RAPHAËL MONTICELLI
Les éditions de la Diane française, sises à Nice, viennent de publier (octobre 2021) un ouvrage consacré à Jean Jacques Laurent : deux textes, Alain Freixe et Raphaël Monticelli, enrichi de 8 estampes de l’artiste.
Ci-dessous, mon texte, avec l’aimable autorisation de l’éditeur.
Elle est là, couchée sur la terre. Aux marques de l’usage et du vieillissement s’ajoutent celles de la terre et de ses humidités, peut-être de ses ruissellements.
Je la vois, et me dis que la peinture est déjà là qui piège sur toutes sortes de supports les traces de matières colorées portées par des humidités perdues.
Me reviennent aussi en mémoire des travaux de Bernard Pagès, tissus enterrés souillés par la rouille d’un grillage. Ou bien encore l’aventure de la petite voiture d’Yves Klein qui avait placé sur le toit de sa « blanche Citroën » une « toile fraîchement peinte » qu’il avait transportée entre Paris et Nice soumise aux intempéries au vent et à la pluie, vieillissement accéléré.
« Elle t’attendait »
Elle m’attendait, la toile de Jean Jacques déjà marquée comme un grand calque, comme un immense estampage qui relèverait à la fois les traces de la terre, et celles, nombreuses, des vies, des œuvres, des démarches, des personnes, artistes, amis, parents, esprits flottants, qui avaient poussé Jean-Jacques à la transporter jusque là…
« Alors, dit l’artiste, qui commence ? Toi ou moi ? »
C’est Jean-Jacques qui a commencé : faisant gicler la peinture d’un récipient en forme de poire ou de gourde en peau, cheminant sur la toile, sensible ou non à ses accidents, à ses accrocs, à ses taches, aux images qui s’y étaient déjà formées, il donnait vie à un grand personnage féminin, un esprit de plus prenant corps : « la grande Madame » que je cherchai aussitôt à entourer de mots.
Madame doucement hésite
et au moindre vent se balance
elle danse et virevolte
ce faisant Madame se dévoile
Elle déroule sa silhouette
gracile à fleur de terres
dans des filets d’eau.
Si on la dévisage
elle se trouble et disparaît
d’un trait