RAPHAEL MONTICELLI
Éléments en vue d’une conférence à l’école d’art de Luminy en 1988
Avant de revenir à Léonard de Vinci, deux mots quand même sur le rôle que j’assigne ici à l’écriture dans mon rapport à l’art. Je dois à l’écriture d’avoir été introduit à nombre de pratiques. En même temps l’écrit sur l’art le plus souvent m’agace quand il oublie la matière pour parler de l’image ou du thème. En même temps l’écriture de Butor qui cherche à rendre en mots l’impulsion qu’il va puiser dans sa fréquentation de l’oeuvre me fascine. En même temps je rêve comme bien d’autres de ma génération d’une sorte de picturique, d’une approche scientifique des faits artistiques. En même temps j’ai essayé d’explorer la diversité des rapports écrits à l’oeuvre d’art. J’en reparlerai peut-être. Dans tous les cas parler ou écrire, c’est se donner du souffle ou de la voix, c’est chercher à mesurer ce que l’impact de l’art a permis d’apprendre, c’est remplacer de l’ignorance par du savoir, c’est enfin se construire un regard.
Alors, Léonard de Vinci... Nous étions donc, Dolla et moi, à Rome. C’était, je crois, sa première expo à l’étranger. Il exposait avec Alocco, Saytour et Viallat dans une manifestation qu’organisait, nous étions en 1969, le groupe INterVENTION, dont je pourrai vous reparler si vous le souhaitez. Je vous passe nombre de détails. Le fait est que nous nous sommes retrouvés visitant les musées vaticans... Il faisait, n’est-ce pas, mon éducation moderniste et me montrait les grandes tartines XIX° dont je n’avais aucun mal à dire que je les trouvais infectes et qu’il était temps, oui, bien temps, que de Dada à Fluxus, de Malévitch à Matisse, on vienne balayer tout ça... Courons dans le musée. Jusqu’à ce que, entrant dans l’une des salles, nous sommes tombés en arrêt, en même temps, devant le même tableau, du genre t’as vu, t’as vu... Et c’était un Léonard. Le saint Jérôme, tableau, du reste, inachevé, et qui pourtant… Noël a prétendu avoir été très secoué. Quant à moi, ma toute neuve religion support-surfasante en prenait un sacré coup... Elle ne s’en est jamais remise. C’est ainsi que de musée en musée... Aussi bien que de mises en scènes en mises en scènes, Léonard de Vinci m’a banalement poursuivi. Je m’en excuse. J’aurais préféré vous dire avoir été poursuivi par quelque autre peintre plus rare, ou moins couru... Mais il nous faut parler vrai... N’est-ce pas ?