PATRICK JOQUEL
Je lui ajoute trois petits cailloux ►
Tête de sanguinière
Enfin
je ne peux plus aller plus haut
Un sifflet de marmotte me salue et la vue me saute aux yeux. Je prends le temps de nommer les sommets. Tout au moins ceux que je reconnais. Tous ceux sur lesquels j’ai déjà hissé mon corps. Tout un passé de randonneur me ruisselle en silence. Aimer.
Je ne suis pas le premier ni le dernier dans cette petite cohorte de ceux qui sont venus là parce qu’il le fallait... Nous ne sommes pas si nombreux vraiment par rapport à l’humanité entière... Ceux qui ont tracé le chemin. Empierré les sauts. Usé la pente et courbé la montagne à façon d’emprunter son altitude sans manquer d’air...
Solidaire de tous ceux qui ont balisé ainsi le passage
Marcher comme un psaume
les pas répètent et transmettent la louange
Un lagopède et son dernier poussin où sont les autres ?
morts de quoi ?
Émotion fragile
et promise au froid
La plainte du lagopède me donne la route parmi les cartographies colorées des lichens
++++
Mont Pelat
Un dernier pas
une dernière poussée nous n’irons pas plus haut on ne peut plus monter
Tout autour de nous
le paysage
360°
avec sa houle de crêtes
Conscience
à la fois du vide
et de la précarité des cailloux
Nous posons sac et corps
nous nous couvrons
maintenant nous pouvons regarder repérer
nommer pénétrer
Je viens ici
comme en urgence
avant qu’il ne soit trop tard
Pour embrasser le monde
++++
Entrevaux, chapelle st Michel hiver 06,
le vent s’entête aux sommets des hêtres jette en crête un souffle rauque
sur la pente
l’élan des rafales
dont les doigts comptent les troncs décomptent les feuilles
avant de jouer au sol
leurs cliquetis secs
ce vent taquin
qui les entasse
dans le creux du sentier
le visage du randonneur dessine un sourire enfantin
quand ses pas s’enfoncent jusqu’aux genoux
dans leur ocre lumière
entre ces deux vents nous marchons
polaires électrisées jusqu’à l’étincelle