir  pour macao grise le chêne de dodonne (i) il pleut. j’ai vu la     pour accéder imagine que, dans la tromper le néant     cet arbre que merci au printemps des d’abord la crise du et si tu dois apprendre à textes mis en ligne en juin pour raphaël janvier 2002 .traverse rare moment de bonheur, présentation du projet deuxième essai       sur les nous avancions en bas de mult est vassal carles de textes mis en ligne en       la       quinze si j’étais un autre petite voix       descenda Écoute, bûcheron, arrête bel équilibre et sa     un mois sans je t’ai admiré, torna a sorrento ulisse torna page d’accueil de la lecture de sainte « amis rollant, de raphaël monticelli : tu       pav&eacu aller à la liste des auteurs "ces deux là se avec marc, nous avons village de poussière et de assise par accroc au bord de page précédente longue le poiseau de parisi mon la mort, l’ultime port, en 1958 ben ouvre à cela fait 53 ans que je    au balcon    il       pass&eac il ne s’agit pas de un tunnel sans fin et, à elle réalise des textes mis en ligne en le chêne de dodonne (i) page suivante ► ce pays que voir les œufs de       allong&e pas même       gloussem       fourmi&n je désire un trois tentatives desesperees nous serons toujours ces pour gilbert       voyage  dans le livre, le À l’occasion de le slam ? une ruse de monticelli raphael 510 035   on n’est       sabots a la femme au page d’accueil de     les provisions ce 28 février 2002.       ce aller à la bribe suivante laudatu sii, mi signore, la gaucherie à vivre, le chêne de dodonne (i)       l’ rafale n° 7 un il y a des titres qui je suis celle qui trompe aller à la bribe suivante aux barrières des octrois les amants se cent dix remarques i► cent antoine simon 9   (à page suivante ► page cent dix remarques i► cent il y a quelques livres,       au sommaire ► page suivante  avec « a la tu le sais bien. luc ne pas facile d’ajuster le       ( page suivante ► page able comme capable de donner grande digue est dispersée de soie les draps, de soie (de)lecta lucta           page suivante page page suivante page percey priest lake sur les quand c’est le vent qui vous dites : "un page suivante ► page à cri et à coupé le son à     &nbs textes mis en ligne en petites proses sur terre en guise sommaire ► page suivante pour accéder au texte, rita est trois fois humble. sommaire ► page suivante dix l’espace ouvert au  il est des objets sur face aux bronzes de miodrag       ruelle       et quatre si la mer s’est reflets et echos la salle creuser de la langue, outil page d’accueil de     ton plaisir il faut aller voir       la   ciel !!!! tes chaussures au bas de dernier vers aoi page suivante ► voici donc madame est la reine des j’aurai donc vécu sur embrasement du mantra gore pour andré station 7 : as-tu vu judas se page suivante ► page (ô fleur de courge...       la page précédente page    7 artistes et 1 l’illusion d’une je ne sais pas si karles se dort cum hume sables mes paroles vous le dernier recueil de des conserves ! dernier vers aoi    nous       ma page suivante ► page quelques textes entr’els nen at ne pui nu(e), comme son nom lien vers la totalité des l’envers de glaciation entre textes mis en ligne en mars et si au premier jour il cent dix remarques i► cent la force du corps, la fonction, dernier vers doel i avrat, c’est — pense-t-on -       cerisier quant carles oït la max charvolen, martin miguel titrer "claude viallat, aller vers bribes, livres 1 sommaire des mises en       le vent la réserve des bribes page suivante ► page 30 décembre 1963. revue retour à la recherche "et bien, voilà..." dit beaucoup de merveilles aller à la liste des auteurs je sais bien ce qu’il dernier vers aoi al matin, quant primes pert onzième je n’aime pas ce monde. passet li jurz, si turnet a mise en ligne le lent déferlement textes mis en ligne en avril page suivante ► macles et au labyrinthe des pleursils voici quelques années, albertine douce est la terre aux yeux j’arrivais dans les   jn 2,1-12 : pour alain borer le 26     longtemps sur page précédente ► page lu le choeur des femmes de un verre de vin pour tacher fête du livre       et tu       certains prétendent aller à la bribe suivante attelage ii est une œuvre textes mis en ligne en juin pluies et bruines, comment bruno mendonça le chêne de dodonne (i) ce paysage que tu contemplais à propos “la chants à tu mon recueil les petites fleurs des dans les hautes herbes la liberté de l’être ouverture de l’espace d’abord l’échange des il faut laisser venir madame page suivante page page précédente retour jacques kober : les "si elle est Ç’avait été la la poésie, à la il y a des soirs où le de tantes herbes el pre une il faut dire les pour écouter ce moment de page d’accueil de page d’accueil de comme un prÉliminaire la le chêne de dodonne (i) pour egidio fiorin des mots sous l’occupation le vieux qui     rien légendes de michel       journ&ea halt sunt li pui e mult halt pour michèle gazier 1 a supposer que ce monde 5) triptyque marocain début de la mise en ligne de juste un mot pour annoncer si elle est belle ? je grande lune pourpre dont les mais non, mais non, tu 1 au retour au moment g. duchêne, écriture le       fleurett le 26 août 1887, depuis c’était une très jeune eurydice toujours nue à essai de nécrologie, il semble possible lire la réponse de michel le tissu d’acier la bouche pleine de bulles centre georges 1. passera-t-on par l’eau a-t-on remarqué à quel haut var ► brec       reine chers élèves du collège "la musique, c’est le trois (mon souffle au matin lire le texte naviguer dans le bazar de ce poème est tiré du la musique est le parfum de antoine simon 30 le franchissement des a christiane les photos et archives page suivante ► page à propos des grands       dé c’est une sorte de tout mon petit univers en pour accéder au texte au page suivante ► page dans un coin de nice,       apr&egra premier vers aoi dernier page précédente retour       ( voir les œufs de bernard dejonghe... depuis page d’accueil de vers le sommaire des recueils rafale n° 3 des       parfois pour julius baltazar 1 le page suivante ► nous au centre des quartiers de les terrasses abandonnées la terre a souvent tremblé       bâ là-bas, dans le pays des       enfant       à jean dubuffet : honneur quando me ne so itu pe mougins. décembre exposition de la série     sur la pente page précédente page neuf j’implore en vain exode, 16, 1-5 toute dernier vers s’il cet article est paru les éditions de la passe du ► les mots du désir à page suivante ► page aller à la liste des oui la la vie humble chez les petit souvenir       rampant démodocos... Ça a bien un vers le sommaire des recueils on n’écrit qu’un       pass&eac pour accéder au texte, "tu sais ce que c’est marché ou souk ou alocco en patchworck © frères et sophie calle à beaubourg... deus li otreit (la sue) effrayante humilité de ces napolì napolì les embrassées , cantilène pour frédéric tout en travaillant sur les À venise je dispose, sur le (elle entretenait       tourneso si tu es étudiant en ils s’étaient page suivante ► page les plus vieilles préparer le ciel i j’ai changé le antoine simon 18 si vous entendez le lac vue à la villa tamaris d’abord quelques je crie la rue mue douleur sous ce titre inspiré de la ce qu’un paysage peut un besoin de couper comme de dans ce périlleux textes mis en ligne en le chêne de dodonne (i) la parol

Retour à l'accueil

ALAIN FREIXE

Quand manque {la grande image}
© Alain Freixe
Publication en ligne : 2 février 2022
Artiste(s) : Lestié

« Si l’homme a besoin de mensonge, après tout libre à lui ! Mais enfin : je n’oublierai jamais ce qui se lie de violent et de merveilleux à la volonté d’ouvrir les yeux, de voir en face ce qui arrive, ce qui est. »

Georges Bataille


Alain Lestié, Gravure 1

1-
Quand je regarde l’œuvre d’Alain Lestié, je pense à un homme en marche sur des terres inconnues. Quelqu’un qui a pris par l’étranger, sans cadastre, et qui va à l’estime, chaque avancée doutant de sa position nouvelle. Un homme qui passe attentif aux impasses. Moins cul de sac qu’apories, embarras de passage. Et moins obstacle qui soudain barrerait le chemin que cet embarras du choix quand la voie est libre et qu’au carrefour se divisent les routes sans que l’on sache quelle voie prendre ?

2-
Sous l’influence de Braque et du retour de Dada, il prend parti contre le courant abstrait. Ce sont ses premiers pas en 1963. Trois ans après, il s’arrête de peindre. Son retour à la peinture est marqué par l’abandon de l’huile au profit de l’acrylique qui lui permet de franchir quelques degrés vers plus d’impersonnalité. En 1993, c’est l’abandon de la couleur au profit des dessins au crayon Nero, argile et suies mêlés. 2010, sous l’impulsion de Jean-Paul Aureglia, maître d’œuvre des éditions Quadrige/La Diane Française, c’est la découverte de la gravure sur bois.

3-
Avec cette proposition d’un « Art au carré », courant 2012, le voilà obligé à revisiter parcours et étapes. Ce qui sera tout reprendre de la masse de dessins accumulés en plus de quinze ans : suppression, recadrages, réassemblages, greffes diverses. Une seule idée : tout ramener au présent de son exigence d’aujourd’hui. Cette nécessité de faire exister l’œuvre hors de soi et en avant de soi ne laisse pas de m’émouvoir.

4-
« Où commence l’avenir ? » Certainement pas en une fois mais c’est toujours le travail fait, déjà fait qui déclenche, en liaison avec quelque chose qui survient, par exemple, le projet de graver des bois ou tel événement plastique qui soudain fait apparaître un trait sans pareil dans la démarche du peintre. Une fracture, une déchirure, un jour à partir de quoi tout s’éclaire autrement. Le passé se transforme alors en réserve d’avenir. Ainsi de cet « Art au carré. »

++++

Alain Lestié, Gravure 2

5-
Si changent les techniques, le projet demeure : traquer ce que toute représentation traîne avec elle / en elle / autour d’elle d’illusoire. Simplement, si le crayon dématérialisait le tableau, lui ôtant matière et couleur ; la gravure sur bois qu’enlève-t-elle au dessin ? Toujours plus de matière ? Si avec le crayon et les dessins nous étions dans un « après la peinture », avec la gravure, à quels rivages sommes-nous promis ? Vers quel silence s’en va Alain Lestié, quelle nuit ?

6-
Les temps sont au crépuscule. Le monde va finir affirmait Charles Baudelaire en une de ses Fusées. Ce n’était pas la fin du monde qu’il annonçait mais l’entrée dans le monde de la fin . Et d’une fin sans fin ! Le monde s’enfle d’un surcroît toujours plus grand des apparences.
Avons-nous encore des images ? Question incongrue, ne sommes-nous pas entrés dans une civilisation de l’image ? Mais voilà, plus il y a d’images, plus le monde se ferme.
C’est ce monde que creuse l’œuvre d’Alain Lestié faisant de l’image le lieu privilégié d’une réflexion sur les pouvoirs de son illusion.

7-
J’entends comme un grand « non » dans l’œuvre d’Alain Lestié. Il est là d’origine et porte sur le visible. Ce que je vois, ça n’est jamais ça ! Ce que je vois relève du regard et non de la vue. Humain, il jette un voile sur les choses du monde pour les faire apparaître. Devant.
Ce « non » creuse son œuvre. Il me semble en être la justification dernière.
Quand on a compris une fois que la réalité – ce qu’on nous donne comme tel – relève de la fiction alors on peut aller jusqu’à penser que faire une image pour Alain Lestié c’est faire la fiction de cette fiction, soit une destruction de cette fiction. Alain Lestié « fait le négatif » selon les mots de Franz Kafka.
S’évader du jour avec les armes du jour en les retournant contre lui, contre son écrasante et infernale lumière. Parier pour la nuit et ses lucioles, lumières mineures qui tournent dans ses œuvres. A ce travail là s’est voué Alain Lestié.

8-
A première vue, c’est bien devant des images qu’on se trouve en présence des œuvres d’Alain Lestié. On sait bien que depuis le début, c’est là la belle querelle d’Alain Lestié. Toujours quelque chose est là, se présente visuellement. On peut même y reconnaître bien des éléments, des choses de notre monde : grillages, triangles, ferrures, branches brisées, ampoules suspendues, déchirures, failles…

++++

Alain Lestié, Gravure 3

9-
Chez Alain Lestié, ce qui se voit ressemble plus à des choses qu’à une chose ! Nous avons tout sous les yeux, la partition des cadres, dans le chevauchement des plans. S’il y a du caché, c’est du visible caché dont le tout nous dérobe la totalité. Et certes on pourrait arriver à tout dire, à dénombrer et nommer tout ce qui est là devant, offert à notre perception mais c’est alors le tout qui échapperait. Rien de mécanique ici, le tout n’est pas égal aux parties.

10-
Chaque dessin d’Alain Lestié ne donne que sur lui-même. C’est un point de vue qui donne sur le mystère…L’œil va, erre sur la surface peinte. Son chemin mène au chemin. Ou aux pierres. Si quelque chose se profilait au loin comme une sorte de but, de point d’arrivée, il serait extérieur au chemin.
Devant une toile, un dessin, une gravure d’Alain Lestié, l’œil joue à saute-mouton. Il passe d’un plan à l’autre, se fixe ici, est attiré là, se perd, croit voir et ne voit pas. On va à cloche-œil, sautant de toile en toile ou à l’intérieur d’une toile ou d’un dessin ou d’un élément à un autre en laissant le vide entre. L’œil erre, perdu, boule de flipper renvoyée par les bumpers.
Le regard qui s’attache à reconnaître ceci ou cela dans les images d’Alain Lestié, très vite, va boiter, chanceler, éprouver un certain déséquilibre sollicité qu’il est par les multiples appels venant des autres plans, des autres cadres dans le cadre. Ce regard ne peut se fixer, cherche un point fixe, un point d’appui, un point de vue, en vain. Plus de choses, plus de représentations, plus rien à percevoir. Voilà que nous flottons, entre deux eaux. Soit nous nous ressaisissons et renvoyons le tableau se figer dans sa dimension d’objet d’art, soit nous nous abandonnons à cette mise en suspension, porte d’entrée à un autre monde comme en formation.
11-
Surpris ! Saisis ! C’est de rencontre qu’il s’agit. Là tout commence. Les œuvres d’Alain Lestié nous imposent leur présence. Altérité, hétérogénéité, discontinuité, ruptures…asymétrie. Ne se reportant qu’à elle-même, c’est un monde nouveau qui s’ouvre. « L’asymétrie est jouvence » aimait à dire René Char !

12-
Les œuvres d’Alain Lestié pourraient bien relever de l’ordre de ce qui reste portant la trace de bien des effacements, des condensation, des séparations, des déplacements…Si dans le rêve c’est le travail de l’inconscient que d’assembler des lambeaux hétérogènes, dans les œuvres d’Alain Lestié c’est l’esprit qui bâtit ses images souvent à partir de questions abandonnées dans quelques œuvres antérieures ou d’éléments restés incompris et qui appellent au jour du montré. Alors pas à pas, c’est-à-dire bribe à bribe, par le cheminement même du dessin ou de la gravure, se met en place le dispositif visuel final, organisation paradoxale qui déroute le sens du discours auquel on pouvait s’attendre et la transparence représentative des éléments figurés. L’œuvre n’est pas un décalque, une copie, une chose seconde. Elle est « le dedans du dehors et le dehors du dedans » selon les mots de Maurice Merleau-Ponty.

++++

Alain Lestié, Gravure 4

13 -
Une œuvre d’Alain est faite de ces « sembles » dont parlait le poète Samuel Taylor Coleridge et qu’il définissait comme « ce qui semble être et n’est pas ». Soit un simulacre.
Simulacre qui chez Alain Lestié est tout sauf un trompe-l’œil, ce serait plutôt un « détrompe-l’œil ». Son œuvre simule une vision intérieure qui se trouve extériorisée aujourd’hui par le biais du crayon Nero ou des outils à graver selon les règles les plus traditionnelles, les stéréotypes institutionnels qui servent à montrer. Simplement Alain Lestié les surcode, les parodie. Tout y est exagéré. Et je ne dis rien de ses jeux sur le cadre qu’il démultiplie dans sa « fenêtre » jusqu’à figurer la corniche du moins ce qu’il en reste.

14-
Le simulacre chez Alain Lestié par sa subversion des stéréotypes vise à nous tenir éveillés et comme sur nos gardes. En effet si le vraisemblable est la tragédie du vrai tant plus ça a l’air vrai moins ça l’est, le simulacre est alors déblayage et ouverture à l’incommunicable. Non pas qu’il donnerait à voir ce qui est caché. Rien ne vient à la lumière de l’œuvre. Ce qui est présenté n’est pas ce qui est à voir. Autre chose est suggéré, autre chose à venir, à advenir. Hors de l ‘œuvre. Ce qui est donné en pâture à l’œil suggère et dérobe dans le même temps une autre scène. Les œuvres d’Alain Lestié ne représentent pas. Ils résonnent. Par là ils rendent « présents l’absence » aurait dit Paul Valéry. Irais-je jusqu’à dire qu’ils sont poésie ? Oui, si l’on se souvient des mots de Marina Tsétaïeva : « Il y a quelque chose dans la poésie qui est plus important que le sens : la résonance »

15-
Il y a toute une violence à l’œuvre dans le travail d’Alain Lestié. Une violence de la vérité telle qu’elle se retire dans son apparition même puisqu’elle consiste à tendre la surface afin d’y entretenir des intensités et à ouvrir le lieu pour qu’y passe rien, soit « l’imminence d’une révélation qui ne se produit pas » comme l’écrivait Borgès.
Où se tient-elle dans les œuvres d’Alain Lestié ?

16-
Dans la ligne.
Il y a une manière de séparer, de couper qui tient du coup de couteau. Souvent, une ligne dans l’image partage / partitionne l’image. Un noir tiré. Points de vue sectionnés. Quelque chose d’intraitable, d’irréductible. La brutalité de ce qui saute aux yeux.
Pas de représentation de la violence mais une violence exercée : lignes coupantes, plans, déchirures, fragments… Coups portés à la peinture…qui se retournent en coups portés par le tableau peint au regard.

++++

Alain Lestié, Gravure 5

17-
Dans la répétition.
Ce que fait Alain Lestié entretient un rapport avec la répétition. Ce que l’on voit pourrait encore nous tromper – je pense au retour de certains signes : ampoules allumées, branches brisées, étoiles, croix, silhouettes, fragments de murs, triangles, spirales…- car il ne s’agit pas d’un phénomène de réitération de quelque chose qui n’aurait pas changé, d’un bloc d’immuabilité qu’il reprendrait tel quel – la disposition des signes est nouvelle , toujours surprenante ! – mais bien d’une reprise, d’un aller chercher dans l’ancien ce qui s ‘y tenait à l’abri, comme en dormance, graines du feu sous les cendres.

18-
Dans les oppositions et les hybridations.
Oppositions et hybridations d’éléments hétérogènes dont se sert Alain Lestié pour bâtir ses images et libérer des énergies que les éléments pris isolément n’auraient pas. Ce sont ces énergies provenant d’une mise en tension des éléments qui nous retient. Un flux passe. Un rythme…

19-
Dans les mots.
Ceux présents dans les images : mots latins, graffitis parfois effacés, parfois raturés qui jouent ou pas avec les éléments représentés au plus près de leurs stéréotypes, les figures géométriques (spirales, arcs de cercle, triangles, angles…) comme ceux ni symboliques, ni explicatifs, qui hors des images font titre et dont on ne sait s’ils font partie de l’œuvre et selon quelles modalités alors ou pas…

20-
Dans le cadre.
Chez Alain Lestié, il est instance de variation de l’espace pictural et des modalités de la représentation. Alain Lestié qui connaît la nature et la fonction du cadre dans l’histoire de la peinture (croyance et envoûtement), en faussaire déclaré, en bandit de la représentation entend le conserver pour mieux le subvertir de l’intérieur.
Le cadre, ce carré selon l’étymologie, avec ses bords et rebords, frontière et limite s’il autonomise l’œuvre dans l’espace visible, s’il met la représentation en état de présence exclusive la transformant en objet de contemplation, chez Alain Lestié loin de mettre le regard à l’abri, sa démultiplication le désabrite plutôt !

++++

Alain Lestié, Gravure 6

21-
Alain Lestié a beau encadrer ses dispositifs visuels, la manière dont ils jouent les uns avec les autres, dont ils se bouleversent, témoigne du travail d’une force qui vient d’ailleurs, d’avant le cadre et que le cadre ne parviendra pas à limiter. Cette force prend ses formes dans le cadre mais elle le traverse. Se trouve sauvée par là l’intensité que les divers codes convertissent et monnayent en représentations.
Pour que quelque chose passe, il faut flux et reflux, c’est cette coupure qui assure le saut, bond et rebond. Un rythme…

22-
Sans discuter l’appréciation de Jean-Marie Pontévia qui voit la peinture d’Alain Lestié comme relevant d’une « peinture française », j’oserais dire qu’en présence de son travail, je me sens plutôt espagnol. En effet, s’il y a bien une lumière dans ses œuvres, si « l’ange » y a bien travaillé ; si la « muse » a tiré du chaos des formes dont se jouent les cadres qui partitionne l’œuvre ; j’y sens battre ce « duende » dont parle Garcia Lorca qui comme un démon tient l’ensemble. Ça ne devrait pas tenir, et ça tient. Un rythme assemble et tient ensemble ces morceaux disparates d’images qui font les images d’Alain Lestié.

23-
Surtout ne pas confondre le rythme avec la cadence, cette idée de mesure qui renvoie au tic-tac spatialisé des horloges. Le rythme est du coté de la vague toujours en formation, en auto-mouvement vivant en quelque sorte sur la crête d’elle-même, renaissant de ses propres failles. Les œuvres d’Alain lestié respirent – tendez l’oreille ! – un rythme souffle entre les noirs et les blancs, les traits et les espaces. Dessins et gravures prennent vie. Rien, du blanc, du vide, c’est lui qui fait s’animer le plein de la figure par le rythme des traits ; c’est lui qui est générateur d’énergie – J’ai vu Alain Lestié se pencher sur le bois et y aller de quelques creusements pour blanchir tel ou tel espace – évider, donner place au vide, condition première du rythme. Le vide est dans le suspens du respirer. Le rythme n’est pas un mode de la représentation mais un mode de la présence. Comme tel il échappe au langage. Il est de l’ordre de cette « signifiance insignifiable » dont parlait le poète Hugo Von Hoffmansthal.

24-
Après l’été des pointes et des gouges, dans l’hiver de l’encre émergent des poussées. Ecarts et charnières. Traînées ébréchées de lumière. Des noirs ? Non ! Des champs de neige, la nuit. Et la caresse violente des étoiles. Le ressac de leurs lumières. C’est cela que l’on peut entendre dans ces huit gravures d’Alain Lestié.
Oserais-je dire que ses « dessins de peinture » aussi sont faits moins pour être vus que pour être entendus ? Qu’ils sont moins objets que voix. C’est dans la déroute du voir, lorsque les traces figurées se sont détachées de leurs types, fruits d’un savoir antérieur et figé et qu’elles se sont comme effondrées sur elles-mêmes, que l’œil peut alors écouter comme le disait Paul Claudel. Et ce que l’on entend alors c’est la petite musique d’un sens qui file vers son horizon impossible.

++++

Alain Lestié, Gravure 7

25-
Et si c’était là le sens de toute véritable image : nous ouvrir l’œil ? Le sens n’est pas explicatif. Le sens ne nous sert pas à domestiquer le monde. Le sens vient déranger, troubler, ouvrir, sans fin. Il ne fixe rien, il est agent de transformation. Transformation interminable. Le sens, c’est l’impossible.

26-
S’il est un effort largement partagé par la modernité picturale, c’est bien de se défaire de la référentialité réaliste et du vieux rapport sujet / objet. L’art moderne est un art de l’impossible. Ne tente-t-il pas, voile après voile, de figurer le Réel, le Réel comme énigme du Surgir et du Sombrer, selon les mots de Hegel ?
C’est cela qui émeut chez Alain Lestié, cela qui demeure au travers des changements, c’est le fait de porter la peinture comme art de l’impossible, saisir l’essence du visible dans une image. Faire une image, c’est toujours voir apparaître le chat et son sourire et jamais le sourire sans le chat comme chez Lewis Caroll.

27-
Un échec passe sur les œuvres d’Alain Lestié, ses souffles et leurs brouillards. C’est celui de l’art actuel dont Jean-Marie Pontévia disait qu’il « (partait) de l’échec ». Mais il précisait : « Ce n’est pas un art qui échoue. Il est échoué. (…) L’art actuel vient après : aucune illusion n’est plus possible. »
A persister comme le fait Alain Lestié cela fait signe non vers un épuisement du désir, une faillite de l’énergie mais au contraire affirme une fidélité à l’acte de création quand il cherche à en finir avec l’illusion. Alors un désir se déploie dans l’espace de la composition.

28-
Alain Lestié politique ? Oui, si tout système social qui fait notre être en commun a son fondement dans la représentation qui nous voue au semblant, aux pièges de la mimesis qui suppose l’existence d’une réalité, une objectivité du monde qu’il suffirait de refléter, de copier, réalité toute fictionnelle, répétant dans un langage usé, des images sans distance, traçant les contours ombreux d’un pays du bon sens falsificateur, pays de fantômes, images d’images.

++++

Alain Lestié, Gravure 8

29-
Quand le jour, le monde, est aux mains des assassins, peindre pour Alain Lestié fut opérer ce saut de côté « hors du rang des assassins », comme le disait Kafka à propos de l’acte d’écrire, s’écarter de ce « village du bon sens » dont les paroissiens s’entendent à répéter la mauvaise vie, ses voiles et ses illusions, déménager pour la solitude et la nuit, là où il ne fait jamais assez noir. D’œuvre en œuvre, de prise en prise, de déprise en reprise, Alain Lestié tient tête au jour, au monde, à ce qui en face toujours se dresse au nom d’un inconnu à jamais inconnu, l’ouvert d’un rien, l’éclaircie d’un bond, d’un saut de côté..

30-
Reste une seule question : comment échapper aux structures de la représentation ? Comment on s’en sort ? Si c’est l’unique question de la littérature, c’est aussi celle de la peinture !
On n’en sortira pas, on le sait. Mais au contact des œuvres comme celles d’Alain Lestié, on a à l’avant de soi, matérialisée, la décision irrévocable de ne jamais renoncer à trouver une issue.

31-
D’œuvre en œuvre, c’est « une machine de guerre » dont l’objet n’est pas la guerre que travaille à bâtir Alain Lestié. Un agencement de lignes de fuite qui vise la résistance. Le se dresser debout, souffle maîtrisé, vue dégagée. Rupture verticale pour une transcendance horizontale, celle qui voue le sens à l’inachevable.
D’œuvre en oeuvre, c’est une route. Ouverte. Je ne peux pas ne pas penser à Jack Kerouac pour qui la route était « la grande maison de l’âme », le lieu où ce que dit ce mot trouvait à se réaliser. On ne se met pas en route pour s’enrichir – c’est toujours s’alourdir ! – mais pour que la route vous lave de toutes les pluies du ciel et, sous les soleils revenus, vous presse, vous essore et vous sèche. On marche, on travaille pour se détacher…

32-
Oui, j’oserai reprendre à propos d’Alain Lestié ces mots que Rainer Maria Rilke écrivit le 11 septembre 1902 à Rodin : « Ce n’est pas seulement pour faire une étude que je suis venu chez vous, c’était pour vous demander : comment faut-il vivre ? Et vous avez répondu : en travaillant. Et je le comprends bien. Je sens que travailler, c’est vivre sans mourir. »

Un message, un commentaire ?

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?

Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP