« Si l’homme a besoin de mensonge, après tout libre à lui ! Mais enfin : je n’oublierai jamais ce qui se lie de violent et de merveilleux à la volonté d’ouvrir les yeux, de voir en face ce qui arrive, ce qui est. »
Georges Bataille
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Une œuvre d’Alain est faite de ces « sembles » dont parlait le poète Samuel Taylor Coleridge et qu’il définissait comme « ce qui semble être et n’est pas ». Soit un simulacre.
Simulacre qui chez Alain Lestié est tout sauf un trompe-l’œil, ce serait plutôt un « détrompe-l’œil ». Son œuvre simule une vision intérieure qui se trouve extériorisée aujourd’hui par le biais du crayon Nero ou des outils à graver selon les règles les plus traditionnelles, les stéréotypes institutionnels qui servent à montrer. Simplement Alain Lestié les surcode, les parodie. Tout y est exagéré. Et je ne dis rien de ses jeux sur le cadre qu’il démultiplie dans sa « fenêtre » jusqu’à figurer la corniche du moins ce qu’il en reste.
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Le simulacre chez Alain Lestié par sa subversion des stéréotypes vise à nous tenir éveillés et comme sur nos gardes. En effet si le vraisemblable est la tragédie du vrai tant plus ça a l’air vrai moins ça l’est, le simulacre est alors déblayage et ouverture à l’incommunicable. Non pas qu’il donnerait à voir ce qui est caché. Rien ne vient à la lumière de l’œuvre. Ce qui est présenté n’est pas ce qui est à voir. Autre chose est suggéré, autre chose à venir, à advenir. Hors de l ‘œuvre. Ce qui est donné en pâture à l’œil suggère et dérobe dans le même temps une autre scène. Les œuvres d’Alain Lestié ne représentent pas. Ils résonnent. Par là ils rendent « présents l’absence » aurait dit Paul Valéry. Irais-je jusqu’à dire qu’ils sont poésie ? Oui, si l’on se souvient des mots de Marina Tsétaïeva : « Il y a quelque chose dans la poésie qui est plus important que le sens : la résonance »
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Il y a toute une violence à l’œuvre dans le travail d’Alain Lestié. Une violence de la vérité telle qu’elle se retire dans son apparition même puisqu’elle consiste à tendre la surface afin d’y entretenir des intensités et à ouvrir le lieu pour qu’y passe rien, soit « l’imminence d’une révélation qui ne se produit pas » comme l’écrivait Borgès.
Où se tient-elle dans les œuvres d’Alain Lestié ?
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Dans la ligne.
Il y a une manière de séparer, de couper qui tient du coup de couteau. Souvent, une ligne dans l’image partage / partitionne l’image. Un noir tiré. Points de vue sectionnés. Quelque chose d’intraitable, d’irréductible. La brutalité de ce qui saute aux yeux.
Pas de représentation de la violence mais une violence exercée : lignes coupantes, plans, déchirures, fragments… Coups portés à la peinture…qui se retournent en coups portés par le tableau peint au regard.