MICHEL DIAZ
extrait de {Sous l’étoile du jour}, inédit
dans l’herbier de ses jours, il a épinglé quelques feuilles de hêtre, déposées par le vent sur le seuil de sa porte, il a rangé sur sa poitrine un petit carré bleu de ciel et fourré dans sa poche quelques mots juste nés, pour qu’ils ne voient pas la nuit arriver, des mots de rien, sans pourriture, de ceux-là qui guérissent du malentendu des paroles et battent délicieusement dans la chair de leur ombre, comme fait le délire ou la fièvre
assis au bord du soir, il écoute en silence craquer les articulations du temps et, à chaque seconde, s’affirmer un peu plus l’oxydation du monde, s’enfoncer plus profond les échardes qui blessent ses os, mais il a quelques mots enfoncés dans sa poche, venus du fond de la mémoire, de l’aube d’une langue cristalline, une langue perdue, oubliée, comme on a rejeté dans l’oubli les fragments d’un miroir brisé que l’on ne pourra jamais recoller, les débris d’un puzzle épars
des mots pourtant bons à semer, mais sans espérance d’aucune récolte, sinon ce tremblement au bord des lèvres pour essayer de dire le duvet d’une lumière errante sur la joue de l’herbe ou la splendeur d’un champ de tournesols, et dire de leurs fleurs le moindre mouvement pour suivre, sans baisser la tête, le regard fixe qui les brûle et leur fait descendre, un à un, les degrés de leur mort
cela, il ne sait pas le dire, peut-être seulement l’écrire, peut-être seulement, comme on balaie les feuilles et ratisse le sable des lentes allées de l’automne