RAPHAEL MONTICELLI
Éléments en vue d’une conférence à l’école d’art de Luminy en 1988
Oui, ce n’est pas la nouveauté qui fait le choc... Je ne veux pas parler de la surprise. Je veux parler du maelstrom, je veux parler du bouleversement...
Je crois que, peu ou prou, j’ai commencé à traiter le thème annoncé par vos affiches : La peinture, quelques enjeux... Mais je n’ai pas terminé mon cheminement... Je n’ai peut-être pas encore assez clarifié ce qui est en jeu dans les pratiques artistiques. Pour accéder à plus de clarté, ou, si vous préférez, pour que les enjeux apparaissent davantage comme urgences, je voudrais accentuer mon dernier critère.
Ce que je demandais, et toujours demande, à l’art dans ce bouleversement, c’est qu’en somme il fasse de moi un perpétuel apprenti. Pour apprendre quoi ? En d’autres termes... Est-il possible de préciser le rôle que joue l’art dans les activités d’apprentissage et plus généralement de formation. Je ne veux pas parler ici de l’apprentissage de l’art lui-même, ni de l’enseignement des pratiques artistiques, mais de ce que l’art permet de structurer dans une formation individuelle et collective... Quand j’ai commencé à me poser la question dans ces termes j’ai prétendu que l’une des épreuves par lesquelles je faisais passer les oeuvres d’art, l’un des critères qui me permettaient d’établir si je me trouvais en présence d’une activité créatrice, était l’épreuve de la formation de l’enfant... Cette formulation un peu abrupte a le mérite d’introduire clairement mon sujet. Nombre d’enjeux de l’art ne me sont apparus que dans le rapport aux apprentissages, d’un autre coté c’est l’observation des procédures d’apprentissage qui m’ont permis de tester la validité des enjeux... Je dirai sommairement que la pratique de l’art permet de se construire un corps, et c’est vrai pour l’individu comme pour la collectivité ; permet de se situer comme corps dans l’espace, permet de construire des images, des figures, des symboles de l’espace (des espaces ?), plus généralement (?) un rapport au visible, permet de se construire un temps, enfin est le mode par lequel se construit ce que l’on appelle un regard.
Pas plus que je ne suis critique officiel, historien ou philosophe, je ne suis physiologiste, ou pédapsychologue... C’est donc toujours comme témoin et comme amateur, comme professionnel des apprentissages, et de la liaison entre les pratiques de l’art et celles de l’ensignement que je poursuivrai donc mon exposé, vous laissant le plus souvent le soin de compléter mes dires par les références à l’histoire de l’art que vous glanerez dans votre mémoire.