MICHEL DIAZ
Ce texte est extrait de Quelque part la lumière pleut , recueil en attente de publication.
l’instant, celui qui ne laisse rien de sa fuite qu’une absence de souvenir, est la blessure ouverte sur laquelle, silencieuse et drue, tombe une neige taciturne, sur un monde qui perd ses couleurs, un paysage disparu, toutes frontières effacées, mais ouvert sur un ciel aussi sourd et muet que le sont, au-delà, ses hypnotiques galaxies d’énigmes
heures blanches comme des cercles sans commencement ni fin, elle était là, me regardant, son ultime point de repère, les mains croisées sur ses genoux, ne sachant nulle part où aller dans ce monde où tombait cette neige, silencieuse et drue, et jetant jusqu’à moi ce regard éperdu sur lequel nous tentions de passer le gué de ce pont fugitif qui nous reliait d’une rive à l’autre
entre nous, tombait cette neige, des cristaux de glace dansaient, tantôt avec cette lenteur qu’ont les étoiles mortes, et tantôt, sans qu’on sache pourquoi, avec cette vitesse solitaire des comètes qui brûlent dans nos yeux en poussière de nuit, n’y laissant que la trace, aussitôt dissipée, de leur étincelle onirique
nous étions seuls alors, l’un en face de l’autre, au milieu des flocons et de leurs tourbillons de glace, ensemble et exilés au point que seul nous demeurait l’éloignement d’un éloignement sans retour, maelstrom d’un tombeau qui ne disait rien de son nom, un bord d’abîme où, résorbés dans la lumière, nos regards se croisaient sans jamais se rejoindre, sinon dans le miroir d’une saison sans nom