MARCEL ALOCCO
Pêle-mêle n° 6 et 9
Voici deux articles parus dans la revue culturelle « La Strada » (largement diffusée dans le sud-est), et parus en fin d’année 2001. Il y a vingt ans. Leur sujet : le dernier livre de Houellebecq paru cette année-là, chez Flammarion, Plateforme. Le premier article, du mois d’octobre, est polémique et ne manque pas d’humour. Il a déclenché une lettre -polémique et sans humour- d’un lecteur désigné sous les initiales S.P. À ce jour, lLa lettre de S.P. n’a pas été retrouvée dans les archives . Il reste de la polémique le deuxième article qui paraît en décembre de cette même année en réponse à S.P.
La Strada n° 27, octobre 2001
Vu à la télé. Le Houellebecq de la pub. Le Michel. Chez Guillaume Durand. Les yeux dans le vague, sa déclaration la plus fracassante extirpée au tire-bouchon : « Heu... Je suis d’accord avec ce que vous dites... ». Pas de pensée. Faudrait pour cela émettre au moins une idée. Une, même petite. Mais rien. Et à plat ventre devant les 350.000 exemplaires vendus, des soi-disant « critiques » qui le sont si peu que tous terminent leur plat ou fantasmatique vide discours d’un « C’est un grand livre », ou encore « Le premier livre qui... ». Même celui qui fait pourtant d’énormes réserves. Mal écrit, mal composé, propos de comptoir du Café du commerce (mais « les brèves » sont beaucoup plus drôles et instructives) : difficile pour le vrai lecteur de ne pas abandonner en route... Me tombent des mains ces ouvrages. Sur la centaine de bouquins que bon an mal an je lis, à peine s’il en est trois que je ne parviens pas à terminer : on ne sait jamais, si par hasard la dernière page... Je suis un optimiste, moi. Mais là, vraiment ! J’avais lu entièrement, sans sauter une ligne, « Les particules élémentaires ». (A travers Lacan, curieux, on pouvait entendre : « les parties-culs et les menteurs » de « où est le bec ») Ouais, ouais. J’ai du mérite, comme disait mon oncle.
Dans le Dimanche magazine (Nice Matin du 9 septembre) trois quarts de page pour le sombre monsieur. Jacques Gantié, consterné, expose « bafouillage » et « morne plaine », que c’est, dit-il, « beaucoup de bruit pour rien ». Allons, faut pas se laisser désespérer ! Promis, à l’occasion nous boirons, bons pour le moral, un verre de Bellet ou de Saint-Jeannet à nos santés.
Georges Bertolino devra lui me payer un verre si nous nous rencontrons et s’il veut que je lui pardonne ses inqualifiables propos : « Voyages orgasmisés » qu’il titre. Ceux que la Houellebecq attitude fait bander, garanti, leur priapisme ne doit rien au texte. N’auront pas besoin de Viagra pour encore longtemps. Qu’ils prennent un calmant et consultent. C’est grave mais ça se soigne, paraît-il. L’article « orgasmisé » est pourtant très mesuré, jusqu’au... dérapage : Non, mais ! se permettre, je ne dirais pas de comparer ce fabricant de gadget éditorial, même en le minorant, mais de le rapprocher de Céline, Céline cette fripouille (hélas, hélas) géniale (hélas ! Encore hélas !) ou de Perec, sympathique ludique acrobate au regard perforant, non, mais... Lisez à la suite une page de chacun des trois, et vous verrez la différence comme dit la lessive.
Oui, allez chez votre libraire, lisez une page au hasard de « Plateforme » (Plate-forme ? aime les jeux de mots, cet homme ?) Pensez à cette petite forêt coupée pour le papier des 500.000 gros exemplaires prévisibles, et au charmant petit ruisseau pollué... Attention de ne pas vomir sur le livre, vous seriez obligé par courtoisie de l’acheter. Mieux vaut jeter ses 131 F 20 (Prix étrange : ça doit faire un chiffre rond en Euro, non ?) dans la première poubelle venue, ou mieux les donner à Amnisty International qui nous protégera des tortionnaires prévus. Dire que ces derniers mois j’ai râlé après les Marie Darrieussecq, Amélie Nothomb, Françoise Laurent, Christine Angot, Catherine M.(illet) et fait des réserves sur leurs livres plus que lisibles ! Tu vires macho, Marcel ? Il sera beaucoup pardonné à G. Bertolino qui a, lui, fait remarquer que « les sujets tabous, en France du moins, les auteurs-femmes paraissaient seules vraiment les conjuguer à la première personne du singulier ». Nous boirons donc le verre de l’amitié... et avec elles, si ELLES le veulent !... Continuons le combat, mes sœurs !
[ P-S : Je terminais ici cet article début septembre, accordant à ce débat quelque intérêt, le traitant d’humour à défaut d’amour. Depuis, il y a eu le septembre noir de N.Y. et de Toulouse. Ceux pour qui le tourisme sexuel et sa littéraire vulgarisation bénéfique étaient significatifs de la mondialisation l’ont eu dans le... disjoncteur. Michel et les autres, le doigt dans l’œil jusqu’à l’épaule. Si vous voulez jouer aux grands penseurs philosophico-géo-politicards, faudra trouver autre chose. Ce qui n’empêche, mes sœurs : Continuons... ]