RAPHAËL MONTICELLI
J’avais connu François Matteudi par l’intermédiaire de Pascal Paradis qui tenait un atelier de gravure à Nice. Le travail de Matteudi m’avait conduit à écrire une série de textes dans lesquels je me référais -de loin- à Guy de Maupassant. C’était en 1999. Puis, je ne sais pour quelle raison, nous nous sommes perdus de vue, et le texte est demeuré en l’état, ce que, régulièrement, je regrette.
Le voici dans son jus de l’époque... Me reviennent les souvenirs des va et vient entre ses œuvres et mes pages d’écriture.
Le dit du guide de naissance
« Maudite passe, encore, pensait John, comme chaque fois que sa naissance lui revenait en mémoire, maudite passe, vraiment ! »
Il ne s’en rappelait plus trop bien le jour et les circonstances précises, mais il savait que ç’avait été une malédiction que de finir par être quelqu’un pourvu d’une mère dans cette chambre donnant sur la rue parmi les cris, la tête enfouie dans un pantalon coincé entre un livre et un chien ; à moins que la chambre ne fût installée à même la rue et que le cri n’eût été que celui de quelqu’un tenant la tête de sa mère dans son pantalon, s’adonnant au plaisir comme s’y livrent les chiens ; d’autres fois encore, il pensait à une rue calme comme une chambre et qui retentissait soudain d’un seul et interminable cri douloureux comme le hurlement têtu d’un chien ; il cherchait vainement sa mère, ôtait son pantalon et prenait un livre ; dans tous les cas, son père semblait avoir été absent de cette histoire où il finissait par hésiter entre flaque et mare, dérisoire restes d’eau dans des rues sales, souillées par mille riens comme au petit matin d’une sordide fête, quand remontent aux lèvres les débris des soupers, les relents des salons, et les rires des grues. Les fleurs froissées des caniveaux se délitaient dans des explosions lentes et sourdes ; de grands coups mécaniques rythmaient un temps définitivement incertain ; les ruelles exhalaient les odeurs rances de poussières et de graisses accumulées ; lui-même n’était plus que quelqu’un qui doutait même de son nom.